Vacarme 08 / Actualités

Syrie 1

Le référendum de notre allié stratégique

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Le « guide éternel » de la Syrie, le généralissime Hafez al-Assad, vient d’être réélu par 99,987 % des suffrages pour un cinquième mandat présidentiel. Les autorités françaises n’ont pas jugé bon de commenter cette réélection de l’« allié stratégique » de la République. Il faut dire que les journalistes ne leur ont rien demandé...

Mais qu’est-ce qui justifie encore le terme de scrutin lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat briguant sa propre succession à une présidence acquise par putsch, et où les électeurs sont sommés de se rendre dans des bureaux de vote dépourvus d’isoloirs, d’enveloppes ou d’observateurs autres que les barbouzes moukhabarat ?

« Référendum », répondent l’AFP et les journaux qui rapportent généralement l’information en quelques lignes. Or ce mot désigne selon le Robert un vote du peuple « pour approuver ou rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif », et il évoque un de Gaulle droit dans ses bottes plutôt qu’un usurpateur ferme dans sa tyrannie. Quant à l’expression « référendum présidentiel [1] » spécialement concoctée par Le Monde pour l’occasion, elle évoque un président qui recourt au peuple à la hussarde et en bravant son Premier Ministre de la cohabitation.

« Plébiscite » désigne plus justement le vote du peuple « par oui ou par non sur la confiance qu’il accorde à celui qui a pris le pouvoir ». Le Monde préfère pourtant n’utiliser ce mot qu’en guise de jugement ultime, au lieu de constater la parodie de plébiscite et de juger en conséquence. Encore faut-il pour cela rappeler la raison d’être du scrutin plébiscitaire. Or pas un seul journal n’aborde le putsch de 1970 à la faveur duquel Assad a pris le pouvoir, et encore moins l’état d’urgence en vigueur depuis lors. Même Libération, étrangement inhibé pour le coup, raconte qu’« arrivé au pouvoir en 1970, Assad a été réélu sans opposition en 1978, 1985 et 1992 [2] ». Une dépêche AFP du 10 février effleure certes quelques « violents soubresauts » qui ont marqué le règne d’Assad. Mais elle les met obligeamment au compte d’une vie politique syrienne « fragile et volatile », préférant s’attarder sur le « sens aigu des rapports de forces » et autres « vertus de la stabilité » chez cet « interlocuteur incontournable au Proche-Orient ».

Notes

[1Le Monde, 12.02.1999.

[2Libération, 12.02.1999.