Vacarme 04/05 / actualités

vous reprendrez bien quelques juifs...

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Dans le désert informationnel de la fin du mois d’août — pour les journaux télévisés le monde se résume alors à Paris et aux plages de la Côte d’Azur, comme si le reste était parti en vacances sur Mars — une nouvelle un peu étrange. Le Dauphiné Libéré, quotidien peu ragoûtant du sud-est de la France titre sur une affaire oubliée de longue date : à Voiron, en Isère, dans la nuit du 22 au 23 mars 1944, une quinzaine d’enfants juifs et leurs deux accompagnateurs cachés dans une maison de la commune sont arrêtés par la Gestapo, vraisemblablement sur dénonciation. Ils sont ensuite envoyés à Drancy et, de là, dans un camp de concentration dont aucun n’est revenu. France Info prend l’histoire pour sujet de reportage de fin d’après-midi. On interviewe des personnes de la commune qui se mettent à se souvenir. Une femme que l’on sent déjà âgée raconte que sa mère lui a dit à elle et à son frère la nuit de la rafle, de rester dans la maison :

— Elle est revenue et elle a pleuré ; elle a dit : « Ils ont tout emmené. ».

— Vous saviez que les enfants se cachaient là ?

— Ben oui, parce qu’on en voyait deux qui sortaient. Mais on avait peur.

La milice était bien présente à Voiron. Elle terrorisait son monde, nul doute. Mais comment peut-on conclure :« C’est bien triste » ?

La propriétaire actuelle de l’endroit où se trouvait la maison :« Nous avons toujours entendu parler de cette histoire : il y avait des enfants juifs dans la maison, on croyait qu’ils avaient été brûlés ou quelque chose comme cela ».

Quand la Shoah devient un sujet d’apitoiement au même titre que n’importe quelle autre catastrophe, quand la mémoire est prise pour événement, quand le mot génocide ne semble toujours pas faire sens, la radio aussi dégoûte.