Vacarme 04/05 / démocratie

comptoir

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À l’angle d’une petite rue qui croise l’avenue de Clichy Paris XVIIéme arrondissement : un café de quartier, son barman, ses habitués, un nouveau client. Accents, couleurs, générations se croisent ou se côtoient. Pas un tableau idyllique de l’entente multicommunautaire, l’ordinaire, sans autres heurts que les embrouilles ordinaires. Tracas ou blagues, au quotidien. Tout ce qu’on imagine des bistrots parisiens sans avoir besoin de s’y rendre. L’écoute, flottante mais néanmoins soucieuse, le barman discute soigneusement avec la clientèle de l’ouverture, café calva, crème et tartine, du midi, plat du jour ou jambon beurre cornichons, du soir, pastagas, blanc-cassis et pressions. Le barman porte un autre regard sur ce monde d’hommes qui s’accoudent à son zinc. Un regard d’une acuité différente, porté à partir de cette marge qu’il occupe de l’autre côté du comptoir. Quand il se rend compte de la présence du nouveauté client, celui-ci est déjà intégré à sa clientèle, celle de l’après-midi. Avenant, le client n’est pas avare d’opinions. Il se lie avec certains. Il est là, jour après jour, depuis quatre mois, entre 14 et 17 heures. Le coût de fa vie, les affaires de moeurs, la corruption, il faisait si beau, il y a deux ans, pour les vacances au Maroc, la kasbah, le bon temps avant d’être licencié pour raisons économiques, six mois plus tard. Ni trop fumeur, ni trop buveur, il offre des cigarettes, il en demande aussi. Pas de vices manifestes. Amical. Il joue facilement aux dés.

II ne parle qu’aux blancs, aux européens. Le barman le remarque, chez lui on parle à tout le monde. Le client ne s’en cache pas, il milite au Front national. Le jeudi et le dimanche, il diff’ sur les marchés alentours.

Entre 14 et 17 heures, tous les jours, il y a beaucoup de chômeurs qui font escale au comptoir. Un express ou un demi.