pour une économie au service de l’homme

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Chômage, hausse de la précarité, régression sociale... Les changements récents survenus dans l’économie mondiale ont amené des associations d’aide au développement à repenser leur place dans le champ économique et à réfléchir, à partir de leur expérience dans les pays du Sud, sur la façon de remettre l’économie au service de l’homme.

Plusieurs facteurs ont amené les associations de solidarité internationale à repenser la forme et le champ d’application de l’engagement de leurs militants. Premier moteur de cette réflexion, le constat, facile à dresser, des carences de l’économie libérale. En effet, malgré la constante hausse des richesses, l’application draconienne et sans cesse plus large du libéralisme dans un contexte de mondialisation des échanges, a rendu plus précaire la situation économique et sociale des moins favorisés (développement des exclusions et de l’inquiétude, remise en cause des droits sociaux, civiques et syndicaux, essor de nouvelles formes d’esclavage d’adultes et d’enfants dans le Sud, etc.). Le discours politique semble d’ailleurs avoir renoncé à évoquer toute forme d’alternative(s), en appelant désormais sans cesse à plus d’« adaptabilité », à des évolutions commandées par une sorte de sens de l’histoire contre lequel toute forme de résistance est vue comme les sursauts d’immobilisme d’une société frileuse, engoncée dans ses clivages.

Ainsi considérée, l’économie mondialisée, insaisissable, semble désormais échapper à tout contrôle et supposer de l’homme qu’il doive impérativement s’y adapter et la servir. Face à ce discours qui valide l’inacceptable, les acteurs de la solidarité veulent à présent réaffirmer la priorité des Droits de l’homme (entendus au sens large, droits économiques, sociaux et culturels). L’économie doit aussi se plier à cette éthique là, en vue d’un développement équitable et socialement juste.

Second élément de réflexion : la disparition de la dichotomie « Nord = richesse et Sud = pauvreté » qui a longtemps conditionné le discours et l’engagement militants. Si ce concept fut jamais valable, il n’a désormais plus cours, car au Nord comme au Sud, se développent les mêmes problèmes engendrés par l’inégalité entre de très grandes richesses et des situations de plus en plus précaires. Partant de leur longue expérience en matière d’économie solidaire (définie par Aline Archimbaud comme une « l’économie citoyenne de coopération, à but d’intérêt collectif, hybridant différentes ressources : marchandes, non marchandes et bénévoles »), les associations de développement tentent de faire aboutir cette réflexion dans divers types d’actions, tant en France , que dans les pays du Sud, changeant en profondeur la forme de l’engagement militant. Elles en sont venues à soutenir des projets d’économie solidaire (micro-entreprises, coopératives, organisation de crédit mutuel, structures d’insertion ...), c’est-à-dire à devenir un nouveau type d’acteurs économiques, alors qu’au départ leurs actions avaient un caractère plus caritatif. Pour une association comme Terre des Hommes France, l’évolution s’est faite ainsi : ayant tout d’abord pour vocation le secours et à l’adoption d’enfants du Tiers Monde, activités qu’elle a désormais totalement abandonnées, elle a déplacé son action vers le soutien de projets de développement des populations (au niveau de la santé, de l’éducation, etc.), puis vers des projets économiques. , Ces projets, développés au Sud depuis de nombreuses , années et plus récemment au Nord, bien souvent nés de simples initiatives de citoyens, engendrent un réel savoir-faire et constituent des expériences innovantes par la priorité qu’elles accordent à l’homme dans ses rapports à l’économie. Bien qu’elles soient encore marginalisées, c’est bien cette priorité qu’elles accordent à l’homme qui fonde leur légitimité, plus que leur viabilité économique pourtant réelle (pourquoi en effet toujours juger toute activité économique en priorité — selon les termes du marché, et non selon sa fonction sociale, qui est sans doute la seule à lui donner du sens ?). Profitant de leur position d’interlocuteur privilégié vis-à-vis des nombreux partenaires au Sud comme au Nord, ces associations voudraient désormais confronter ces connaissances avec les acteurs concernés par l’économie solidaire au Nord en organisant des rencontres, des formations, des stages s’adressant aux représentants d’ONG partenaires au Sud et travaillant dans des domaines similaires (à ce titre, par exemple, le voyage d’études effectué par des représentants d’ONG palestiniennes et du ministère de la santé de l’Autorité, en France auprès de la Mutualité Française et en Tunisie pour étudier le système de santé mutualiste mis en place). Mais à travers une forme de soutien à des projets économiques privilégiant les actions collectives et citoyennes, les associations de solidarité espèrent promouvoir un autre modèle d’économie accordant la priorité à l’homme au sein de la société.

Dans cette optique, cette association lance cette année une campagne devant porter sur plusieurs années, intitulée « Pour une économie au service de l’homme ». Cette campagne a quatre objectifs :

— répondre aux préoccupations des militants concernant le domaine économique. Face à un discours politque qui envisage l’économie comme un ensemble de phénomènes trop complexes pour être maîtrisables et aux exigences de laquelle il faudrait se plier, cette campagne propose aux militants de se former autour des thèmes du travail, du chômage, de l’insertion par l’économique, de l’épargne et du crédit solidaires, de la mondialisation et de la régulation des échanges. Cette formation doit, d’une part, permettre aux militants de se réapproprier les termes et le discours sur l’économie, et, d’autre part, permettre à TDHF de s’impliquer de façon plus active dans le champ économique.

Au-delà de l’information proposée par cette association à travers le journal Peuples en Marche, il s’agit aussi d’organiser des rencontres entre militants et spécialistes, tous acteurs d’une économie alternative.

— s’engager au niveau local, auprès de ceux qui oeuvrent pour une économie au service de l’homme. Consciente de sa position particulière au sein des réseaux d’ONG et de sa vocation à promouvoir les Droits de l’homme, TDHF tient à intervenir auprès des acteurs de l’économie solidaire, tant au Sud qu’au Nord, afin qu’ils puissent mettre en commun leurs expériences d’actions solidaires. -s’impliquer dans la société française en sensibilisant l’opinion publique à la défense des droits sociaux, économiques et culturels. Conférences, débats, témoignages, expositions, jeux, actions de rue, mais aussi sensibilisation en milieu scolaire, information par la diffusion d’outils pédagogiques (dossiers, fiches, bibliographie, etc.) et mobilisation des médias. — interpeller les décideurs économiques et politiques, en dénonçant les causes du mal-développement au Nord comme au Sud, ainsi que les mécanismes qui emploieraient à des tâches de seconde catégorie les laissés pour compte de la société salariale, avec des statuts atypiques. Une telle conception ne servirait qu’à légitimer le système du marché.
L’économie solidaire se propose d’aller plus loin : « produire de la valeur autrement que l’économie de marché, produire de la solidarité d’une autre façon que l’économie de traitement social ». Elle constitue une forme de régulation volontaire, dans et par la société, des aberrations qu’engendrent les mutations de l’économie. A travers son application et la validité des modèles qu’elle propose, il s’agit aussi de peser sur le débat politique en faveur d’une autre répartition des richesses et des ressources, d’une autre façon de penser l’économie.