Vacarme 41 / cahier

le cerf-volant avance

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La vie va-t-elle commencer demain ? Le temps a été repris aux enfants par les parents d’abord, et ensuite par les enfants aux parents et puis je ne sais plus comment et par qui. Sur le journal, les épluchures décolorent des phrases jamais lues, des photos parfois. Les nouvelles filent. Tu mets du fart sur tes skis et je sais que tu les chausses même en plein été. Les invitations jonchent le sol. Les fêtes font des piles.

Un cerf-volant traverse la cuisine. Le chemin n’est pas à sa taille. Sous ses pattes, le carrelage, des grains de riz, du sable. Il dresse ses mandibules. Petit tank. D’anthracite et de grenat. Il avance. Il a brisé sa loge de terre et de débris végétaux au début de l’été. Quitté la nymphe pour l’insecte. Il n’hésite pas.

Tu vois, la perspective n’est plus la même. Dans le temps compté, le minuscule compte. J’avance. Les yeux plissés. Au milieu des mots silencieux. Depuis peu, je sens bouger le corps des phrases. Dans les pauses, les soupirs, sur les quais. Les lettres font dos à la lumière. Griffes et becs d’oiseaux. Leurs plumes accrochées aux cintres.

Par terre, le cerf-volant garde l’encre. Il crisse sous cape et n’écrit pas. J’adore le jeu de ses articulations. Il cherche à rejoindre la haie ou la réserve du bois de chauffe. Je ne connais pas son échelle mais c’est peut-être encore loin. Derrière, il possède un atelier rutilant où il peaufine une embarcation. D’anthracite et de grenat. Pour plus tard.