Vacarme 41 / cahier

Sainte-Marie-aux-Mines, épisode 5

site en construction

par

Depuis le printemps 2006, Vacarme tient le journal de « ce qui n’était pas encore une campagne » mais une initiative citoyenne cherchant une réponse collective à la montée de l’extrême droite. En deux ans, l’association Val Avenir a tissé des liens, ouvert un lieu au centre de la petite ville alsacienne, organisé des rencontres et des débats mais aussi longuement pesé la question d’« y aller ou pas ». Aujourd’hui, premier épisode d’un journal de campagne : Pierre Kretz a officiellement annoncé sa candidature aux prochaines municipales avec Printemps 2008.

Si Val Avenir poursuit ses activités associatives, l’horizon a pourtant changé. La création de Printemps 2008 et la décision de se lancer dans le pari des municipales se situent, bien sûr, dans la continuité de la mobilisation de terrain, dans le droit fil de cette expérience citoyenne où l’hypothèse fut longtemps agitée, discutée, confrontée aux difficultés intimes ou pratiques qu’impliquait une telle aventure. Deux choses, pourtant, suggèrent qu’une transformation s’est opérée. D’un côté, l’expérience de Val Avenir témoignait d’une telle défiance envers le champ politique traditionnel que quitter le terrain de l’affrontement partisan était alors un préalable indispensable à tout dialogue possible. Autour de Printemps 2008, le ton est différent, et l’on sent les mots un peu réconciliés avec les formules d’un discours public auparavant impraticable : « Pour nous, déclare Pierre Kretz, se présenter devant des électeurs, c’est faire de la politique au sens le plus noble du terme, c’est se référer à des valeurs que l’on entend mettre à l’épreuve de la réalité d’une ville. » Dans le même temps, l’opposition à l’extrême droite dont était née l’association passe au second plan : il ne s’agit pas d’y revenir sans cesse, au risque de laisser croire que l’ombre du conseiller général d’Alsace d’abord constituerait le seul ressort de l’engagement ; il n’est plus seulement question de réagir mais d’agir, de proposer et de construire.

De construction, justement, il est ces temps-ci beaucoup question, à commencer par la construction de la liste elle-même, à la recherche d’une équipe « soudée, solidaire, représentative des forces vives de la ville ». La liste, articulée autour de trois courants (gauche, écologie, centre) compte déjà plusieurs noms, d’autres se proposent. La parité oblige à des choix ; si le nombre d’adjoints s’agrandit, on restreint les compétences de chacun. La proposition d’un général de gendarmerie en retraite a d’abord suscité une vive surprise puis l’assentiment, les représentants des deux mosquées (l’arabe et la turque, dans cette ville où il y a aussi un temple calviniste et une église luthérienne) frappent à la porte... Le pari est de faire de ces bricolages la matrice de la réflexion sur ce qui peut se tisser à Sainte-Marie ; aussi la constitution de la liste est-elle devenue « au fil des rencontres, des échanges avec les habitants de la ville, un véritable laboratoire d’idées d’où est issu le programme », programme rédigé au cours de l’été et mis en ligne sur le site à la mi-octobre (www.printemps.2008.fr). Nouvel instrument de la politique locale, Internet a ici l’avantage de laisser percevoir, dans ses pages provisoires dont les contenus se modifient au fur et à mesure, quelque chose de la manière dont cette réflexion collective se trouve en marchant. Dans sa version actuelle, le site s’ouvre avec la définition des grands axes auxquels le programme s’adosse :

« c’est au niveau d’une commune que le vivre ensemble doit s’inventer et s’enrichir sous l’impulsion d’une équipe municipale et ce dans tous les domaines de la vie sociale.
c’est au niveau municipal que le slogan penser global, agir local peut trouver son sens véritable, en particulier dans une approche innovante des questions liées au développement durable.
ce sont nos valeurs humanistes et notre conception de la démocratie qui nous font partager une ferme opposition aux idées extrémistes et aux porte-parole de ce courant politique.
la politique d’une ville s’élabore avec des idées et non de l’idéologie. »

Si le programme reprend et approfondit les questions qui ont été le fer de lance de l’association Val Avenir (le nouage, en particulier, entre économie, écologie et domaine social à travers, par exemple, des propositions concernant le domaine des forêts communales), frappe surtout cette insistance sur le « vivre ensemble » et la démocratie, directement issue de l’expérience associative. Sur ce point, Printemps 2008 ne s’en tient pas à l’énoncé de grands principes : « protéger légalement l’expression d’opinions différentes, garantir la disponibilité des élus et leur goût du dialogue, promouvoir l’information et encourager la critique, reconnaître et soutenir les associations », ou encore « affermir la liberté des médias locaux », dans un contexte ou la télévision locale est encore sous l’autorité du président de la communauté de communes (« comme au beau temps de l’ORTF », ajoute Pierre Kretz). En amont, le programme peut s’adosser à quelques recettes élaborées au cours de l’année passée [1], telle l’installation d’un arbre à palabre le samedi matin au marché, les réunions en appartement, les rencontres dans les bistrots. En aval, les engagements qui touchent à l’organisation de la démocratie locale se font précis, et viennent s’articuler au jeu ordinaire des institutions municipales. Permettre de donner la parole au public lors des conseils municipaux ; organiser à chaque date anniversaire de l’élection un « forum de printemps » pour échanger sur le devenir de la ville et les décisions prises durant l’année écoulée : telles sont quelques-unes des propositions déjà formulées... mais le site est encore en chantier.

Notes

[1Voir « De l’association Val Avenir au projet électoral » in Vacarme n° 40.