Vacarme 41 / lignes

la parenthèse du chagrin rencontre avec Gilbert Longhi

Proviseur du Lycée Jean Lurçat à Paris de 1997 à 2006, où plusieurs structures dont le Lycée intégral, le Lycée du temps choisi, la Ville pour école, trouvèrent abri, Gilbert Longhi arpente depuis 1970 les labyrinthes de l’institution scolaire avec sa boîte à outils : d’accord pour maintenir la machine en état de marche, mais à condition de « s’occuper aussi des gamins dont personne ne veut et qui sont les enfants de la République », à condition de « faire venir de l’innovation, des idées, celles dont les jeunes profs pétillent ». Prêt à débusquer dans les interstices des textes officiels des espaces de liberté, Gilbert Longhi ne s’endort jamais sur l’établi : récit de la rencontre d’un chef d’établissement épris d’expérimentations.

entretien réalisé le 10 juillet 2007 par Vincent Casanova, Ariane Chottin & Mathieu Potte-Bonneville

Depuis la rentrée 2006, proviseur dans un lycée de l’académie de Versailles (le lycée Einstein), Gilbert Longhi a d’abord été professeur de psychopédagogie dans le secteur médicosocial tout en préparant une thèse d’État sur une question de didactique (« Pour une approche épistémologique du français scolaire »). Peu après avoir passé le concours de l’École Normale de Cachan, la gauche étant arrivée au pouvoir, son profil correspond à ce qu’attendent les nouvelles autorités d’un chef d’établissement. Nous sommes au début des années 1980. Il s’installe à Pau : « Il m’a fallu alors sortir de la chrysalide et me métamorphoser en proviseur pour ne pas rester dans la gangue professorale. »

La définition du chef d’établissement scolaire est complexe : représentant de l’État dans le lycée, il est l’usufruitier des locaux et des équipements de la région ainsi que le supérieur hiérarchique du personnel ; il est aussi l’ordonnateur des dépenses — ce qui le fait à la fois patron et agent comptable des services d’intendance. Mais sa dimension éducative est la plus importante puisqu’il est le premier pédagogue de l’établissement : « C’est une formule de propagande syndicale qui n’est pas innocente... » À l’aune de l’appareil scolaire, un chef d’établissement n’est qu’un rouage : il doit obéissance à son inspecteur d’académie et au recteur et doit s’en tenir à une lettre de mission validée par sa hiérarchie, ce qui revient à « maintenir la machine en état de marche, sans beaucoup de marges de manœuvre ». Après quatre ans à Pau, dans un lycée bourgeois « avec sa petite nomenklatura locale », Gilbert Longhi monte à Paris. « Il y a une règle de mobilité dans le métier que j’ai anticipée de plusieurs années. J’ai dit Paris ou rien, et j’ai eu Paris comme une punition : en 1987 on m’a refilé un lycée en perdition dans le xe avec 350 jeunes. » Il y commence la lutte contre le décrochage scolaire.

la lutte contre le décrochage scolaire

« C’était le lycée Charles-de-Gaulle. J’y suis resté neuf ans. Un prédécesseur membre du RPR l’avait baptisé de Gaulle par provocation, tout le microcosme éducatif étant plutôt de gauche. L’équipe des profs a fait flamber le nom, on s’est même fait payer par Tiberi une photo de façade à l’effigie du général ! (rires) En trois-quatre ans les décrocheurs sont arrivés et les effectifs sont passés à 800 élèves. »

À l’époque l’établissement proposait aux élèves de seconde, redoublants ou absentéistes, un BEP en un an, un Bac pro en trois ans, et quelques autres formules inspirées de la formation continue, mais « la création de ces sections étaient encore très marquée par le fait de vouloir donner raison à l’institution en proposant une réorientation interdisant l’enseignement général ». Or « il fallait voir les yeux terrorisés de ces élèves obligés de faire de la compta ou du secrétariat pour pouvoir poursuivre leurs études qu’ils auraient préférées littéraires ou scientifiques ». Les professeurs ont donc inventé la matrice de ce qui allait devenir le Lycée du temps choisi. Plutôt que de faire expier les décrocheurs par l’enseignement professionnel, il s’agissait de leur permettre de poursuivre un peu leur rêve sans nier leurs lacunes : « Ce n’était pas Lourdes, mais d’une certaine manière ça leur permettait de retrouver une connexion avec eux-mêmes et avec leur famille aussi. Ce qui est capital, car un mauvais élève, (une mauvaise élève) se croit mauvais fils (mauvaise fille). » L’ouverture du Lycée du temps choisi marque donc un choix radical : apurer le passif des décrocheurs, alléger la pression de l’école pour accentuer l’intérêt pour les études, rehausser les perspectives et élargir le futur.

Gilbert Longhi ne croit pas à l’hypercoaching : « À quoi ça sert de leur faire bouffer du par cœur, de les automatiser, de faire un patterning intense si la page que tu leur donnes à faire est une page de singe ? » Il préfère les stratégies de contournement : l’invention, le cas par cas sont les trésors de sa récolte. Ainsi, à l’opposé du contrat léonin et bureaucratique qui consiste à dire à l’élève absentéiste « tu vas venir tous les jours », à le faire signer, et à le déclarer démissionnaire s’il ne vient pas, le contrat du temps choisi exige de se pencher d’abord sur les jours, les tranches horaires qui posent problème : « Qu’est-ce que tu fais quand tu n’es pas là ? » Ensuite il faut jouer des possibilités administratives pour aménager la fréquentation des cours. En l’occurrence, la réglementation prévoit l’aménagement de l’assiduité sous forme de plan personnalisé de scolarisation : « On peut avoir des problèmes de type psy ou autres même si apparemment il s’agit seulement de garder sa petite sœur ! Bien entendu, il ne s’agit pas de couvrir le travail salarié au noir avec un statut de lycéen. » Proposer un tel contrat, c’est faire le pari de la personnalisation contre la standardisation, sans excès : « Il ne s’agit pas que le particularisme de certains ados les transforme en anormaux : à force de les distinguer il ne faut pas en faire des oiseaux trop rares... » Alors le caractère provisoire de l’accord est souligné : « On te dépanne cette fois, mais pas à chaque fois. » Et le plus souvent, les adolescents considèrent que cette limitation respecte leur liberté.

des interstices dans la structure

Sur quoi s’appuyer pour mettre en place ces inventions ? D’une part Gilbert Longhi sait travailler avec les enseignants ; il dit volontiers que sa posture déontologique [1] est celle des trois O : « Les enseignants sont exempts de toute obédience, observance ou obéissance. Aucune doctrine éducative ne leur est imposée. Cette indépendance est essentielle car les raccrocheurs acceptent mieux l’autorité des professeurs s’ils savent qu’aucun élément ne la biaise. C’est à cette condition que s’installe un climat d’estime réciproque et que les jeunes comprennent que l’école est de leur côté. » D’autre part, Gilbert Longhi creuse les interstices de la structure, avec un pragmatisme solide. « L’Éducation nationale offre une pléthore de dispositifs, de structures, de services, de réformes et d’opportunités dont l’innovation pédagogique peut devenir la commensale. » Ainsi, certains décrocheurs peuvent bénéficier de solutions prévues pour l’intégration scolaire des handicapés, parce que le décrochage est assimilable à la phobie scolaire qui elle-même peut relever d’une prise en charge d’ordre médico-social. Dans le même ordre d’idée, chaque académie dispose d’une portance assurée aux élèves qui n’entrent nulle part (les MGI : Missions générales d’insertion). Les innovations peuvent s’y adosser. « Les premières formules de ces opérations d’insertion remontent aux années 1970 (Raymond Barre), à l’époque, on y accueillait déjà des jeunes qui avaient le dos collé aux murs de leur cité, sans boulot, niveau BEP, en décrochage dès la quatrième... »

Pour jouer ainsi de l’appareil éducatif, il faut « la connivence, et aussi la créativité des profs ; sans connivence, on ne peut rien ». Les blocages restent nombreux, principalement entre les enseignants. Souvent les projets de lutte contre l’échec se heurtent à une perception de l’échec des élèves restée très figée chez certains. « Par exemple pour le redoublement : on se dit que refaire une année à l’identique, ça va faire du bien. Ce n’est pas vrai ! Ça fait maintenant près de vingt ans qu’on a des données sur le redoublement et tout le monde peut dire que le redoublement ne marche pas. Et on continue pourtant à écrire dans le bulletin au conseil de classe : “redoublement”. Ça vient du sentiment profond que ne pas marcher à l’école doit finir par déboucher sur une forme d’expiation. » Et si personne ne veut le mal de l’élève, l’idée qu’on ne doit pas le laisser se réapproprier ses études par du positif domine encore trop souvent. « L’une des expiations classiques, c’est l’orientation en enseignement professionnel. En gros, on est mauvais en français et en mathématiques en août, et on va être bon en soudure ou en maçonnerie en septembre. » Ces affectations par défaut accentuent l’absentéisme, la dépréciation de soi, et creusent le sentiment de l’échec.

Un autre type de blocage à l’innovation provient de l’administration qui, au lieu de chercher la bonne solution pour les élèves, et par crainte du scissionnisme, préfère les décisions qui restreignent le poids des équipes pédagogiques. Du côté des enseignants, « les innovations qu’ils proposent pour des gamins sont très souvent de l’ergonomie positive pour eux : moins d’élèves, moins de temps, plus de moyens, plus d’indépendance, plus de cooptation. Et puis, nombre d’entre eux sont plus didacticiens que pédagogues : ils aiment prendre des corpus de connaissances sophistiquées, qui leur font plaisir et acceptent d’en faire des trucs très lisibles. Mais au bout du compte, si le lundi matin, le gosse a le comprenoir bouché, ils ont du mal à trouver comment mettre la connaissance qu’ils ont peaufinée à sa portée. »

Pour Gilbert Longhi, accompagner les enseignants c’est les alléger de leur culpabilité et les amener à admettre que « moins d’école » c’est quelquefois plus sûrement de l’instruction. « Ce qui ne veut certainement pas dire moins de profs ! Car un prof qui s’occupe de la manière dont les élèves vivent leurs apprentissages les arrache mieux à l’échec que celui qui ne s’occupe que des devoirs ».

le tâtonnement et la mesure

Après le lycée de Gaulle, c’est la création à Lurçat, dans le xiiie arrondissement de Paris, d’un ensemble de nouvelles structures (voir ci-contre). Gilbert Longhi les a laissées se tisser en tâtonnant, en permettant que s’expriment la plupart des variables pédagogiques, mais surtout en leur garantissant une autonomie comparable à celle que tout établissement accorde aux classes spécifiques (sections européennes ou sport études, classes préparatoires). Le dispositif, au total, accueille 250 jeunes raccrocheurs « et 250 jeunes dans un lycée de 1200, c’est pas rien ! »

Dans ce bouillonnement, une caractéristique forte a contribué à la pérennité des projets : l’autonomie porteuse d’innovation ne repose pas sur un modèle, pas même celui de l’autogestion. Un autre choix a encore consolidé cette reconnaissance : « Ces structures n’ont pas été installées dans des locaux précaires, dans une zone où personne ne veut aller, mais au cœur du lycée comme des classes standard. Et ainsi, ce qui était classiquement destiné aux parias, aux exclus du système éducatif, est peu à peu devenu un signe de distinction. D’ailleurs, les décrocheurs s’en étonnaient d’eux-mêmes : “je peux vraiment venir ici ?” Et les enseignants qui avaient peur que ces classes ternissent l’image du lycée se sont aperçus qu’au contraire, elles renforçaient l’identité d’un lycée permissif et ouvert. »

Du coté de certains élèves en difficultés qui parfois redoutent d’être stigmatisés par une orientation dans des « classes poubelles » ou « des formations au rabais », il y a aussi eu un retournement : « Ils comprenaient qu’il s’agissait d’une initiative qui créait une réussite et offrait une occasion acceptable de faire des études. Il y a même eu des élèves de cursus classiques qui venaient un an avant retenir une place au cas où ils deviendraient décrocheurs ! »

Là est bien le tour de force : ouvrir à l’intérieur d’un lycée « normal » un seuil que peuvent franchir les exclus, « c’est donner un signal fort dans l’école de la République. Les parents le perçoivent comme un soulagement. Ils n’ont commis aucun acte répréhensible pour avoir un ado qui décroche, or on les laisse la plupart du temps seuls. Ils se font convoquer trente fois : “il faut qu’il arrive à l’heure, il faut qu’il monte les notes, sinon il sera exclu.” Et après ? »

Pour cela, il lui a fallu bousculer les syndicats, « leur démontrer que l’accueil des décrocheurs relevait aussi des missions de l’enseignement public. Aujourd’hui le SNES invite certains d’entre nous à des réunions sur l’alternative au redoublement sec. »

desserrage dans l’institution

Ces structures à l’intérieur du lycée Lurçat se sont d’abord construites avec des personnels exogènes. « Au début, le ministère et le rectorat qui recevaient des idées de profs — le nombre de profs qui proposent des idées est considérable — les dirigeaient vers Lurçat ! Ce qui fait que le lycée incluait au fil du temps des profs qui arrivaient avec leur propre projet grâce à un système de détachement mis au point par l’administration. » Après il y a eu les endogènes, « des profs des classes ordinaires du lycée Lurçat qui sont allés flairer tout cela en touillant le café ». Et puis, à la marge, quelques candidatures triviales, qui visaient un poste dans Paris, une souplesse d’emploi du temps. Mais au fond, reste l’essentiel : s’occuper de la scolarisation de jeunes dont personne ne veut.

La force de ce pari définit l’essentiel du mode de recrutement : les enseignants ont des horaires proches de ceux des professeurs des écoles — ils sont présents tous en même temps, du lundi au vendredi -, mais une forme de desserrage définit l’organisation générale. D’où la variété des compétences et des origines dans l’équipe, « un prof de gym peut se trouver impliqué dans la préparation de l’épreuve de français du bac. Un instructeur d’organisme qui forme des travailleurs sociaux est devenu conseiller principal d’éducation. D’autres personnes provenant d’organismes extérieurs animent des activités de théâtre ou de la musique... »

Depuis 1997, c’est une institutionnalisation réussie qui court maintenant le risque de la longévité. « Mais l’équipe se modifie. Il y a les mariages, les mutations, les départs en retraite et l’accroissement des effectifs. Et puis, le facteur le plus sûr pour éviter la routine reste la posture intellectuelle des profs. Ils ne font jamais deux fois la même chose et ils aiment ça et ainsi, année après année, le tâtonnement reste le ferment d’une invention vivace. »

évaluer : quelle réussite ?

Comment mesurer la progression d’un élève qui raccroche ? Gilbert Longhi sourit, et dans sa réponse, on entend l’assesseur auprès du Tribunal pour enfants de Paris, mais aussi le chercheur en sciences de l’éducation (attaché à l’université de Nanterre depuis 1999 [2]) : « Bien que la réussite soit perceptible, l’administration ne sait pas comment l’évaluer. Ses critères ordinaires sont la longueur d’un cursus et son coût ; ce type de performance étant évalué à l’aune d’un diplôme obtenu ou pas. On pourrait poser le problème autrement, avec une touche de provocation : combien de jeunes issus d’une hypokhâgne et d’une khâgne intègrent Normale Sup ? Les structures pour raccrocheurs ont un rendement très supérieur en termes de débouchés ! Il serait donc plus juste de mesurer “l’atténuation de dépenses” plutôt que le rendement scolaire. En effet, où seraient ces jeunes et à quel prix, s’ils n’étaient pas avec nous ? L’école publique doit-elle les faire sous-traiter ? Par qui ? L’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) ? Le juge des enfants ? Les œuvres caritatives, l’enseignement catholique, l’armée ? Si l’Éducation nationale ne les accepte pas qui les recrutera ? L’économie souterraine des soi-disant mosquées des caves et des parkings ? »

la parenthèse du chagrin

Cependant, pas d’autosatisfaction tapageuse, les réponses au décrochage ne marchent pas toujours, pas pour tous, pas comme on l’entend, et il leur arrive de faire l’épreuve de leur impuissance quand surgit « quelque chose qui casse un adolescent, quelque chose de non maîtrisable avec les moyens de son âge ». Dans les circonstances les plus lourdes, « on propose la parenthèse du chagrin : il peut faire une pause dans sa reprise des études, le calendrier scolaire est suspendu et son assiduité aménagée. Les professeurs l’autorisent institutionnellement à être malheureux avec ou sans eux. Évidemment il a droit au retour. » Ce droit au retour est essentiel : l’école ne se défausse pas, tout au contraire, cette façon d’autoriser une parenthèse empêche la rupture du lien et dresse de petits parapets au bord de vides parfois immenses.

Tout un travail de réseau via des connaissances, des empathies, s’est tissé au fil du temps autour de la structure pour accompagner de telles détresses. À chaque fois que l’équipe sent que la demande existe, elle oriente l’adolescent vers les structures existantes en préservant la part intime de chacun. « Il serait dangereux de charger les enseignants d’un exercice illégitime d’une écoute qui les dépasserait eux-mêmes mais ils peuvent dire : si ça te fait mal là, y a des gens qui peuvent s’en occuper avec toi. » Les élèves se sentent respectés, pas jugés au moment où ils traversent des choses dangereuses.

Ouvrir ces parenthèses, permettre ces allers retours, confère aux classes pour raccrocheurs un rôle de protection par rapport à un extérieur hostile. « Du coup, les élèves se servent du lycée comme point d’appui permanent, même durant les vacances, pour expérimenter la vie et la société ; ils créent, communiquent, téléphonent, inventent, montent des projets. »

et l’égalité ?

« L’égalité, c’est la République qui considère les décrocheurs comme ses enfants et qui ne se comporte ni en marâtre, ni en mère indifférente. L’égalité, ce n’est pas forcément que tout le monde fasse du latin ! L’égalité, c’est quand chacun peut aller au bout de ses capacités en étant respecté, même si elles ne sont pas exemplaires. C’est continuer les études au plus près de ses désirs et si possible dans la perspective d’une ascension sociale. » Pour ceux qui n’ont pas eu d’établissement pendant plusieurs années, qui ont cumulé des exclusions et des conseils de discipline, qui se sont inscrits au CNED et n’ont jamais rendu une copie, l’égalité c’est l’école. « En rescolarisant les décrocheurs, la société gagne en grandeur : quand les décrocheurs comprennent qu’on cherche une solution au plus près de leurs capacités et de leurs desiderata, d’abord ça n’empêche pas les autres élèves de réussir, ensuite on leur ouvre la voie de la citoyenneté. Les enfants des décrocheurs en auront le cartable allégé d’autant car rouvrir l’école à un décrocheur de façon digne — non expiation, non humiliation — c’est aussi améliorer la situation de la génération d’après ! »

Post-scriptum

RACCROCHER L’ÉCOLE

Depuis 1997, le Lycée Jean Lurçat accueille 250 décrocheurs par année scolaire avec ses 1 200 autres élèves et étudiants. Les classes qui leur sont destinées correspondent aux paliers habituels d’échec dans l’Éducation nationale. Visite guidée parmi les huit formules de raccrochage inventées par les enseignants de l’établissement.

La Classe sport école recrute des collégiens au niveau de la cinquième et de la quatrième pour un programme reposant sur trois piliers : sports, nouveaux médias et disciplines courantes. L’objectif est l’entrée en lycée professionnel ou en apprentissage.

Des collégiens décrochant en quatrième ou en troisième peuvent également s’inscrire à la Ville pour école, dont le principe est un va-et-vient entre la classe et divers partenaires (entreprises, associations) en vue d’un débouché dans l’enseignement professionnel, l’apprentissage ou un retour aux études générales.

Au niveau de la troisième et de la seconde, notamment après des redoublements infructueux, le Lycée de la solidarité internationale offre une scolarisation couplée à des chantiers dans le tiers-monde et des actions altruistes dans le quart-monde. L’objectif est une poursuite d’études en première ou dans une formation du secteur humanitaire voire sanitaire et social.

La classe dite Lycée intégral recrute après des échecs répétés en seconde et première générales ou en BEP. Les trois voies de sorties sont : la poursuite d’études, l’apprentissage ou l’emploi.

Une formation appelée Lycée du temps choisi propose des cours du soir et des cours du jour avec des cursus modulaires de re-préparation aux baccalauréats (L ou STG). Outre les décrocheurs, cette formule attire les lycéens qui ont un travail salarié pour financer leurs études.

La voie d’intégration aménagée accueille des étudiants en difficulté en première ou deuxième année de l’enseignement supérieur. Elle valorise leurs acquis pour la préparation intensive d’un BTS.

Des lycéens (provenant surtout des voies technologiques et professionnelles) abandonnent les études sans forcément appartenir aux catégories évoquées ci-dessus. La plateforme ENVOL (enseignement de niveau pour une voie d’orientation en lycée) procède à trois rentrées par année scolaire leur permettant une reprise de scolarisation tout en peaufinant une réorientation.

Une formule encore plus souple concerne les jeunes ultra-décrocheurs, parfois en raison de phobies scolaires. Le Lien leur permet d’obtenir immédiatement un statut d’élève tout en restant dispensé provisoirement de cours. Le lycée sert alors de logistique pour des stages et des projets.

Notes

[1Gilbert Longhi est président de l’Observatoire Déontologique de l’Enseignement depuis 1992.

[2Gilbert Longhi a publié de nombreux ouvrages, dont Décrocheurs d’école avec Nathalie Guibert, Paris, La Martinière, 2003. À paraître : Dictionnaire permanent du système éducatif, Paris, Vuibert, 2008.