Vacarme 20 / chroniques

pouquoi charlie parker est-il mort ?

par

Jeff Goldberg : Pourquoi tant de musiciens de jazz comme Charlie Parker sont-ils morts jeunes ?

Count Basie : Quoi ?!

J. G. Pourquoi tant de musiciens de jazz sont...

C. B. Pourquoi sont-ils ? ! !

J. G. Morts jeunes, ouais.

C. B. Je ne suis pas Dieu !

J. G. Y a-t-il...

C. B. Pourquoi me poses-tu cette question ? !

J. G. Eh bien, parce que je...

C. B. Comment peux-tu poser une question pareille à un homme ? ! !

J. G. Je ne sais pas. Il n’y a personne d’autre à qui le demander.

C. B. Pourquoi sont-ils morts si jeunes ? Pourquoi ? Pourquoi ? Peux-tu demander à un homme pourquoi il est mort ?

J. G. Les gens font ça tout le temps.

C. B. Les gens meurent.

J. G. Et puis on demande tout le temps pourquoi.

C. B. Pourquoi il est mort. Mais enfin, ne me demande pas ça. Je ne pourrais pas te répondre. Je crois qu’il n’y a qu’une personne à qui on pourrait demander de dire pourquoi il est mort. Regarde en l’air. Et dis : « Pourquoi ? Pourquoi est-il mort ? » Évidemment quelqu’un pourrait répondre : « Parce qu’il ou parce qu’elle... » Mais ils ne connaissent pas la vraie raison. Ils pensent que, tout simplement.

J. G. J’imagine que la plupart des gens...

C. B. Je suis trop religieux pour ça — même s’il s’agit seulement d’évoquer la question.

J’ai toujours dit qu’ils sont morts parce que Dieu les a appelés.

J. G. Je pense que la plupart des gens...

C. B. Et tu me demandes de but en blanc pourquoi Charlie Parker est mort. Et je suis censé te dire pourquoi.

J. G. Oui c’est ça, je suppose.

C. B. Pourquoi ? Maintenant suppose que je te demande ça, qu’est-ce que tu me répondrais ?!

J. G. Eh bien, je pense que je dirais, je dirais aussi que... hum...

C. B. Tu dirais quoi ? ! ! ! ! ! ! !

J. G. Je dirais qu’il savait ce qu’il faisait.

C. B. Nom de Dieu, réponds à ma question. Pourquoi est-il mort ? !

J. G. Eh bien...

C. B. Pas de eh bien. Pourquoi est-il mort ? !

J. G. Parce qu’il était... À cause de l’héroïne.

C. B. Voilà pourquoi il est mort.

J. G. Mais il y a plus que ça à dire.

C. B. Non, non. Pourquoi est-il mort ? à cause de l’héroïne. C’est ce que tu as dit. Ce serait ta réponse. C’est tout ce que je voulais savoir. Ce serait ta réponse. C’est ta réponse. Tu as répondu à ma question. Mais je ne peux répondre à la tienne. Non, je n’ai pas de réponse.

Post-scriptum

Ce texte a paru dans la revue Unmuzzled Ox, 1976.

Traduit de l’américain par Suzanne Doppelt