Vacarme 26 / cahier

escargot / d’où

par

La route est barrée depuis bientôt six mois, avec un panneau d’interdiction de stationner. Des camions à pistons viennent soulever les voitures dans leurs sangles et les emportent. Il est très tôt, tout le monde dort. Je ne me souviens plus. Faut-il prévenir quelqu’un ? La route est barrée pour des travaux qui ne commencent pas. Sauf le panneau. L’escargot doux roule en coque. Le sol, sous ses jupons charnus, lui donne ses aspérités. Il chemine en baisant les pentes, les creux, les escarpements. Silencieux. La nuit se retire. Les images du monde sont encore roulées dans l’ombre. Je me demande qui vous êtes / Enrobant sa décence dans une oreille de nacre, d’un petit opercule, l’hiver, il se protège. Quand va-t-il dresser ses yeux tactiles ? Le camion se soulève. Certaines voitures sont plus lourdes que d’autres. Le piston peine. Le visage du chauffeur. Bon sang, mais pourquoi il insiste comme ça ? L’escargot doux d’antennes chemine. Ou fait le coquillage. Personne ne sait s’il dort, s’il rêve ou s’il bave / Le jour se lève au pont des pies. Des hommes en costume hésitent à plonger. On enterre les morts, on soigne les blessés. Le coffre de la voiture est fermé depuis si longtemps / Ne pouvant ni parler ni tout à fait se taire, il chemine dans sa langue comme un baiser sans bouche / Lent déplacement des mots. D’où j’ai grandi. Petites pousses entre les graviers / Son véhicule à rétraction vacille / On s’est trompé. L’accident a déjà eu lieu. Et dans le coffre ouvert la petite fille me sourit.