s’approprier les frontières table ronde

Dans le n° 7 de Vacarme, l’article de Claire Rodier Retour sur la Lettre ouverte à Jospin annonçait ce chantier « Liberté de circuler » et notre envie de faire le point sur ce débat empêché. Empêché puisque, telle la lettre à Rodrigue du Soulier de Satin, ce texte avait circulé partout et que tout le monde en parlait sans l’avoir jamais lu. Le seul accusé de réception gouvernemental, souvent relayé par la presse, fut de nous accuser, parfois dans le même mouvement, d’angélisme et d’ultra-libéralisme. « Un réaliste », dit Jacques Rancière, « c’est quelqu’un qui est en retard d’une réalité » : nous n’étions pas ces réalistes-là, et nous avons voulu ne pas en rester à la réalité d’il y a presque deux ans (la Lettre ouverte fut envoyée à son destinataire le 7 juillet 1997).

C’est pourquoi nous avons réuni des signataires du texte (le Gisti et Act Up), des acteurs du mouvement anti-expulsions, et des journalistes, tous partie prenante du mouvement des sans-papiers. Dans l’état actuel de recomposition et de luttes internes de ce mouvement, nous n’avons pu obtenir la participation de représentants des collectifs de sans-papiers : cela aura été également pour nous l’occasion de voir comment nous nous réapproprions ce qui nous vient d’ailleurs pour faire, selon une expression chère à Act Up, de la politique à la première personne. Un premier constat : ce qui ressort de ces échanges, c’est un champ de luttes en cours d’émergence où la liberté de circuler interroge les frontières, où les acteurs se reconnaissent, où la théorie et la pratique des luttes sociales, comme le dit Yann Moulier-Boutang dans notre entretien d’ouverture, sont « à la fois joyeuses, actives et pas illusionnistes ».

Ont participé à cette table-ronde : Anne et Véronique (Collectif anti-expulsion Ile-de-France), Claire Rodier et Violaine Carrère (Gisti), Emmanuelle Cosse (Act Up-Paris), Yann Moulier Boutang (universitaire et revue Multitudes), ainsi que Anne Tristan et Emmanuelle Heidsieck (journalistes)

Vacarme : Au départ, il y a la Lettre ouverte à Jospin que le Gisti a produite et a fait signer à d’autres associations. Là, quelque chose de nouveau, du moins d’un peu inédit, se passait : une revendication claire d’ouverture des frontières. Cela a créé un certain nombre de réactions d’hostilité ; on a été accusés d’angélisme, d’extrémisme, d’ultra-libéralisme... Cela a soulevé des problèmes au sein même des organisations signataires, puis on ne sait pas trop ce que c’est devenu.

La question de départ, c’est donc : qu’est devenue cette revendication ? Où est-ce qu’elle travaille ? Qu’est-ce qu’elle a fait bouger, qu’est-ce qu’elle est en train de faire bouger ? Comment les uns et les autres en sommes-nous arrivés à nous intéresser à l’ouverture des frontières et à la revendiquer sous cette forme ? Nous avons chacun des trajectoires spécifiques, tentons de les expliquer un peu.

Deuxième thème : l’ouverture des frontières, est-ce une nouveauté ou un vieux machin ? Après tout, il s’agit d’une vieille revendication d’une certaine extrême-gauche internationale. Sauf qu’aujourd’hui elle se formule un peu différemment. Essayons d’évaluer cela : est-ce qu’on est en présence de quelque chose de vraiment singulier qui met le feu au paysage politique, ou est-ce que c’est une vieille histoire qui ressort de manière cyclique ?

Troisième thème, le plus difficile : utopie ou désir ? Il engage le statut que cela a pour nous. À l’intérieur d’Act Up, par exemple on a pu entendre : l’ouverture des frontières, c’est un souci de séronégatifs, c’est quelque chose de très très lointain, qui n’est pas dans l’immédiateté habituelle d’Act Up, qui met en défaut un discours politique habituellement énoncé à la première personne, où les revendications s’adossent à des pratiques, à des expériences, à des désirs. Est-ce que revendiquer l’ouverture des frontières peut s’adosser à des pratiques réelles, et auxquelles ?

Quatrième thème : résistances et points faibles. À quoi cette revendication d’ouverture des frontières s’est-elle opposée, y compris dans nos propres rangs et sur quels points stratégiques peut-on se porter pour gagner ? Quelles perspectives de travail politique offre-t-elle ? Quelles perspectives faudrait-il travailler si l’on estime que cette affaire doit devenir mieux qu’un mot d’ordre pour l’instant minoritaire ?

Itinéraires

Claire Rodier (Gisti) Comment le Gisti en est-il venu à l’ouverture des frontières ? L’impression de s’essouffler, d’être enfermé dans des revendications qui passent toujours par des catégories. Il y a certaines catégories qui ont des droits, mais il n’y a pas un droit en soi d’aller où on veut sur la planète. On ne parle jamais du droit des étrangers mais du droit des nations à accepter que quelqu’un vienne ou ne vienne pas, droit qui est régi par l’intérêt que quelqu’un vienne ou ne vienne pas. C’est gênant que ce soient les États qui réfléchissent à l’intérêt que quelqu’un soit là ou ailleurs. Pourquoi pose-t-on la question en termes d’ouverture des frontières ? Parce qu’on fait le constat que la maîtrise des flux et le contrôle des frontières ne marchent pas. Il y a un discours parallèle à celui de l’État, un discours qui dit que les clandestins passent quand même. On ne peut pas maîtriser les frontières : c’est une prise de conscience de la société, et pas seulement d’associations militantes.

Anne (Collectif anti expulsion) L’ouverture des frontières ou la liberté de circulation ? Ce sont deux façons de dire la même chose. L’ouverture des frontières est la seule réponse politique forte susceptible de créer un rapport de forces réel face aux politiques d’État de contrôle de l’immigration. Depuis le début du mouvement des sans-papiers, j’ai aussi été prise dans la tension entre accepter les catégorisations ou les refuser et dire : ce qui veulent être là peuvent en avoir le droit. À mon sens, cette tension est essentielle politiquement. Le collectif anti-expulsions cherche à trouver un moyen d’intervention dans une lutte globale, un moyen d’intervention qui nous soit propre, et qui ne soit pas seulement du soutien ou de la solidarité active. Je préfère la liberté de circulation à l’ouverture des frontières. La liberté de circulation n’implique pas seulement l’ouverture des frontières, mais le refus global du contrôle des personnes, du fichage, ce qui amène une réflexion sur le fait que chacun dispose de sa vie.

Anne Tristan On est nous-mêmes privés du droit de regard sur ce qui se passe aux frontières, car ce sont des lieux de non-droit : ni le citoyen ni le journaliste ne peuvent y accéder, le droit de la presse n’est pas respecté. Les frontières telles qu’elles existent, c’est-à-dire les postes de rétention, les zones d’attente, les locaux dans les commissariats de police, sont des endroits qui gênent, des zones aveugles. Dans la liberté aux frontières, il y a cette autre liberté : la liberté de voir, la liberté d’y aller. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un soutien aux migrants, tant s’en faut.

Emmanuelle Cosse (Act Up-Paris) On s’est d’abord opposé à l’expulsion des personnes malades qui ne pourront plus recevoir de traitements : « Malades expulsés = malades assassinés ». La première étape importante, c’est l’ADMEF (collectif action pour le droit des malades étrangers en France), qui prend en compte non seulement le sida, mais toutes les pathologies graves. La deuxième étape, c’est Act Up saisi par le mouvement des sans-papiers, sur le constat d’une affinité. Des gens sortent de la clandestinité, parlent à la première personne, pour leur propre compte, ne laissent pas aux experts le monopole de la parole sur eux et font acte de désobéissance civile. Ça parlait aux pédés séropos d’Act Up. La troisième étape, c’est Nous sommes la gauche et la rencontre avec le Gisti. Résultat : l’ouverture des frontières est pour nous un peu exogène. On y adhère dans le cadre d’un mouvement de contestation de la représentation classique, d’irruption de l’activisme militant sur les scènes politiques traditionnelles. Nous nous retrouvons avec cette revendication que nous nous sommes appropriée, mais qui a un drôle de statut par rapport à son point de départ. C’est devenu autre chose qu’une revendication d’existence.

Yann Moulier-Boutang Les premières luttes des sans-papiers de Montpellier, pendant les grèves de la faim de 1972-1973-1974, m’avaient amené à réfléchir aux problème des cartes de travail, de séjour, et à la différence fondamentale entre ceux qui sont ici libres et ceux qui rentrent en Europe occidentale et ne sont pas libres - pas libres de quitter leur employeur, de circuler sur le territoire, et évidemment de rentrer. Ce thème-là est devenu mon sujet de recherche et d’intervention militante.

On découvre alors que circuler est une forme absolument fondamentale de l’expression politique, que c’est l’arme toute-puissante des pauvres et des faibles pour manifester qu’ils ne veulent pas de tel régime, de tel niveau d’exploitation. Cela se traduit par l’impossibilité d’enrayer le départ des pays en voie de développement, par l’impossibilité d’enrayer le mouvement des paysans vers les villes. Bouger sans être arrêté, c’est la vraie constitution de la liberté, c’est le premier droit qui est garanti dès qu’il y a une démarche constitutionnelle. Dans le cadre des migrations internationales, les migrants ont une autonomie de comportement : quand ils ont décidé de partir, ils partent. Il y en a probablement dix mille par jour au Maroc, il en meurt tous les jours quelques-uns. Que l’Europe leur dise de venir parce qu’elle a besoin de main-d’œuvre ou qu’elle les refoule, de toutes les façons ils partent.

La question est très claire : je ne pose pas la liberté de circulation comme une revendication. Je dis que c’est un fait que les gens imposent, auquel les États s’opposent. Comment aider à la libre circulation, si c’est pour nous une valeur ? Il faut d’abord faire tomber les discriminations, les fameuses catégories, moyen pour diviser, fameux tri contre lequel les sans-papiers n’arrêtent pas de se bagarrer. Si on décidait que ces gens ont le droit d’entrer, ça changerait beaucoup de choses. On les traiterait comme des citoyens à part entière, on ne les traiterait pas par de l’infra-droit, on ne les parquerait pas dans des camps. S’ils entrent avec un statut discriminé de semi-esclavage (s’ils n’ont pas un contrat de travail), on les fout à la porte, on les fait tomber dans la clandestinité, on retombe exactement dans le statut des prolétaires du XIXe siècle que l’on arrêtait dans la rue, qui devaient avoir un domicile fixe, un répondant, faute de quoi ils étaient classés dangereux.

Je plaide pour l’ouverture, c’est-à-dire en faveur d’une révision complète du statut de l’immigration. C’est ce qui n’a pas été suffisamment développé dans la Lettre à Jospin. Je ne revendique pas la libre circulation, je pense qu’elle existe déjà, mais je revendique le moyen qu’elle se traduise dans la réalité pour ceux qui émigrent. Parce que le terme de libre circulation a été très mal compris, en particulier par les autochtones, qui ne savent plus ce qu’est l’émigration, qui ne comprennent pas la différence entre les gens libres et les gens pas libres, parce que, eux, sont juridiquement libres.

Alter, Ego

Véronique (CAE) Pour moi la question n’est pas celle de la liberté de vérifier les conditions de rétention, etc., ni non plus seulement celle du soutien aux migrants. Je pense qu’elle nous concerne tous. Ce qui se passe pour les étrangers, qui sont les couches les plus précarisées, c’est un laboratoire pour nous. Les conditions draconiennes pour accorder un droit au travail, pour accorder le droit au RMI, le contrôle des allocataires du RMI, c’est la même chose qui se développe. Tout cela est lié. On est soi-même potentiellement à la même enseigne.

Anne Tristan Oui, c’est une question d’action. Ce n’est pas aller faire un rapport, comme n’importe quelle organisation sociale ou humanitaire peut le faire, ce n’est pas un lamento à propos des victimes. Il faut effectivement faire péter les murs. Dire : cela n’a pas lieu d’être, cela n’a pas lieu d’être.

Véronique Il y a une grande problématique des soutiens depuis le début du mouvement des sans-papiers : quel est le rapport des soutiens aux sans-papiers ? Doivent-ils être dans le collectif ? Les décisions des sans-papiers doivent-elles être autonomes ou non ? Les soutiens doivent-ils être extérieurs ou non ? Il y a des cas extrêmes de relents de colonialisme, il y a différents types de soutien, des cathos, des associations, des collectifs comme nous. Est-ce que tu peux te battre pour l’autre ? Moi je dis que je me bats pour moi, parce que je me bats pour ma liberté de circuler, égoïstement. Parce que la liberté de circuler, c’est aussi celle des précaires contrôlés sans cesse par la RATP.

Violaine Carrère (Gisti) Il me semble que la question de savoir si on agit pour soi ou pour les autres est plus simple. Je vous rappelle qu’au début du mouvement des sans-papiers la revendication n’était pas de réclamer des papiers : ils ont commencé par dire qu’ils ne voulaient pas de papiers, mais qu’il étaient obligés de demander des papiers. En fait, d’une certaine façon, les sans-papiers apportent un soutien à des mouvements qui sont latents chez nous. On pourrait, par exemple, tous demander à ne pas avoir de papiers. À partir du moment où il y a des murs, où il y a des papiers qui justifient le droit d’être dedans, alors on se demande qui on est - identité nationale. De tout cela, nous souffrons tous.

Yann Moulier-Boutang Je voudrais tout de même rappeler que la carte d’identité a été créée en 1917, dans une situation d’économie de guerre et de loi de sûreté générale, pour les étrangers. Personne n’a moufté, tout le monde trouvait ça normal. En 1940, Vichy l’a instaurée pour l’ensemble des citoyens. Je crois que cette histoire des papiers est fondamentale et, lorsqu’on demande des papiers pour tous, c’est sans critères. Ce qui est proposé, ce sont des cartes qui ont une durée de validité étroite, qui sont subordonnées à des conditions de travail. C’est un moyen d’étager les gens - de distinguer parmi les migrants entre ceux qui ont des papiers et ceux qui n’ont pas de papiers, parmi les sans-papiers entre ceux qui sont régularisables et ceux qui ne peuvent pas être régularisés. Une revendication possible serait : mêmes papiers pour tous, sans éléments de discrimination. Pourquoi se bagarre-t-on pour les sans-papiers ? Parce que c’est un truc fondamental de la démocratie tout court, une vraie bagarre de droit civique. Sinon les États peuvent être les plus policés du monde, ou la république la plus intégratrice du monde comme dirait Sami Naïr, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des bavures dans les commissariats, que les flics cognent prioritairement sur les migrants. Quand Anne disait qu’il y a des lieux où personne ne peut pénétrer et vérifier ce qui se passe, c’est la définition même de choses non démocratiques. C’est ça qui amène la gestion « administrative » qu’on connaît de la part de l’État.

Vieilles lunes ou nouvelle lutte ?

Nous ressentons tout de même un trouble. Cette manière de vous réapproprier la revendication de circuler nous intéresse. En effet, ce n’est pas du soutien, ce n’est pas une revendication extérieure ou exogène, c’est de la politique à la première personne. Tout se passe comme si les sans-papiers nous avaient mis le doigt sur nos problèmes fondamentaux, comme si on arrivait à formuler ce que les sans-papiers nous ont appris : à Act Up, la redécouverte du refus de la clandestinité, l’affirmation d’une visibilité ; pour d’autres, la revendication de circuler des sans-papiers recouvre les entraves à la mobilité que créent les dispositifs de la RATP ou le manque de revenu... N’empêche qu’on n’arrive pas encore à organiser de manière propre nos revendications de liberté de circulation. Au CAE, vous nous parlez de la mobilité des précaires, n’empêche que vous en parlez depuis un collectif anti-expulsions ; Yann, tu nous parles de la mobilité des pauvres, mais tu en parles depuis une thèse d’économie ; Anne, tu parles de l’opacité des frontières depuis une pratique de journaliste. Finalement, la liberté de circulation n’est jamais quelque chose de spécifique, mais toujours le révélateur d’autre chose dont on parle depuis des expériences extrêmement disparates. Aujourd’hui ce n’est pas un champ de luttes en soi contrairement à un certain nombre de luttes (la lutte pour la transparence si on est journaliste, pour la gratuité des transports si on est chômeur, pour la visibilité si on est pédé...). Ces histoires de circulation, de frontières, peuvent-elles constituer un champ de luttes, ou est-on condamné à ce que ce ne soit rien d’autre, et c’est déjà beaucoup, que l’intersection de revendications toujours émises d’ailleurs ? Ça pose un problème d’organisation, par exemple : est-il sensé de fonder un mouvement pour la liberté de circulation ?

Yann Moulier-Boutang D’abord c’est un champ de luttes, parce qu’il y a une politique migratoire face à nous qui est extrêmement sophistiquée, qui pond des textes tous les jours. Les migrants bougent, ils tordent tous les systèmes qu’on veut leur mettre : quand on installe une barrière de fils barbelés entre le Mexique et les États-Unis qui fait 2 000 kilomètres, la barrière se remplit de trous en l’espace de huit jours, alors qu’elle est survolée par des miradors, par des trucs infrarouges, qu’elle est surveillée par satellite. Tous les jours, il y a des textes, des pratiques nouvelles de l’appareil d’État qui essaie de boucher et de colmater ces trous et ces brèches. Quand la juridiction devient plus répressive sur tel point, ce n’est pas par hasard. Ils ont fermé les canaux classiques de la migration officielle. Qu’ont fait les migrants ? Ils ont emprunté tous les autres canaux possibles : l’asile, le regroupement familial, le faux touriste... Le faux touriste, cela a donné le visa. On bloque le visa parce que les migrants prennent ce canal. Et il y aura d’autres formes d’invention. C’est déjà tout un champ de travail et de bagarre. Des idées complètement fausses ont traîné trop longtemps : que nous étions en démocratie et qu’au fond la question c’était la frontière. Mais la vraie frontière est la frontière intérieure, c’est l’accès, d’abord à un papier, puis à la carte, puis à la naturalisation. Ce sont ces sortes de barrières invisibles et intérieures. C’est là que les gens se bagarrent. En Afrique du Sud, quand le régime blanc a voulu contrôler les noirs, il leur a imposé des laissez-passer. Les gens en ont eu marre et ils ont brûlé les laissez-passer par centaines de milliers. Je pense que tant qu’il n’y aura pas un mouvement qui bougera sur cette question, les vraies frontières seront là. Ces vraies frontières, elles se récréent aussi pour les pauvres, les précaires. La société en fabrique sans cesse. On les fait tomber les unes après les autres, et il y en a d’autres qui se constituent.

Quelle société a-t-on si on a ce type de barrières ? Qu’est-ce que cela va induire comme limitations de la liberté de certains groupes, comme limitations de la liberté tout court ? La population étrangère est un banc d’expérimentation, un laboratoire sur un certain nombre de limitations des libertés. Lorsque les sans-papiers disent quelque chose, cela résonne pour d’autres singuliers, comme vous ou d’autres gens qui ont une problématique propre. C’est peut-être là-dessus qu’on peut faire des choses en commun. C’est ça le plus symptomatique de ce qui reste des luttes des sans-papiers. Je me rappelle : on était soixante-dix au moment de la grève des sans-papiers de Montpellier. C’étaient des trucs minuscules, maintenant ce sont des machins de masse, au sens où il y a des citoyens qui se sentent concernés par cela, et pas simplement des groupes de soutien aux immigrés, parce que les immigrés sont la pauvreté du monde. C’est ce qui me paraît le plus intéressant : en quoi une chose complètement singulière en apparence, ce n’est pas de l’universel, c’est quelque chose de plus politique.

Claire Rodier Pour en revenir à la terminologie elle-même (liberté de circulation ou ouverture des frontières), la Lettre ouverte a plutôt tendance à parler d’ouverture des frontières.

Comme le Gisti, je suis plutôt dans une logique de l’ouverture des frontières. Depuis la Lettre ouverte, je cherche, à titre personnel, les rencontres qui vont me faire transformer l’ouverture des frontières en liberté de circulation. Je vois bien que l’ouverture des frontières ne suffit pas. Quelque chose de très clair dans la lettre, c’est la gauche au pouvoir, l’arrivée de la loi Chevènement. Parce qu’on s’est aperçu avec ce projet, avec l’analyse du rapport Weil, que Chevènement allait proposer une meilleure loi, la meilleure loi depuis trente ans, mais que cette loi-là, elle ne conviendrait encore pas, il y a eu une espèce de ras-le-bol. Cette loi Chevènement était encore mauvaise ! Parce qu’on ne peut pas traiter les étrangers avec des lois de police. Il n’y a pas de maîtrise des flux migratoires qui permette la liberté de circulation.

En 1991, avant la loi Marchand sur les zones d’attente, j’avais eu des réactions du type : « C’est très bien de faire sortir les gens des zones d’attente. Mais après qu’est-ce qu’on a à leur offrir ? » Moi-même je réagissais de façon complètement colonialiste. Or on n’a absolument rien à leur offrir, c’est purement et simplement une revendication qui s’impose. J’ai changé : ils doivent venir s’ils doivent venir, et après on se démerde. Nous on se démerde, eux ils se démerdent. Maintenant, sur le passage à la liberté de circulation, j’ai besoin, en tant que militante du Gisti, de faire converger ce qui s’est imposé comme une nécessité en 1997 par la Lettre ouverte avec d’autres préoccupations qui nous confirmeront nécessairement qu’on a raison, parce qu’on a raison, mais aussi qui nous aideront à argumenter cette revendication.

Anne Tristan Un petit complément sur la liberté de circulation : un des aspects qui a écœuré beaucoup d’entre nous, c’est qu’avec les barrières juridiques, le coût du passage est cinq à dix fois supérieur pour quelqu’un qui fait le trajet Ouagadougou-Paris que pour celui qui fait le trajet inverse. Quand on se bat pour cette liberté de circulation, derrière, il y a toujours un prix, une économie. On se bat aussi contre les passeurs et les prix qu’ils pratiquent. Ne passent que ceux qui vont pouvoir payer le passeur.

Violaine Carrère Il y a quelque chose qui m’avait frappée dans la rédaction de la Lettre à Jospin. Dans une réunion, quelqu’un a dit : « Il faudrait qu’on arrête, parce que, finalement, de toutes façons, les gens passent les frontières. Il faut entériner le fait qu’ils les passent. » Maintenant, il y a un truc qui me gêne. D’abord il y a le petit jeu un peu dangereux qui donne à manger au Front national : on ne nous dit pas tout, il y a des clandestins, alors le droit des étrangers... Beaucoup plus gravement, en fait, ceux qui n’ont pas d’argent, ils ne passent pas : on n’est pas égaux devant la possibilité de passer les frontières. Il y a quelque chose qui me paraît important, c’est que, plus le droit est contraignant, plus les personnes qu’on fait passer ne sont pas n’importe lesquelles. L’inégalité du droit de passage est lourde de conséquences.

Ouverture, circulation, installation

Yann Moulier-Boutang La liberté de circulation est liée à la liberté d’installation. C’est la bagarre séculaire dans tous les pays en voie de développement pour les gens qui sont à la campagne et qui viennent dans les villes : la bourgeoisie veut bien de leur travail, mais elle ne veut pas d’eux dans les villes. Elle les empêche de venir : c’est la circulation foncière. Si vous prenez Rio il y a vingt à trente ans : les gens vivaient en moyenne à trois heures et demie de transport du centre où ils travaillaient. Résultat, ils s’entassaient dans des favelas, au-dessus de leur boulot. Tous les dix ans, l’armée venait et les chassait, tous les dix ans, ils revenaient. On ne pouvait pas les chasser complètement, puisqu’on avait besoin d’eux. C’est exactement la situation de l’immigration : on veut fermer, mais en même temps on laisse entrouvert parce qu’on en a besoin. Et c’est aussi cela qui détermine que les gens viennent, dans des proportions ridicules... Même si les flux clandestins représentent 200 à 250 000 personnes depuis la régularisation de 1982, c’est grotesque par an. Ce n’est rien par rapport aux 121 000 naturalisés, aux 130 000 qui rentrent par l’immigration familiale. Je reprends mon exemple brésilien. Le gouvernement a dû reconnaître le droit de moravia, droit d’installation. On a mis l’eau, on a autorisé à construire les favelas en dur. Des quartiers sont nés. Les circulants finissent par imposer le droit d’installation. Et si on veut être logique avec la question de la libre circulation, ce n’est pas la peine d’entrer dans une bagarre : on ne va pas faire avouer à l’État qu’il va supprimer les frontières... C’est complètement utopique, puisque la raison d’être des États-nations, de l’Union européenne, c’est de définir un territoire : ce serait leur demander de se faire hara-kiri. En revanche le terrain sur lequel on peut faire bouger les choses, ce sont les conditions d’installation.

S’ils viennent pour être des citoyens à part entière, alors c’est le régime des cartes de travail qui est à foutre en l’air. Parce que tant qu’il y a ce régime-là, les gens n’ont pas le droit d’être installés. Ils sont là temporairement. Viennent-ils pour travailler ou pour s’installer, parce que l’Europe a eu un taux de natalité qui va de 9,5 à 14 pour mille ? C’est essentiel pour la légitimation de l’immigration parmi la population. C’est très différent de dire que les gens sont là pour s’installer et de dire qu’ils sont là de passage : dans ce dernier cas, on les tolère très bien ; mais quand on s’aperçoit qu’ils restent, qu’ils ont des enfants dans les écoles, il se passe ce qu’on a aujourd’hui. Si on veut sortir nos revendications de l’impasse, il faut qu’on dise qu’il existe un mouvement de migration qui ne s’arrêtera que lorsqu’il y aura un développement équitable sur toute la planète. Donc il est normal que les gens viennent, et, quand les gens viennent, ils ne viennent pas simplement pour ramasser trois sous, ils ont le droit de s’installer. Ça s’appelle une procédure de régularisation permanente : il faut avoir un système qui régularise tous les ans. Il faut que les résidants aient des vrais droits - y compris celui absolument essentiel de refuser un boulot.

Attaquons le système des cartes de séjour et du travail comme discriminatoire. Il est discriminatoire. C’est un système raciste, exactement aussi raciste que les pass sud-africains. Le tort de Patrick Weil c’est de ne pas avoir enfoncé ce clou-là : il n’y aura pas de droit de citoyenneté pour ceux qui sont là, pas de droit de résidants... En plus, c’est cela qui fout la trouille aux nationaux, c’est d’avoir une catégorie qui ont des moitiés de droits.

Il faut : droit d’installation, supprimer les papiers... Dans Nous sommes la gauche, j’avais insisté sur le fait qu’il fallait lancer ces mots d’ordre - on est resté à l’ouverture des frontières, qui est un mot d’ordre creux, parce qu’on s’attire toutes les oppositions...

Pour revenir aux erreurs du rapport Weil : dans son préambule, Weil se déclare fier d’avoir travaillé dans la logique de l’ordonnance de 1945 élaborée par les gens issus de la résistance, alors que c’est une ordonnance de police qui se situe en plein dans une logique discriminatoire.

Anne (CAE) Je crois que l’ouverture des frontières, c’est revenir, à partir d’une question qui peut être globale, à quelque chose de très partiel. Le plus pénible, ce n’est pas la frontière matérielle entre les pays. Je pense aussi que la libre circulation peut être quelque chose de très creux, une valeur abstraite à laquelle tout le monde croit. Après, comment concrétiser cela dans un champ de luttes réel, sur quels points se fixer ? D’un côté, on a un bloc, et, l’envers de cela, c’est une myriade de petits dispositifs contre lesquels on lutte, qui jouent sur la vie quotidienne des gens, avec ou sans-papiers, chômeurs ou non. Le problème, c’est de relier les deux. Prenons la comparaison entre les tourniquets du métro et les frontières. Les dispositifs concrets d’arrestation des sans-papiers, ce sont, les trois quarts du temps, les contrôleurs dans le métro. Ils contrôlent les tickets et les papiers : c’est le même dispositif qui sert pour les deux. Il y a cette idée que l’immigration est le banc d’essai pour des dispositifs de contrôle qui s’étendent au reste de la population. Comment réunir tout cela pour en faire un champ de luttes en soi et avoir des pratiques de lutte sur l’ensemble ? Le collectif anti-expulsion part d’un point très concret qui est de dire : il y a un moment où les sans-papiers clandestins sont visibles pour les gens qui ont des papiers, c’est l’expulsion. Donc on peut intervenir pour empêcher l’expulsion. Ça veut dire : on prend un tout petit point du dispositif de contrôle et on essaie d’intervenir. Puis : comment garder ce contact et avoir un point de vue plus global et des modes d’action plus étendus ? Cela n’est pas forcément résolu.

Emmanuelle Cosse Juste une réflexion sur la question du revenu. On ne détient une liberté qu’à condition d’avoir les moyens d’en disposer. Ce qui serait intéressant, c’est de faire le parallèle avec le cadre européen qui proclame libertés de circulation et d’installation en donnant des moyens économiques. Yann, tu dis que cela sonne creux de revendiquer la liberté de circulation comme cela. Parce qu’évidemment, il y a la revendication et il y a les moyens pour l’exercer. Si on n’a pas les moyens de circuler, c’est assez utopique, mais c’est déjà assez intéressant.

Yann, tu dis : revendiquons un droit d’établissement, c’est-à-dire très concrètement les moyens dont on a besoin sur un territoire donné, plutôt que l’ouverture des frontières... Or revendiquer un droit d’installation, par exemple, ce n’est pas exactement la même chose qu’entraver des expulsions, ou que sauter la barrière du métro. On touche à deux veines de revendication différentes : d’un côté le refus du contrôle - je ne veux pas que ma mobilité soit entravée, viscéralement, je ne veux pas présenter mes papiers ; d’un autre côté, quelque chose de bien plus arrogant, je veux les moyens de m’approprier le territoire où j’ai décidé de vivre. Il faut bien sûr réussir à tenir les deux en même temps, mais sans cacher qu’il s’agit de deux choses différentes, voire divergentes. Si on hésite entre liberté de circulation et liberté d’installation, c’est précisément qu’on n’arrive pas à constituer un champ de luttes.

image 420 x 287

Les lois contre les droits

Emmanuelle Heidsieck Demander l’ouverture des frontières, c’est demander le respect du droit. Dans les vingt dernières années, on a vu que les pays occidentaux, pour appliquer leur politique de flux migratoires, sont obligés de bafouer les droits. Je l’ai vu dans les comparutions immédiates : les droits de la défense ne sont pas respectés. Ensuite, cela va beaucoup plus loin : on a une machine administrative qui se met en place, avec les bureaux d’éloignement. Il y a deux endroits où on est tous concernés : le tribunal où la machine judiciaire dérape complètement (les étrangers défilent les uns derrière les autres, parfois sans traducteurs, avec les avocats qui n’ont pas ouvert le dossier...) et la reconduite à la frontière. Dans ces deux lieux, on y est, tout le monde y est. L’ouverture des frontières, c’est aussi demander que les droits de l’homme soient respectés...

Yann Moulier-Boutang Je suis parfaitement d’accord avec toi. Je pense que la question du droit de circuler ne peut pas se régler par un dispositif réglementaire ou législatif qui change tous les trois mois, selon qu’il y a du chômage ou pas, comme un robinet qu’on ouvre et qu’on ferme. Un des principes des pays d’immigration, c’est qu’on est un pays ouvert. Historiquement, tous les pays se sont faits à partir de l’immigration. Les pays d’émigration, comme l’Allemagne, ou aujourd’hui le Maroc, ont inventé cette foutue législation du sang qui est un système pour retenir des gens qui s’en vont à l’étranger. L’ouverture, c’est dire qu’on est un pays d’immigration. Il y a des gens qui viennent d’ailleurs, et des gens qui vont entrer. C’est un caractère constitutionnel qui ne peut pas faire l’objet de conditions par-ci par-là. On ne peut pas dire : on est ouvert quand cela nous chante. Les lois doivent consolider l’ouverture, et c’est la fermeture exceptionnelle qui doit être justifiée. Il faut regarder la législation des pays d’immigration : ce type de dispositif est plus protecteur, assure davantage la liberté de circulation, l’installation et les droits des gens qu’un système qui s’annonce fermé constitutionnellement et engendre nécessairement des législations dégueulasses. Lorsque le pays est fermé, la discussion des lois d’ouverture et d’immigration est une chose qui ne regarde ni les pays d’origine, ni les migrants eux-mêmes, ni les associations. Alors que dans les pays d’immigration, quand on discute la politique d’immigration et d’entrée, c’est une énorme bagarre où tout le monde s’exprime. Claire a raison lorsqu’elle dit : on en a marre des codicilles à l’ordonnance de 1945 qui ne mènent à rien, on est tout le temps en train de repartir à la bagarre (d’ailleurs les fonctionnaires vous le disent : la loi est changée, mais rassurez-vous, d’ici deux mois on aura trouvé d’autres moyens pour vous baiser la gueule). Si on veut changer, il faut en finir avec l’ordonnance de 1945 et dire : on est un pays d’immigration, on n’est pas un pays de migration de travail.

Je n’attends rien de l’État, je sais que ce n’est pas lui qui le fera. Ce sont les collectifs qui, dans la mesure où ils imposent ces questions-là, ont des chances de rendre la législation un peu plus libérale. Par exemple, si aujourd’hui on nous disait : les frontières sont ouvertes en France, mais on a toujours le système des cartes de séjour temporaires, je dirais : on va tout à fait au devant d’une réédition des années 1960, avec de la migration économique. C’est d’ailleurs ce qui pointe le nez : d’ici dix ans l’Europe va ouvrir, et on recommencera avec les primo-migrants bien plus exploités que les migrants ici depuis cinq ans, eux-mêmes plus exploités que ceux qui ont dix ans d’ancienneté, eux-mêmes plus exploités que les naturalisés, eux-mêmes plus exploités que les Français...

Anne (CAE) Je voudrais revenir à la question des droits. Pour moi ce n’est pas une question de revendication des droits, je préfère la formuler de la manière suivante nous vivons dans un pays où il y a une myriade de pratiques administratives, qui sont effectivement illégales, qui sont ensuite légalisées... Très vite ce qu’on a dénoncé comme illégal devient légal. Autant c’est un combat utile d’aller dans les tribunaux, autant, au niveau de la revendication, dire que quelque chose est illégal, surtout sur la législation sur les étrangers, n’est pas efficace, parce que ce sera légal la semaine prochaine...

Emmanuelle Heidsieck Quelle que soit la loi, elle sera contraire aux droits de l’homme dans son application.

Anne (CAE) Quand on a occupé la zone d’attente de l’hôtel Ibis à Roissy, des journalistes pensaient que nous étions là parce que les conditions de rétention ne sont pas légales. Nous étions là pour dénoncer le fait qu’il y ait des centres de rétention. Les gens des chambres d’hôtel côtoyaient une prison. La liberté d’installation et la liberté de circulation sont complémentaires...

Emmanuelle Cosse On a commencé à exprimer la liberté de circulation avec Schengen où elle n’est donnée qu’à une partie de la population. C’est une hypocrisie : soit on a le droit de circuler, soit on ne l’a pas - il n’y a pas de position intermédiaire. En tant que juriste, je suis gênée par le droit des étrangers, qui part de principes fondateurs, et dont on sait que c’est maintenant un droit circonstanciel.. À Act Up on était partagés : nous luttions pour intégrer la non expulsabilité des malades atteints de pathologie grave dans une loi, alors que nous condamnions cette loi. On est dans un droit discriminatoire, dans une législation qui ne respecte pas les droits fondamentaux. Il y a contradiction entre l’obligation pour le juge d’appliquer la législation en vigueur, et le respect de droits fondamentaux censés être supérieurs à cette législation, qui sont les Droits de l’homme, peut-être la liberté de circulation - pourquoi ne pourrait-on pas l’imaginer comme un principe fondamental, contenu dans des déclarations de principe ?

Claire Rodier Toute personne a le droit de quitter son pays : c’est un principe fondamental dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Il y a là quelque chose qui fonde la liberté de circulation. Ceci dit, c’est un outil parmi d’autres dont on dispose. Il ne faut pas tout fonder là-dessus, parce que les textes fondamentaux, ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est bien. La Convention de Genève, écrite pendant la Guerre froide, je n’ai pas envie de m’y cramponner. À propos d’outil, j’apprends que le Collectif anti-expulsion a écrit quelque chose sur le liberté de circulation, je ne le savais pas, je le regrette. Je ne sais pas si vous savez ce que le Gisti a écrit sur la question. Pour moi le Collectif anti-expulsion, c’était un comité qui s’opposait aux expulsions. De même que la bagarre de Jean-Pierre Perrin-Martin contre les centres de rétention m’a toujours mise très mal à l’aise. À mon sens, s’il y a des frontières, il vaut mieux des centres de rétention plutôt que rien du tout et qu’on mette les gens dans des caves. La suppression des centres de rétention ne se justifie que s’il n’y a plus de frontières, s’il y a la liberté de circulation. Etes-vous, comme nous au Gisti, un peu schizophrènes ? On fait des dossiers pour des étrangers qui arrivent à entrer chez nous pour qu’ils obtiennent une carte de séjour, et il y a tous ceux pour lesquels on ne fera rien. Vous, vous intervenez sur les expulsions dont vous entendez parler, pas sur celles dont vous n’entendez pas parler. En se focalisant ainsi, on en oublie qu’on a un idéal qui est un peu autre : la liberté de circulation.