intervention graphique : kiki et loulou picasso

« Inquiets devant la montée des tensions », Kiki et loulou picasso lançaient dans Vacarme du printemps 2008 « un appel au calme ». Ils se sont résolus depuis à amplifier cet appel et à l’adresser à tout volontaire, amoureux du désordre et escamoteur du désastre : « Mauvaises, mauvais, unissons-nous. » Unissons, ré-unissons les mauvaises graines, le doute, l’indiscipline, les petits désordres, les bulles d’insécurité, les malheurs ordinaires, et le vent par-devant et par-derrière, le souffle de l’impossible : l’enfance même, partagée entre la rage de démonter, de renverser, de subvertir, et le désir de se glisser dans des jeux sans fin.

Car cette série de dessins à quatre mains associe aux confrontations formelles et textuelles le frottement de deux mondes. À la douceur des gris et des modelés qui dessinent une enfance absorbée dans ses activités, s’oppose la précision incisive des traits qui rappelle une leçon ou une manière de faire adulte. Aux comptines déjantées que scandent les enfants, répondent les constats de la réalité, mais des constats renversés : « Le mot catastrophe aura alors un autre sens. Il ne sera plus perçu comme une fatalité, mais comme un véritable projet d’avenir. » En regardant ces dessins, nous gagnerons peut-être en naïveté, comme Kiki et loulou picasso le disent à propos d’eux-mêmes, mais surtout nous gagnerons à jouir de ces petites révoltes qui défont le tissu des grands projets, des objectifs et des règles qu’on nous assigne. A.P.