Vacarme n° 52 paraît

En ouverture, un rare entretien avec Anne Cheng :

De la Chine, nous ne percevons qu’un brouhaha confus. L’œuvre d’Anne Cheng permet d’y voir plus clair. Traduire et faire entendre des textes anciens, enseigner avec conviction, réfléchir à plusieurs : Anne Cheng travaille à partager son savoir. Elle ose aussi une ampleur historique rare en parcourant 2 500 ans d’histoire dans les deux sens, vers le passé (traduction des Entretiens de Confucius) et vers le présent (La pensée en Chine aujourd’hui), parcours qui pulvérise le cliché d’une Chine éternelle et montre que la fureur du XXe siècle a à voir avec l’oubli forcené d’une tradition encombrante. Cette histoire est aussi une enquête sur l’impensé des auteurs occidentaux qui, en l’assignant au « despotisme asiatique » ou en la réduisant à son incompatibilité culturelle avec la modernité, contribue à en faire un des grands Autres de l’Occident : Anne Cheng démonte ici ce mythe de l’altérité radicale. Enfin Anne Cheng affronte aussi les amnésies chinoises, les réinventions récurrentes de la tradition mobilisée pour justifier le régime autoritaire et les voies économiques de développement. Que doit le présent au passé, voici toute la préoccupation tout à la fois scientifique et politique d’Anne Cheng.

Puis suit un dossier consacré aux couleurs :

Que disent les couleurs ? La couleur est comme le nom propre de chacun, une empreinte singulière tissée d’une histoire personnelle et d’une histoire collective. Nous la parlons et elle nous parle. Il n’y a pas de domaines où la couleur ne joue pas un rôle. De la littérature à la philosophie, de la physique à la chimie, de l’histoire politique à l’histoire des arts visuels, la couleur participe aux représentations de nos savoirs et de nos expériences, et s’offre à une multitude d’usages, esthétiques mais aussi sociaux, politiques, commerciaux. Ainsi comment la production des catégorisations chromatiques, et sans doute en premier la couleur du corps humain, induit-elle des hiérarchies conscientes ou inconscientes qui fixent nos modes de représentations ? Comment, sous le couvert de la fiction, la couleur met-elle à désigner des identités communautaires ou des classes sociales ? Comment au travers du cinéma, de la littérature ou des arts visuels, convoque-t-elle notre temporalité et nos manières d’être au monde ? C’est ce que le dossier tente de démêler dans une série d’articles accompagnée d’une intervention graphique inédite de l’artiste Christophe Cuzin.

Un Cahier éclectique où s’entremêlent fiction, art et critique :

Rodolphe Burger et Olivier Cadiot livrent leurs secrets de fabrication pour écrire une chanson. Robert Glück revient sur l’histoire intime qui le lie à La femme et le pantin de Josef von Sternberg. Emmanuel Burdeau questionne le lien entre les films et les discours qui les accompagnent. Olivier Schefer ouvre un feuilleton sur les chemins et routes qu’emprunte l’écriture. Nathalie Quintane ausculte l’étonnant travail de la littérature. Emmanuelle Gallienne retrouve Vacarme en racontant une pêche miraculeuse. Enfin Victoire Patouillard propose un nouveau rébus.

Cinq Lignes creusent de numéro en numéro les objets politiques de la revue :

Aude Lalande montre combien l’usage des drogues relève toujours d’essais, d’expériences uniques et d’une technique de soi, à la fois savante et banale. Antonin Sopena ajoute un nouveau chapitre à son enquête sur les droits fondamentaux : il explique cette fois comment ceux-ci sont utilisés aujourd’hui pour justifier un accès de plus en plus réduit à la nationalité. Michel Feher poursuit son anatomie du néolibéralisme. Sophie Wahnich revient sur l’histoire et la mémoire falsifiées des Juifs en Europe de l’Est : le musée du génocide à Vilnius se livre à une opération de révisionnisme historique inquiétante. Enfin Vincent Casanova déplie les argumentations quant à la question de l’absentéisme scolaire autour de la suppression des allocations familiales et la mise en place d’une « cagnotte » pour les élèves.