15-M, un an après avant-propos

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À partir du 15 mai 2011 et pendant trois semaines, près de 60 000 personnes ont occupé jours et nuits la Puerta del Sol à Madrid, revendiquant leur rejet de la politique traditionnelle — « vous ne nous représentez pas » —, l’espace public comme lieu de convivialité, et pacifisme manifeste. Elles ont pris le temps de se reconnaître, de partager, de créer une cité où bien vivre. Une fois le camp levé, le 12 juin, elles se sont répandues dans les quartiers, répliquant, disséminant ce qu’elles avaient découvert et construit.

Les mois ont passé. Aujourd’hui, face à la banqueroute espagnole annoncée, à la croissance exponentielle du chômage (autour de 50 % chez les jeunes ; 500 000 nouveaux chômeurs prévus en 2012), à la multiplication des expulsions (300 000 cette année, portant à environ 1 million les personnes à la rue), le mouvement du 15 mai (15-M) maintient son cap.

Les assemblées, issues de Sol, poursuivent leur travail de réflexion sur l’économie, la politique, la justice, tandis que les collectifs et autres groupes de quartier affrontent les problèmes du quotidien sous tous les angles, des expulsions au chômage, passant par les problèmes d’éducation, des sans-papiers, de la violence faite aux femmes. Ont été créées des coopératives de production, de consommation, des banques du temps, des ateliers de formation, des lieux de parole et d’échange.

En parallèle, la toile poursuit son tissage. Les hackers se rassemblent (Hacktivistas), ils aident les collectifs à monter des sites, mettent en place des plateformes (Oiga Me, Democracia4.0…). De multiples initiatives fleurissent en ligne : Bookcamping (biblio-videothèque), 15M.cc, projet transmedia autour du 15-M, dont la production d’un livre, de vidéos, d’une télévision, le recensement des initiatives, Fundación Robo, un projet musical collectif autour de la chanson populaire...

Des structures établies se sont rapprochées du mouvement. Le Laboratorio del procomún qui fait partie de Medialab, travaille sur les biens communs et l’utilisation des technologies de communication ; Onda precaria, une radio libre, a entrepris un abécédaire du mouvement (doit-on s’appeler compagnon ou ami ? qu’est-ce qu’une personne ? L de Logement…).

Que permet cette multiplication de sites et d’initiatives ? Fatimatta et Cuji se demandent s’il n’y a pas un risque de dissémination de l’énergie collective au point de ne plus savoir où est le 15-M aujourd’hui. Depuis sa position d’hacktiviste, Dani s’interroge : Faut-il reconstruire une avant-garde et passer de l’indignation à l’action ?

Alors que le gouvernement cherche à réprimer le mouvement par tous les moyens, le 15-M appelait à une mobilisation internationale du 12 au 15 mai 2012. Un an après son irruption cherchait-il à recentrer les énergies, à déplacer les enjeux sur la scène internationale, ou simplement à revivre le bonheur d’être ensemble ? Ne s’agit-il pas surtout d’expérimenter encore une fois ces nouvelles formes de lutte qui font toute l’originalité du mouvement ?