Vacarme 63 / Cahier

une histoire de briques

le charme du ladrillo au cœur de la crise espagnole

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La déroute du ladrillo, en Espagne, c’est la déroute d’un système industriel et financier fondé sur la spéculation immobilière et appuyé sur la surproduction de la brique rouge. Résultat des courses : des villes-fantômes mais aussi 400 000 foyers expulsés ou menacés d’expropriation. Au-dessus de la brique, surnage le désir de se réapproprier ses stratégies d’investissement délirantes en déjouant collectivement les manipulations des banques.

En espagnol, « ladrillo » veut dire « brique ». Mais ces dernières années le terme n’a cessé de s’étendre en absorbant des significations toujours plus imagées et apocalyptiques. Il est devenu une sorte de monstre linguistique désignant la déroute d’un pouvoir économique et social propre à l’Espagne d’aujourd’hui, où l’on peut être, au choix, un « roi du ladrillo », une « victime du ladrillo », un « profiteur du ladrillo » ou une banque percluse de « mauvais crédits du ladrillo » [1]. Dans la langue courante, la brique n’est plus seulement un objet industriel mais un sujet moral qu’on peut parer des vices et des vertus des êtres humains, en faisant du ladrillo une victime ou un bourreau. À la coupable « mélancolie du ladrillo » répliquent les « pillés du ladrillo » et la « grève du ladrillo », tandis que l’esprit de « conquête du ladrillo » vient perturber les « rêves d’un ladrillo » caressés par des architectes utopiques [2]. L’inventivité du langage va même jusqu’à suggérer un nouveau verbe : il arrive que quelqu’un ou quelque chose se voit enladrillado, « enladrillé » ou peut-être « ensorcellé par la brique », comme il est arrivé au marché taurin entré récemment en récession [3].

On retrouve, sous chacune de ces expressions, le même mouvement d’ascension et de chute qui fait du ladrillo l’incarnation privilégiée de la crise. Une seule et même marchandise est devenue le symbole de l’échec de toutes les autres, de la faillite d’un capitalisme qui cherche à reprendre pied et qui, ne trouvant nulle part un appui ferme, pratique la dissimulation des créances douteuses, les baisses de salaire, les licenciements et les expropriations, quitte à générer des contestations hors des cadres syndicaux habituels. Dans les rues, les cafés et jusqu’à l’intérieur des usines de briques d’Andalousie ou de Castille, le ladrillo — longtemps considéré comme une source de richesse apparemment infinie — est associé au ladrón, au voleur, et à la corruption des classes dirigeantes à la tête des entreprises, des banques, de l’État et des communautés autonomes. Tous ces rois de la brique sont désormais critiqués et parfois combattus pour avoir bénéficié de la bulle immobilière. Mais qu’est-ce donc que ce ladrillo tentaculaire dont le charme s’est si brutalement rompu ?

avant 2007 les rois de la brique dominent l’économie

La décennie précédant la crise a été marquée par une frénétique accumulation de profits issus de l’immobilier. Ils ont atteint des niveaux exceptionnels entre 2005 et 2007, années pendant lesquelles l’Espagne a construit plus de 800 000 logements par an — soit plus que l’Italie, la France et l’Allemagne réunies. La part de l’immobilier dans l’ensemble du Produit intérieur brut est montée jusqu’à 30 % [4]. À grand renfort de travailleurs sous-payés venus du Maroc, de Roumanie et d’Équateur, des villes nouvelles de plusieurs milliers d’appartements, comme à Val de Luz ou à Seseña, à l’Est et au Sud de Madrid, ont vu le jour en quelques années au milieu de nulle part. À l’image de l’aéroport de Castellón qui n’a jamais été mis en activité, le « plus grand hôpital d’Europe » a poussé comme un champignon à Tolède sans accueillir aucun patient depuis. Comme tout Eldorado, cet essor de la brique générait sa propre mythologie de l’ascension sociale fulgurante.

« je serai bâtisseur » : Paco l’égoutier et la « pasión de construir »

Fils d’un ouvrier terrassier et d’une faiseuse de churros, Francisco Hernandez, plus connu sous le nom de « Paco l’égoutier », est le prototype du self-made man de la brique espagnole. La légende veut qu’il ait gagné son premier million au fond d’un container de station essence, en trouvant la solution d’un problème de plomberie réputé insoluble, avant de commencer à s’enrichir dans le bâtiment au fil des années 1970. Il achète en 1985 son premier yacht, le lady Monica, se ruine dans les années 1980 à l’issue d’une aventure immobilière à Villaviciosa de Odón, dans la banlieue de Madrid, puis sauve son petit empire économique par une série d’autres projets de construction à la fin des années 1990. Au cœur de la bulle immobilière des années 2000, son ultime accomplissement sera Seseña nueva : une ville entière érigée dans le désert de Tolède pour 9 milliards d’euros et prévue pour accueillir plus de 40 000 habitants.

Devenu multimillionaire, Paco justifiera son ascension sociale dans une autobiographie narcissique intitulée La passion de construire. Tout petit déjà, la vocation lui serait apparue : « Je serai un bâtisseur ! Je serai constructeur de maisons ! Je ne supporte pas que les gens vivent sous la pluie. (…) Je ferai des maisons pour que tout le monde ait droit à un toit » [5]. Mais Francisco Hernandez n’a pas tant bénéficié d’une force de caractère exceptionnelle, alliée une grandeur d’âme peu commune, que d’un enrichissement général des grandes firmes de promotion immobilière, c’est-à-dire des entreprises chargées de concevoir, financer et mettre en œuvre des programmes de construction. Les « rois du ladrillo » du début des années 2000 étaient alors à la tête de grands groupes de promotion — Rafael Santamaria pour Urbis, la famille Sanahuja pour Metrovacesa — qui ont bénéficié d’un rapprochement entre plusieurs fractions de la bourgeoisie espagnole, la grande propriété terrienne, la finance et la construction. C’est ce mélange détonnant qui est au cœur du système du ladrillo.

ladrillo, hydre à trois têtes : construction, grande propriété foncière et haute finance

Metrovacesa, Vallehermoso, Inmobiliaria Colonial et Urbis : ces quatre entreprises sont devenues les tout premiers promoteurs immobiliers espagnols et les piliers de l’économie du pays en réunissant toujours plus intimement trois activités économiques. D’abord, la gestion de la grande propriété foncière, dans les mains de quelques grandes familles, implantées depuis le XIXe siècle à la périphérie des grandes villes. Puis l’activité de construction qui s’appuie dans les années 1990 et 2000 sur une hausse considérable de la main d’œuvre immigrée. Enfin, l’une et l’autre nourrissent une cascade de petites et moyennes entreprises industrielles : fabricants de briques mais aussi de portes, de fenêtres, de câbles électriques, etc.

Leurs liens historiques se sont accentués avec le développement de la promotion immobilière — et de toute la maîtrise de l’information, du marché, des types de financement que les purs constructeurs n’ont pas toujours et qui est le véritable métier du promoteur. Déjà important dans les années 1990, cette première transformation a permis un véritable décollage du nombre de chantiers et des taux de profits avec la loi de privatisation du sol de 1998 : en facilitant les processus d’achat et de vente de terrains, ce changement législatif a ouvert la voie à des projets immobiliers toujours plus rapides, toujours plus grandioses et toujours moins contrôlés.

Ensuite, cette effervescence a pu se déployer avec d’autant plus de ferveur qu’elle obtenait le soutien financier des plus grandes banques du pays : les crédits accordés à l’immobilier ont fini par représenter 46 % de l’ensemble des crédits accordés aux entreprises un an avant la crise de 2007. Metrovacesa était contrôlée par BBVA, la seconde plus grande banque du pays, Vallehermoso et Urbis par Santander, première banque d’Espagne — mais aussi d’Europe — et Inmobiliaria Colonial par la gigantesque banque catalane Caixa. Cette injection de capital financier dans l’industrie de la construction a bénéficié de loi de dérégulations financières permettant notamment une diffusion plus massive du crédit à partir des années 1990. Elle a donné l’illusion d’un secteur particulièrement solide et a conduit à construire beaucoup plus de maisons que la population espagnole n’était réellement capable d’en acheter : sur les 800 000 logements construits dans les années précédant le basculement, seulement 350 000 étaient véritablement occupés.

C’est là que le réseau particulièrement dense de petites caisses régionales est entré dans le jeu du ladrillo par le biais des crédits immobiliers aux particuliers. Ces banques locales passaient d’une activité de prêt peu lucrative, fondée sur le crédit de détail à moyen terme — et enrobée dans l’idéologie de l’obra social, de l’œuvre sociale qui autorise les plus pauvres à accéder à la propriété — aux prêts à taux variable, à très long terme, jusqu’à 50 ans, et à forts taux d’intérêts. Elles reposaient souvent sur les talents de courtiers, issus des quartiers et communautées immigrées, recrutés pour persuader leurs proches de signer des contrats qui les endetteraient sur des décennies. Il fallait les convaincre que « la vivienda nunca baja » , c’est-à-dire que le prix du logement ne pouvait pas baisser et qu’il fallait donc absolument investir dans la brique.

S’est ainsi constituée une puissante bourgeoisie hétéroclite du ladrillo, rassemblant les propriétaires fonciers, les banques, les promoteurs immobiliers, les petits et grands capitaines d’industrie de la brique, de la porte et du lampadaire. Trois secteurs distincts ont soudé deux étages d’une même classe sociale : un capitalisme familial local, spécialisé, et un capitalisme actionnarial internationalisé et diversifié. Parmi cette faune aux animaux de formes et de tailles variables, Paco l’égoutier n’est qu’ une quantité négligeable, portée par une ruée vers l’or d’autant plus puissante qu’elle était nourrie par l’illusion d’un accès universel à la propriété. Mais les mirages de cette machine d’argile et de sable n’ont pas tenu bien longtemps.

après 2007 les briques restent, les rois s’enfuient

Aujourd’hui, Paco el Pocero s’est enfui à Dallas pour échapper à la réprobation publique et aux scandales de corruption. Le charme du ladrillo s’est rompu à mesure que l’économie espagnole basculait, que les flux migratoires s’inversaient, que le chômage atteignait des niveaux records. Certains signes avant-coureurs de fébrilité auraient pu laisser prévoir ce scénario que certains économistes, devenus rétrospectivement des Cassandre, avaient pronostiqué. L’alliance entre les promoteurs et les grandes banques s’est dénouée rapidement, comme si les dirigeants de la haute finance avaient plus de sens de l’anticipation que les autres fractions du ladrillo business, ou peut-être, plus simplement, plus de possibilité de reconvertir leurs capitaux : BBVA a abandonné Metrovacesa, Santander a laissé tomber Vallehermoso et Urbis, la Caixa s’est éloignée d’Inmobiliaria Colonial.

Mais, plus fondamentalement, c’est tout le système de crédit qui a été rattrapé par les niveaux de salaires réels. Les travailleurs espagnols ont tout simplement arrêté de pouvoir acheter les logements qu’ils produisaient et arrêté de pouvoir payer leurs crédits. Les ladrillos sont tombés comme des dominos. Des villages producteurs de poignées de porte, d’escaliers ou de fenêtres ont été frappés de plein fouet par le chômage de masse. Et les villes-nouvelles sont devenues des villes-fantômes. Mais sous ces airs de désastre se formulent aussi des réponses : les villes-fantômes se remplissent, certains travailleurs émigrent ou se battent contre les banques pour ne pas finir à la rue.

effondrement : la Sagra, terre d’argile rouge

La région de la Sagra, entre Madrid et Tolède, a pour particularité de regorger de carrières d’argile rouge. Quand vous y entrez, sans rater la sortie d’autoroute mal indiquée, vous vous trouvez au nord de la région de Castille-La Manche où le chevalier errant Don Quichotte, croyant combattre le mal, attaquait ses propres fantasmes. Trois siècles plus tard, d’autres fantômes ont pris leur place, mais il s’agit de fantômes qui pèsent lourds, de marchandises qui ne servent plus, d’une accumulation démentielle de briques, par millions, des briques pour les façades ou pour les murs, des briques sur les parkings des usines désormais à l’arrêt. Elles sont toutes en soldes : pour cinquante centimes d’euros, on peut s’acheter une brique.

Avant la chute du ladrillo, un tiers de la production nationale de briques se concentrait dans la Sagra : une dizaine de millions de tonnes de briques était fabriquée dans une seule petite grappe de villages de cette région de Castille, où tout le monde vivait du ladrillo, depuis plusieurs générations, sans envisager le chômage. Mais à Pantoja, à Cobeja, à Esquivias ou Numancia de la Sagra, les taux de chômage ont désormais dépassé les 50 %, selon les maires qui disent ne pas réussir à disposer de statistiques précises et semblent débordés par les événements. Les travailleurs de la brique émigrent, retournent chez leurs parents à trente ans passés, se reconvertissent comme ils le peuvent. Ils changent en tout cas de manière de vivre, comme c’est le cas, un peu plus loin sur la route du ladrillo, dans les villes nouvelles construites avec leurs briques.

la ville-fantôme : « on habite ici et on a l’eau courante, merci ! »

À quelques kilomètres de Pantoja se trouve justement Seseña, la ville nouvelle de Paco el Pocero, qui avait l’avantage, du temps de sa construction, de se trouver tout près des usines de briques de la Sagra. Avant d’arriver au cœur de Seseña, la voiture longe des chantiers arrêtés nets et dont les cabanes contiennent encore des vêtements et des pots de mayonnaise dans des frigidaires rouillés, abandonnés tout à coup, du jour au lendemain. Ces souvenirs évoquent les objets oubliés par les habitants de Pompei et d’Herculanum avant leur fuite que la lave du Vésuve en éruption a fossilisés en l’an 79 : à ceci prêt que le cataclysme est cette fois purement humain. Autour des trous, rayonnent des routes qui ne mènent nulle part, qui ont été construites dans l’attente de nouvelles barres d’immeubles, que bordent des forêts de lampadaires miroitant au soleil, des rangées de tableaux électriques destinées à des zones pavillonnaires avortées. De l’ensemble se dégage un sens de la démesure, l’impression de comprendre pour la première fois ce que le mot « surproduction » signifie véritablement.

Mais, au loin, on entend des cris de joie qui démentent cette vision sensationnaliste diffusée en boucle sur les télévisions espagnoles avant que les chasseurs de scandales ne se lassent. Les habitants de la ville fantôme sont, eux, bien vivants, habitent tranquillement à l’écart des turpitudes de la capitale, ont pu s’acheter ou louer des appartements à des prix imbattables : pour 600 euros, on trouve un cinq pièces de 170 mètres carrés dans une résidence avec piscine, à une demi-heure de voiture de la capitale. « On habite ici et on a l’eau courante, merci ! » Il y a donc une vie après la crise, et cette vie permet d’exister autrement, en détournant le mode de vie petit-bourgeois et conformiste prévu par le programme d’urbanisation vers un style d’existence plus ouvrier, parfois plus marginal et plus contestataire.

Dans le bar d’El-Quinon tenu par une famille chinoise, on discute avec un camionneur en pause, un maçon au chômage, un musicien cubain divorcé et un gardien d’immeuble roumain qui s’abritent ici des difficultés économiques. Et comme rien n’est jamais simple, l’image de Paco el Pocero qui naît de la conversation est elle aussi ambiguë. Certes, c’est un escroc parti avec la caisse, mais il a contribué à la fierté des ouvriers du bâtiment. Sans maquiller la ville fantôme en un nouveau phalanstère, force est de constater qu’elle n’est ni un fantôme sans canalisations, ni le vivier d’une classe moyenne confortable qui continuera à voter centre droit puis centre gauche pour toute l’éternité. Circulent au contraire des idées de vie nouvelle, de liquidation des hommes politiques corrompus, de dénonciation en bloc du Parti Socialiste et du Parti Populaire. Cependant, ces idées qu’on croise dans les villes nouvelles ont beau être plus radicales que prévu, c’est tout de même un peu plus loin sur la route du ladrillo, qu’on trouvera ceux qui luttent.

la Plateforme des affectés par les hypothèques

La Plataforma de los Afectados por la Hipoteca s’est constituée en février 2009 à Barcelone, en regroupant des signataires de crédits hypothécaires à risque qui ne pouvaient plus rembourser leurs mensualités. Elle rassemble aujourd’hui dans tout le pays des milliers de travailleurs précaires, souvent immigrés, auxquels les banques ont vanté les mérites de l’accession à la propriété, et qui se sont retrouvé expulsés ou menacés d’expropriation comme 400 000 foyers espagnols depuis le début de la crise. Son mode d’action est simple : convaincre les familles surendettées qu’elles ne sont pas coupables de n’avoir pas honoré leur contrat mais qu’elles sont victimes d’une « arnaque », d’une estafa financière ; nourrir leur colère, la rendre légitime et l’orienter vers les banques en mettant en place une stratégie défensive puis offensive ; les organiser pour paralyser les expulsions de logements pour crédits impayés par des campagnes de déstabilisation, des manifestations, des conférences de presse. L’idée de se laisser exproprier sans rien dire devient alors intenable : certaines expulsions sont même annulées ou arrêtées en pleine course. Le « lancement » ou lanzamiento — l’un des termes pour « expulsion » — fait alors long feu, et la banque, sous pression, peut accepter d’abandonner une partie de ses intérêts.

À l’échelle d’un individu ou d’une famille isolée, ce processus de prise de conscience puis de préparation à la bataille passe par une phase de décryptage de la letra pequeña, c’est-à-dire des clauses quasi inintelligibles des contrats d’attribution des crédits, qui font parfois plusieurs dizaines de pages. Taux variables, ratio de solvabilité, échelonnement des remboursements de l’intérêt et du principal et clauses d’hypothèque : autant de notions qui finissent par signifier ce qu’elles sont, à savoir une vaste supercherie destiné à prélever un maximum d’argent tous les mois, sur leurs salaires, pour payer l’un de ces logements qu’ils ont très souvent construit, brique après brique quand le ladrillo de la Sagra valait encore plus d’un euro pièce. Les afectados sont donc des salariés doublement affectés : comme consommateurs et comme producteurs. C’est ce qui explique que certains se battent pour deux et défendent plus chèrement leur peau que d’autres travailleurs — en attendant peut-être que d’autre compañeros ladrilleros, comme ceux de Pantoja, eux plus faiblement organisés, décident de les rejoindre.

Chaque pays privilégie certains matériaux de construction. En Chine, la maison en bois a longtemps eu l’estime des architectes et des promoteurs. En France, le béton est systématiquement privilégié. En Espagne, c’est la brique rouge qui est omniprésente. Et chaque pays, selon la structure de son économie, ses rapports entre classes sociales et la structure interne de chaque classe, voit se développer des formes de crises particulières qui peuvent se propager rapidement à des secteurs a priori éloignés, comme c’est le cas du ladrillo. Reposant sur une forte immigration de main d’œuvre du bâtiment, la fusion de la promotion immobilière et de la vente des terrains, une idéologie de l’accession à la propriété, la transformation des caisses régionales en banques commerciales et le soutien des grands établissements financiers, le « charme » du ladrillo est mi-financier et mi-industriel.

Contrairement à ce que disent de nombreux analystes, il n’y a pas ici de distinction entre un bon et un mauvais capitalisme, entre une économie réelle et une économie dite « virtuelle », entre l’industrie et la finance, une économie créatrice et une économie prédatrice. La surproduction de bâtiments — et donc de briques — a engendré l’hypertrophie du crédit, autant qu’elle a été nourrie par elle. Si le charme du ladrillo s’est rompu, s’est parce que l’ensemble de la chaîne est pourrie, et pas seulement son maillon financier.

Post-scriptum

Quentin Ravelli vit et travaille à Paris.

Notes

[1Inigo de Barron, « Bankia pierde 19 056 millones en 2012 », El Pais, vendredi 1er mars 2013.

[3http://www.expansion.com/blogs/taur..., page consultée le 13 mars 2013.

[4Humbert Jean-François, « La fin de la movida économique : l’Espagne face à la crise immobilière », Rapport d’information du Sénat, Commission des Affaires européennes, n°385, 2010-2011, pp. 9, 10 et 23.

[5Francisco Hernandez et Lucio Séneca (2003), Paco Hernando. La pasión de construir. Memorias de un hombre que si no trabaja se muere, NS, Madrid.