asile : administration de la preuve

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L’année du cinquantenaire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés se conclut en France sur un bilan bien sombre. Nous sommes désormais très loin des principes affichés par les pays occidentaux en 1951 dans le contexte de la guerre froide. Le moins que l’on puisse dire est qu’on ne déroule plus le tapis rouge pour accueillir les « combattants de la liberté », les opposants politiques et les martyrs des régimes autoritaires, comme ce fut le cas jusqu’au début des années 70.

En France, la procédure d’obtention du statut de réfugié s’est transformée en parcours du combattant jalonné de procédures administratives et judiciaires d’une complexité inouïe, censées faire le tri entre les « bons » et les « mauvais » réfugiés. Le discours dominant, depuis la fermeture des frontières de 1974, consiste en effet à dénoncer ces migrants économiques qui profitent du droit d’asile - l’une des rares portes d’entrée encore officiellement ouvertes - pour venir et se maintenir sur le territoire. Depuis les années 1990, les gouvernements successifs se sont acharnés à construire des barrières filtrantes censées selon eux bloquer et dissuader les « faux réfugiés », afin de réserver la protection de la République à ceux qui le « méritent » vraiment. Ces mesures dissuasives se sont avérées totalement inefficaces, puisque après une baisse du nombre des demandes d’asile à partir de 1990-1991, correspondant selon les autorités à la suppression du droit au travail pour les demandeurs d’asile, on assiste à nouveau depuis 1997 à des arrivées croissantes de réfugiés [1]. Non seulement ces mesures n’ont aucune efficacité dissuasive, mais elles constituent finalement des barrières redoutables pour les « vrais réfugiés ».

La frontière

Le premier obstacle est celui de l’accès au territoire français. A partir de 1986, l’obligation de visa se généralise, visant en premier lieu les pays pauvres, sources de flux importants d’immigrés et de demandeurs d’asile. Ensuite s’ajouteront les sanctions à l’encontre des transporteurs, principalement les amendes aux compagnies aériennes considérées comme responsables de l’acheminement de personnes démunies de visa. Enfin sont créées en 1992 les zones d’attente, destinées à protéger nos frontières en organisant la détention des étrangers arrivant sans documents, avant de les refouler vers leur pays de provenance. Cette détention est également pourvue d’une procédure prévoyant d’autoriser l’entrée sur le territoire pour les demandeurs d’asile dont la demande n’aura pas été considérée comme « manifestement infondée " par le ministère de l’Intérieur. Aujourd’hui la situation dans les zones d’attente - il faudrait presque dire de la zone d’attente de Roissy, puisque dans cet aéroport se concentrent 96% des arrivées et des détentions de demandeurs d’asile - est désastreuse : selon un rapport daté de mai 2001 de l’Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers (ANAFE) [2], non respect des procédures administratives et judiciaires (pourtant faites sur mesure), refus d’enregistrement des demandes d’asile et violences exercées contre ceux qui refusent le refoulement, se généralisent. Et pour autant, les statistiques du ministère de l’Intérieur ne cessent de montrer la progression, quasi exponentielle, du nombre des arrivées et des détentions en zone d’attente. Pendant la seule année 2000, 18.936 personnes ont été placées en zone d’attente (contre 9.306 en 1999), dont 7.392 qui demandaient l’asile (contre 4.817 en 1999).

Ces demandeurs d’asile à la frontière ont pendant leur séjour en zone d’attente un entretien avec un agent du ministère des Affaires étrangères sur les raisons qui les ont conduits à quitter leur pays. Si ces raisons n’apparaissent pas comme « manifestement infondées », le ministère de l’Intérieur examinera leur admission sur le territoire. Il ne s’agit donc que d’un premier examen, en principe superficiel, de la demande d’asile, avant un examen plus approfondi par les instances compétentes sur le territoire. Néanmoins, pendant l’année 2000, seules 22% des demandes d’asile ont été considérées comme fondées ; et moins encore (19%), pendant les premiers mois de l’année 2001. Ce premier filtre exclut par conséquent près de 80% des demandes, considérées comme frauduleuses par le ministère de l’Intérieur. Et l’examen des décisions de rejet motivées par les agents chargés des entretiens montrent qu’ils procèdent à un examen extrêmement poussé des motivations des demandeurs, dépassant largement le cadre de l’examen sommaire prévu par la loi.

La logique de la zone d’attente voudrait ensuite que les 80% de demandeurs considérés comme fraudeurs soient refoulés. Et pourtant, plus de 90% des demandeurs d’asile finissent par être autorisés à entrer sur le territoire - aux 20% admis lors de ce premier filtrage, il faut en effet ajouter environ 40% d’admissions par le juge du tribunal de grande instance chargé de contrôler les renouvellements de maintien en zone d’attente, et 20% d’admissions à titre exceptionnel, en général en l’absence de destination de renvoi. Ce premier constat montre la totale inefficacité de la procédure appliquée à la frontière, au regard des objectifs affichés : inefficacité du contrôle des flux migratoires, puisqu’une grande part des « faux » demandeurs parvient à poser le pied sur le sol français ; non-respect ensuite des règles du droit d’asile, puisque les critères retenus dans le pré-examen des demandes d’asile sont de plus en plus sélectifs ; admission, enfin, sur le territoire français, d’un nombre non négligeable de demandeurs d’asile décrétés tout d’abord refoulables lors de leur séjour en zone d’attente ! Cette situation démontre la réelle incompétence de l’administration à effectuer ce premier tri entre ce qu’elle appelle les « vrais » et les « faux » réfugiés. Heureusement, la plus grande partie de ceux qui parviennent jusqu’à nous évitent, par des filières clandestines, ce filtre désastreux de la zone d’attente.

La préfecture

L’obstacle suivant - le second pour les rescapés de la zone d’attente, le premier pour ceux arrivés par voie directe - est celui de l’enregistrement de la demande d’asile auprès de la préfecture du lieu de domicile. Ici à nouveau des restrictions ou filtres plus ou moins légaux sont imposés à ceux qui souhaitent déposer une demande d’asile : difficultés pour obtenir une adresse postale reconnue par la préfecture, files d’attente de plusieurs jours pour accéder aux services, rendez-vous donnés plusieurs mois plus tard, risques d’arrestation au cours de contrôles d’identité au faciès légitimés par Vigipirate, demande d’asile considérée comme abusive et dilatoire, etc. Au cours de l’été 2001, la préfecture de Lille avait même décidé d’instaurer un tirage au sort pour l’accès aux guichets : la grande loterie de l’asile territorial ! Le secrétaire général de la préfecture se justifia en expliquant qu’avec ce système de probabilités chacun aurait sa chance...

Mais ce n’est pas tout. Soucieuse d’une meilleure répartition des demandes d’asile sur le territoire européen, et pour responsabiliser des pays encore un peu trop laxistes quant au contrôle de leurs frontières, la Convention de Dublin à établi une série de critères pour désigner le pays responsable de l’examen d’une demande d’asile. Ces critères prennent en compte le trajet du demandeur à travers l’Europe, la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour, mais sans tenir compte du souhait de l’intéressé, ou de ses attaches familiales, culturelles, etc. Pas question en d’autres termes de choisir librement le pays européen où l’on souhaite poser ses valises pour demander le statut de réfugié. Et si le pays dans lequel vous être arrivé ne coïncide pas au bout du compte avec celui défini par les critères administratifs de la convention, un mécanisme long, compliqué et ne prévoyant pas de véritable recours se met en branle entre les Etats, visant à « transférer », pour ne pas dire expulser, les personnes concernées vers le pays désigné comme responsable. Mais ici encore, et par-delà le peu de respect accordé au droit de choisir son pays d’accueil, l’application de cette procédure a montré sa totale inefficacité. Un rapport d’évaluation de la Commission européenne a ainsi dévoilé une formidable usine à gaz, engageant par ailleurs des moyens et des frais impressionnants : à l’échelle européenne et au cours des années 1998-1999, 655.204 demandes d’asile ont été déposées ; 39.521 demandes de re-prise en charge ont été présentées par des États ; 27.588 ont été acceptées ; et finalement 10.998 transferts ont été effectivement réalisés, soit un taux de 1,70% par rapport au nombre total de demandes d’asile... La commission reconnaît d’ailleurs l’échec de cette procédure par rapport aux objectifs affichés, en ajoutant avec une pointe de regret que cette Convention n’a pas modifié le niveau des demandes d’asile dans l’Union européenne. Malgré ce constat sévère cependant, les technocrates ne se découragent pas : ils récidivent en élaborant actuellement, pour remplacer cette convention, une proposition de règlement reposant exactement sur les mêmes principes.

L’examen par l’OFPRA

Enfin, après avoir franchi ces obstacles, une dernière épreuve s’impose : l’étude à la loupe des motifs de la demande de statut de réfugié par l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA) et le cas échéant par la Commission des Recours des Réfugiés (CRR). Comme son nom l’indique, l’OFPRA a pour objectif initial de « protéger » les réfugiés, ce qui se concrétise notamment par la délivrance d’un certificat de réfugié, et de documents d’état civil se substituant à ceux délivrés par les autorités du pays d’origine. Mais comme trop de « faux demandeurs d’asile » cherchent encore, malgré les filtres précédents, à abuser de la confiance de l’Office dans le but peu avouable d’obtenir des papiers permettant de se maintenir en France, il a fallu développer au sein de l’OFPRA une activité consistant à trier les « bons » et les « mauvais " dossiers - si bien qu’aujourd’hui les moyens de l’Office sont en grande partie dévolus aux divisions géographiques chargées de cette sélection, aux dépens de la division protection. « Métier difficile, qui demande rigueur et motivation, et qui s’apparente à celui d’orpailleur : dans le flux que charrie la rivière, chercher inlassablement les pépites d’or de la convention de Genève, les réfugiés politiques  », décrivait fin 1998 le directeur de l’OFPRA [3].

Dernière étape, mais sans doute la plus impitoyable, la procédure de détermination de la qualité de réfugié consiste à examiner de manière inquisitoriale les propos et les documents déposés par les demandeurs d’asile pour justifier les persécutions dont ils font état. Cette instruction est réalisée par des « officiers de protection » dont la méthode de travail repose sur un principe inverse du bénéfice du doute. Le plus léger soupçon sur les déclarations conduit en général au rejet de la demande - et non à son acceptation, comme cela devrait être la règle. A l’image des juges répressifs qui préfèrent condamner des innocents que de libérer des coupables, l’OFPRA a choisi de prendre le risque de rejeter des vrais réfugiés, plutôt que de reconnaître de faux réfugiés.
Conséquence inévitable, le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié est au plus bas ; depuis la fin des années 1980, il frôle les 15-20%. Entre 1995 et 2000, le nombre de certificats délivrés s’est même curieusement stabilisé entre 4.000 et 5.000. Ces chiffres officiels sont par ailleurs contestés, les véritables chances d’obtention du statut, après examen par l’OFPRA et la Commission des Recours, avoisinent les 10% - en d’autres termes 90% de refus. Et il faut rappeler que jusqu’au début des années 1980, la proportion était exactement inverse : 90% des demandes étaient accordées, et 10% rejetées. Assumant sans aucun état d’âme ces chiffres, les directeurs de l’OFPRA et gouvernements successifs nous expliquent que le phénomène est dû à l’arrivée massive, depuis les années 1980, de réfugiés « économiques » qui tentent de tromper la vigilance des autorités pour rester en France ; heureusement, l’OFPRA et la Commission des recours sont là pour opérer ce tri nécessaire grâce à un travail minutieux. Nous sommes donc censés croire que les 5000 réfugiés reconnus au terme de ce long et complexe processus de sélection correspondent aux seuls et véritables « réfugiés politiques », tels qu’ils sont fantasmés par les autorités chargées d’appliquer le droit d’asile : « combattants de la liberté », militants politiques et martyrs de sauvages dictatures. La réalité est pourtant bien différente. Des critères absurdes, des exigences démesurées de preuves, des idées préconçues sur la réalité des pays d’origine, la suspicion généralisée, conduisent à refuser le statut de réfugié à quantité de personnes sincères. La machinerie sélective n’est pas infaillible. Elle est source de nombreuses « erreurs », aux conséquences dramatiques : un réfugié débouté est susceptible d’être renvoyé vers son pays à tout moment. Et, malgré cette sévérité, les exemples ne sont pas rares de réfugiés reconnus par l’OFPRA, alors qu’ils avaient inventé tout ou partie de leur histoire, ou utilisé une nationalité de substitution. Le déploiement de toute une panoplie de techniques de vérification (officiers de protection spécialisés par pays, enquêtes par les ambassades, expertises de documents, entretiens poussés, etc.) n’empêche pas l’OFPRA de faire fausse piste, en refusant de « vrais » réfugiés d’un côté, le plus souvent, et en admettant des dissimulateurs de l’autre, beaucoup plus rarement.

Ces organismes spécialisés (l’OFPRA et le CRR) sont-ils réellement compétents pour examiner les demandes de statut de réfugié ? Ou plutôt : y a-t-il une méthode qui permettrait de repérer de manière infaillible les « vrais » réfugiés pour les protéger ? Et plus sérieusement : est-ce là vraiment le fond du problème ? Ces longs parcours d’obstacles, de la zone d’attente à la décision de l’OFPRA, justifiés par les autorités pour sélectionner leurs « pépites », ne produisent guère que des décisions arbitraires et injustes : à aucun niveau en effet les administrations concernées ne semblent avoir la compétence pour réaliser cette tâche. Mais en ont-elles seulement la volonté ? On en ressort plutôt l’impression que l’objectif de l’État est de développer une procédure extrêmement pesante et complexe, destinée bien plus à décourager, et à briser, les réfugiés (« vrais » et « faux ») qu’à les protéger, tout en maintenant l’illusion qu’il faut agir de cette façon pour préserver le droit d’asile. La procédure d’obtention du statut de réfugié n’a peut-être pas pour objectif réel de repérer les « vrais » réfugiés (voir plus bas). Et on peut se demander si elle n’a pas plutôt pour fonction de produire un certain nombre de décisions négatives (majoritaires) et positives (minoritaires), sans importance quant à leur attribution à des « vrais » ou à des « faux » réfugiés. En annonçant publiquement chaque année que 80% des demandeurs d’asile sont des fraudeurs, on justifie tous les discours restrictifs et répressifs.

En raison de la situation explosive du droit d’asile, on a vu surgir récemment à Lyon, Marseille, Nantes ou Sangatte (et j’en oublie sûrement), des mouvements revendicatifs de demandeurs d’asile, qui s’allient et fusionnent parfois avec des sans-papiers. A Lyon, depuis la fin du mois d’août, campent devant la préfecture des demandeurs d’asile qui réclament des délais d’examen décents de leur dossier, et des hébergements. Avec l’arrivée de sans-papiers - pour la plupart déjà déboutés du droit d’asile - ces revendications se sont élargies à la régularisation et au droit au travail. Pas la peine en effet, d’attendre d’être rejeté par l’OFPRA pour réclamer des papiers, autant le faire tout de suite ! Cette jonction entre luttes de sans-papiers et de demandeurs d’asile n’a pas été du goût du milieu associatif lyonnais : Forum Réfugiés et la Cimade-Lyon ont à plusieurs reprises expliqué dans la presse pourquoi ils ne soutenaient pas ce mouvement, coupable à leurs yeux d’amalgamer sans-papiers et demandeurs d’asile. Ce n’est pourtant pas en isolant le droit d’asile comme un droit à part, un droit ultime, qu’on sortira du problème. Tant que la situation ne changera pas, il y aura toujours des étrangers sans autre choix que d’utiliser cette voie pour venir en France et grappiller quelques droits supplémentaires, et il paraît difficile de le leur reprocher. En maintenant l’idée d’un droit particulier, on introduit inévitablement l’idée d’une sélection, d’un choix entre ceux qui le méritent et ceux qui ne le méritent pas. Or, on l’a vu, aucun organisme n’est capable de procéder avec justesse à ce filtrage, et cela ne peut conduire qu’à des décisions arbitraires et restrictives. Il ne peut y avoir de véritable droit d’asile quand toutes les autres portes sont fermées. La revendication fondamentale qui doit resurgir est celle de la liberté de circulation et d’installation. Si tous les migrants avaient la possibilité de bénéficier du droit de séjourner et de vivre dignement, la question de la sélection parmi eux des « vrais » réfugiés ne se poserait plus. Seuls ceux qui l’estiment nécessaire feraient la démarche supplémentaire d’une demande de protection spécifique, afin notamment de pouvoir bénéficier de documents d’état civil, d’un passeport, etc.

La défense du droit d’asile doit évacuer toute idée de sélection et de distinction, et ne peut se réaliser sans s’appuyer sur la lutte des sans-papiers. Elle ne peut surtout pas faire l’économie d’une réflexion sur la liberté de circulation et d’installation.

post scriptum. Monsieur D. est un réfugié camerounais. Par son engagement et son parcours politique, il serait même le réfugié exemplaire, tel qu’idéalisé par les fonctionnaires chargés d’appliquer le droit d’asile. Pourtant, sa demande de statut de réfugié vient d’être rejetée. Pourquoi ?

En 1998, pourchassé par toutes les polices du Cameroun, il décide à contre cœur d’abandonner ses camarades de lutte pour se réfugier temporairement en France. Espérant pouvoir rentrer rapidement dans son pays, il hésite pendant près de trois ans à demander officiellement l’asile aux autorités françaises - geste qu’il considère comme une trahison par rapport à ceux qui sont restés au pays -, et reste en situation irrégulière. Mais son épouse et ses enfants restés à Douala subissent à leur tour des intimidations des autorités. Il devient donc nécessaire de demander le statut de réfugié pour permettre ensuite un regroupement familial.

Le 6 septembre 2001 Monsieur D. s’adresse donc à la préfecture de police de Paris. Celle-ci estime que sa demande est trop tardive pour être honnête et décide de lui appliquer la procédure d’examen prioritaire. L’OFPRA est donc saisi en urgence de son dossier, mais le rejette aussitôt sans entretien. Motif : « ses déclarations écrites, extrêmement vagues et confuses, sont dénuées d’éléments sérieux ou convaincants permettant de tenir les faits allégués pour établis et ses craintes de persécutions pour fondées. Par ailleurs, l’Office note que l’intéressé arrivé en France le 17 novembre 1998 n’a entamé aucune démarche afin de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié.  »

En tergiversant pendant trois ans, Monsieur D. a eu une réaction absolument compréhensible pour un militant politique fuyant des persécutions. Mais les rouages de l’administration et les logiques juridiques appliquées au droit d’asile ont fait de ce comportement sincère une circonstance aggravante. Ce n’est pas une simple erreur due à un fonctionnaire quelconque qui a conduit à cette décision aberrante. C’est l’application d’un ensemble de textes réglementaires, considérant qu’une demande tardive est forcément abusive, et aboutissant en général à un rejet express de l’OFPRA, si l’intéressé n’a pas été capable d’attirer l’attention sur sa situation dans son dossier écrit.

L’exemple montre bien que la procédure de d’obtention du statut de réfugié n’a pas été élaborée pour repérer les « vrais » réfugiés. Elle sert à autre chose.

Post-scriptum

Antoine Decourcelle est co-auteur, avec Stéphane Julinet, de Que reste-t-il du droit d’asile, L’esprit frappeur 2000.

A lire

Notes

[1En 1973, 1.373 demandes de statut de réfugié ont été déposées dans l’année ; en 1989, 61.372 ; en 1996, 17.405 ; et en 2000, 38.747.

[2Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers - c/o CIMADE 176, rue de Grenelle 75007 Paris.

[3M. Terral, directeur de l’OFPRA de 1997 à 2000, in Echanges, Santé, Social, n°91, septembre 1998.