Vacarme 66 / Spy Mania

Avant-propos

par , , ,

Illustrations d’Anaïs Vaugelade

L’espionnage, c’est d’abord aujourd’hui une question d’actualité. Que c’est amusant de voir combien ce qui était normalement réservé à la part du secret se retrouve exposé en pleine lumière. On ne s’en remet pas. Le feuilleton Snowden — feuilleton perpétuel— est un délice des jours qui passent. C’est aussi, contre tous les critiqueurs de la démocratie, une revanche qui est prise. Bel et bien, s’inventent sous ce régime vieilli de la politique, la démocratie, des contre-pouvoirs : et là où l’on l’aurait le moins imaginé, incarnés dans des figures appelées Manning ou Snowden. Étrange. Cette lecture enthousiaste doit cependant être tempérée. Pas d’inquiétude, tout le monde s’en charge. Certains chercheurs qui gélifient les événements dans une temporalité longue. Certains journalistes qui remettent toujours l’événement du jour au lendemain. Reste aussi, indépassable, la voix des professionnels de l’espionnage : les informateurs (dont nous possédons dans ce chantier un avatar en la personne de Philippe Vasset, rédacteur en chef de Intelligence online) et les opérationnels (dont nous sommes fiers d’exposer également, sans danger et sans langue de bois, un spécimen poivré en la figure d’Alain Chouet). Demeurent aussi les auteurs Vacarme. Ceux qui font les entretiens, ceux qui dessinent, ceux qui rêvent, ceux qui écrivent, tous ceux qui se frottent aux premiers, les historiens et les journalistes, et qui réfléchissent à la façon dont on peut raccrocher cette zone limitrophe de la littérature et de la Raison d’État à la pensée Vacarme. Au terme de ce chantier enfin bouclé, ils ont fini par trouver ce qui les intéressait en profondeur dans cette problématique éculée : c’est la recherche de la vérité appliquée à la matière la plus fine de la vie et du monde, la concrétude de questions philosophiques et d’engagements politiques soudainement versée dans le quotidien le plus intime : c’est le pan de rideau qu’on tire et qu’on ferme sur une scène, l’entrevoyure, un geste, un regard, un morceau de papier griffonné, notre correspondance, toute notre vie sociale sur la Toile. Nous le savions déjà, tout est politique, mais avec Snowden, cette connaissance se ressource et donne envie d’explorer la multitude des interfaces du monde.