Rouages européens

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Rouages européens

Sources

La construction juridique actuelle de l’Union Européenne (UE) procède de plusieurs traités :

  • le traité de Paris (1951), institue la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier). La CECA n’existe plus depuis le 23 juillet 2002.
  • les traités de Rome (1957), instituent la CEE (Communauté économique européenne) et la CEEA (Communauté européenne de l’énergie atomique, également dénommée Euratom).
  • l’acte unique européen (1986).
  • le traité de Maastricht (1992), dit traité sur l’Union européenne ou TUE.
  • le traité d’Amsterdam (1997), entré en vigueur le 1er mai 1999, modifie TCE et TUE.

Les règles actuelles, décrites ici, resteront applicables jusqu’à la ratification du traité de Nice [1].

Piliers

L’architecture d’ensemble de l’UE est complexe. Le traité de Maastricht définit la nature, les objectifs, les principes de l’Union, ainsi que son « cadre institutionnelunique ». L’Union est structurée en trois « piliers », chacun régi par des règles de fonctionnement spécifiques.

Le « premier pilier », dit « communautaire », est le plus ancien. Il regroupe les Communautés originelles : CEE (devenue Communauté européenne,CE, à Maastricht) et CEEA. Le fonctionnement des Communautés est régi par des procédures communautaires d’intégration (caractérisées par le vote à la majorité qualifiée) au sein desquelles la Commission joue un rôle éminent. Ce cœur historique de la construction européenne regroupe aujourd’hui l’essentiel des politiques pleinement communautaires : politique agricole commune (PAC), politique commerciale, politique économique et financière (de la monnaie unique, notamment).

Les deux autres piliers sont de naissance plus récente. Le « deuxième pilier » désigne la politique étrangère et de sécurité commune – PESC. Le « troisième pilier » co,cernait, jusqu’à Amsterdam, la « coopération européenne en matière de justice et d’affaires intérieures » – également dénommée JAI, pour « Justice et Affaires Intérieures ». Ces deux piliers appellent des procédures de type intergouvernemental, dans lesquelles le Conseil des ministres tient le rôle prédominant : la Commission n’a qu’un statut de « partenaire pleinement associé », l’unanimité est le mode quasi-exclusif de décision, la Cour de Justice est marginalisée, tout comme le Parlement, qui est au mieux consulté voire simplement informé.

Notons que le traité d’Amsterdam a « communautarisé »,donc intégré au premier pilier, une partie non négligeable de la coopération en matière de JAI (asile, libre circulation des personnes, immigration, coopération douanière et coopération judiciaire civile) en vue de la réalisation d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Le troisième pilier ne concerne donc plus que la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Institutions

Le « cadre institutionnel unique » de l’Union est destiné à « assurer la cohérence et la continuité des actions menées en vue d’atteindre les objectifs de l’Union ». Dans le cadre de l’Union, les différentes institutions disposent de procédures et de pouvoirs très différents selon qu’elles agissent dans le cadre des Communautés, de la PESC ou de la JAI. Il en va ainsi, par exemple, du droit d’initiative de la Commission : elle en détient le monopole au sein du premier pilier, mais doit le partager avec les Etats membres pour la PESC et la JAI.

Le Conseil européen n’est pas un organe institutionnel stricto sensu. C’est de leur propre initiative que les chefs d’État et de gouvernement des États membres ont décidé en 1974 de se réunir trois fois par an et chaque fois que nécessaire, accompagnés des ministres des Affaires étrangères, dans le but « d’assurer le développement et la cohésion d’ensemble des activités des Communautés européennes et des travaux de coopération politique ». L’existence du Conseil européen a été consacrée par l’Acte unique de 1986. Selon les textes, cette réunion ne dispose pas de pouvoir de décision : centre d’impulsion, il est destiné à définir les grandes orientations politiques de l’Union. Cependant, sans arrêter de véritables normes juridiques, le Conseil européen s’est imposé au fil des ans comme un véritable lieu de décision, brouillant ainsi le partage des compétences entre Commission et Conseil des ministres. La présidence de l’Union, assurée tous les six mois par un État membre, consiste ainsi essentiellement en l’organisation et la définition de l’agenda du Conseil qui se tiendra au terme du mandat de l’État désigné, et qui constituera le point d’orgue de sa présidence.

Le Conseil des ministres (ou Conseil de l’Union européenne) est formé par les représentants des États membres. Juridiquement, il n’existe qu’un seul Conseil. De facto, le Conseil réunit les ministres concernés par les questions mises à l’ordre du jour. Il existe ainsi aujourd’hui 16 formations, parmi lesquelles l’agriculture, les affaires économiques et financières, l’environnement, l’emploi et la politique sociale. La formation « Affaires générales » du Conseil, qui réunit les quinze ministres des Affaires étrangères, a vocation à traiter non seulement des relations extérieures de la Communauté mais aussi à coordonner l’action des conseils spécialisés. Le Conseil est le législateur de la Communauté. Cette fonction a toutefois été progressivement partagée avec le Parlement. Le Conseil assumant d’autre part des fonctions de contrôle de l’application des actes communautaires, donc des fonctions exécutives, la croissance et la diversification de ses compétences ont exigé de mieux marquer ses fonctions spécifiques. Le Conseil sera ainsi appelé dans l’avenir à se concentrer sur trois d’entre elles : fonction législative et budgétaire,fonction de coordination de la position des gouvernements nationaux et fonction gouvernementale. Au sein de cette dernière, on distinguera désormais un pouvoir de décision qui revient au Conseil et des fonctions d’initiative et d’exécution, qui doivent désormais être essentiellement du ressort de la Commission.

La Commission est, depuis 1995, formée de vingt commissaires, nommés pour une durée de cinq ans. Son président est désigné par le Conseil européen, après approbation par le Parlement. Le collège des commissaires, nommés d’un commun accord par les gouvernements, est également approuvé par un vote duParlement. Les différents « portefeuilles » ministériels sont répartis entre lesdifférents commissaires, qui exercent chacun ainsi une autorité sur une ou plusieurs Directions générales de la Commission. Les commissaires sont appelés à exercer leurs fonctions « en pleine indépendance, dans l’intérêt général des Communautés ». Ils ne doivent notamment recevoir ni solliciter aucune instruction de la part des gouvernements. La mission de la Commission est « d’assurer le fonctionnement et le développement du Marché commun ». A cette fin, elle contrôle l’application du droit communautaire, dispose d’un droit d’initiative quasi exclusif, surveille la bonne exécution des traités et des actes du Conseil, et exerce une fonction de représentation de la Communauté.

Les députés au Parlement européen sont élus au suffrage universel depuis 1979. Actuellement au nombre de 626, ils devraient être 732, suite aux prochains élargissements. A l’origine doté de pouvoirs modestes, le Parlement européen a conquis de haute lutte, dès 1986, l’extension de ses compétences, considérablement renforcées par le traité de Maastricht, et ainsi une plus forte assise politique. Le Parlement partage quelques unes de ses prérogatives avec le Conseil des ministres et la Commission : il est investi d’une fonction législative avec le Conseil des ministres et peut demander à la Commission de soumettre « toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte communautaire pour la mise en œuvre du traité ». Ce pouvoir passe par trois procédures (codécision, avis conforme, avis consultatif), ainsi que par une amplification de son pouvoir de contrôle. Le pouvoir de codécision accorde au Parlement un droit de veto sur les projets du Conseil. La procédure concerne notamment les domaines suivants : le marché intérieur, l’environnement, la culture, l’éducation, la santé publique, la libre circulation des travailleurs de l’Union, la liberté d’établissement, la protection des consommateurs. L’avis conforme, qui permet au Parlement de donner son appréciation sur le contenu et l’opportunité d’une décision en cours, concerne les demandes d’adhésion à l’Union de nouveaux États et les accords de coopération et d’association. Enfin, la consultation du Parlement est requise sur la détermination « des principaux aspects et des choix fondamentaux de la PESC ».

Notes

[1Adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen des 7-11 décembre 2000 à Nice, ce traité est appelé à être ratifié dans les quinze Etats membres, soit par voie parlementaire, soit par voie référendaire. Plus d’un an après la signature du traité, les errances des ratifications nationales – en particulier le rejet du traité par le référendum irlandais du 7 juin 2001 – font douter d’une prochaine entrée en vigueur.