Vacarme 67 / Cahier

Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir ou les « mises en scène » toxiques de la surveillance aux frontières de l’Europe

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Photos de Lampedusa par l'auteur

Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir

S’apercevoir que sécurité et migration ont fini par être amalgamées, qu’on n’entend même plus les appels de détresse. Fouiller les discours politiques sur la surveillance aux frontières extérieures de l’Europe et constater qu’avec l’Agence Frontex, on ne peut rien voir. Tomber sur la question que pose George Didi-Huberman : « Comment donc, quand les peuples sont exposés à disparaitre, organiser notre attente pour espérer voir un homme ? » Se demander si ce n’est pas la question de ceux qui militent pour les droits des migrants, celle qu’il faudrait poser dans un film qui donnerait corps, pour un moment, aux peuples des frontières.

Spectacle rituel et quotidien du drame

Les frontières sont des lieux habités ici et ailleurs [1] : un aéroport à Nairobi où une femme présente aux douaniers un visa pour Paris et une rue à Paris où un policier contrôle les papiers d’un passant. La mer au large des côtes de l’île de Lampedusa où périssent en octobre 2013 dans deux naufrages consécutifs, 366 puis 268 migrants, est bien à la frontière extérieure de l’Europe, mais les enjeux des frontières européennes se nouent aussi à Varsovie, au siège de Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures. Là, des fonctionnaires européens scrutent sur de grands écrans un flot de données en temps réel, recueillies aux frontières et mises à leur disposition grâce au système informatique Eurosur. C’est ainsi qu’ils produisent une série de rapports qui évaluent les « risques » aux frontières de l’Europe en termes d’afflux, crimes, drames et morts, au point où la frontière devient le lieu d’une menace. Ils portent en eux une mise en scène toxique de la frontière [2]. Dans Vacarme, Frontex a été présenté en 2011 comme une agence de répression des migrants et le bras armé de l’Europe [3]. Or son budget a connu une croissance exponentielle depuis sa création en 2004, passant de 6,5 à 86 millions d’euros. Même à des moments sensibles, comme celui de ces naufrages en octobre 2013, Frontex profite de la dramatisation des échecs de sa mission pour réclamer que de plus gros moyens technologiques soient mis à sa disposition et à celle des organisations paramilitaires que sont les corps de gardes-frontières des États européens. En imaginant faire un film sur l’agence Frontex, je me heurte à un dilemme. À montrer, illustrer, mettre en scène les drames en Méditerranée, ne contribue-t-on pas perversement à un spectacle qui au lieu de susciter des interrogations, porte en soi sa solution : développer davantage la surveillance aux frontières ?

En faisant ces remarques je rejoins les analyses de Wendy Brown, professeure de sciences politiques à Berkeley, sur la mise en scène spectaculaire de l’échec : « Le contrôle des frontières est un spectacle rituel. Quand l’échec des efforts de dissuasion met le spectacle en crise, ses auteurs essaient de sauver la face en promettant un show plus grandiose que le précédent. [4] » Claire Rodier, juriste, vice-présidente du réseau Migreurop et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) note aussi la banalisation des discours sur la protection des migrants : « Même lorsqu’elle est porteuse d’un message de compassion, ou d’alerte, la médiatisation — y compris de la part des militants — des “drames de la migration” alimente le discours sur l’invasion de l’Europe par les migrants. Et elle vient justifier la réponse des autorités, selon laquelle pour protéger les migrants, leur éviter de prendre des risques, il faut renforcer les contrôles aux frontières. » En octobre 2013, pour la première fois depuis des années, les morts en Méditerranée, plus de 16.000 migrants disparus depuis 1993, ont fait la une de nos journaux. Des corps tirés sur des zodiacs. Des cadavres devinés sous des bâches. Des cercueils alignés sur des quais. Un échec patent de notre dispositif de sauvetage en mer. Pour certains d’entre nous, un scandale : des hommes et des femmes en sont réduits à se mettre dans des situations désespérées parce que nous sommes incapable de « bâtir une Europe de l’asile [5] » ou mieux, une Europe de l’accueil. On a voulu croire un moment que nous, Européens, allions tirer les conclusions du drame, mais ni les images, ni les chiffres, ni les mots n’ont fait dévier l’Europe de son calendrier politique.

Frontex suppose et produit une représentation de la frontière en contradiction avec les récits nés des frontières. Je suis sensible à l’injonction de Giusi Nicolini, maire de Lampedusa, au chef du gouvernement italien Enrico Letta : « Venez compter les morts avec nous. Il faut que les caméras de télévision viennent et montrent les cadavres, sinon c’est comme si ces tragédies n’existaient pas [6]. » Les caméras n’ont pas suffi pourtant à infléchir — même momentanément — l’obsession sécuritaire des institutions européennes au lendemain du naufrage du 3 octobre 2013. Puis le Conseil s’est réuni le 25 octobre et a remis une discussion sur la politique migratoire à juin 2014. De là à penser que les images aient même pu favoriser la seule promesse qu’aient faite les vingt-huit membres du Conseil européen, celle d’augmenter les moyens alloués à Frontex…

Quand les vivants sont déjà nos fantômes, quelle place donner aux morts ?

Ceux qui travaillent aux frontières se heurtent à un déficit de représentation de la frontière. Pour nous, la frontière de l’Europe est réduite au fantasme et le migrant au personnage absent, rêvé ou craint. Le champ politique ausculte, efface, tient sous silence les réalités de la frontière et entretient en creux les peurs. Les morts renvoient à des scènes de désastre, victimes désespérées qui nous assaillent, nous incombent, nous envahissent. Quand les vivants sont déjà nos fantômes, quelle place donner aux morts ? En octobre 2013, nous, Européens, mettions les survivants du naufrage en détention à Lampedusa alors que nous suggérions de donner la citoyenneté italienne aux morts ! Quelles conclusions nous et nos politiques tirons-nous donc du drame ? « Qui nous ? » demande encore la maire de Lampedusa, poursuivant : « Je ne suis pas sûre que je tire les mêmes conclusions de ce drame que le reste des hommes politiques européens. Je crains qu’ils ne versent des larmes de crocodile. Pour ma part, j’en conclus que les politiques européennes sont aveugles et que les tragédies vont se multiplier. Pour que ça change, il faudrait que les politiques changent radicalement leur position. Il faudrait qu’ils aient le courage d’expliquer une vérité qu’ils ne veulent pas dire parce qu’ils craignent l’extrême-droite et les mouvements anti-immigration. » Et la maire reprend : « Si vous voulez empêcher les morts, il faut ouvrir des voies de migrations légales. Arrêtons d’intercepter les bateaux et de donner les moyens à nos voisins de le faire. C’est faire le jeu des réseaux de passeurs ! En érigeant la barrière, ils créent un marché pour ces trafiquants. C’était le cas à Chicago, c’est le cas pour la guerre contre la drogue. Contre les morts, les contrôles de frontières sont inutiles, ils mènent inexorablement à d’autres tragédies. » Moins émotifs, mais aussi définitifs, pessimistes mais actifs, les membres de l’association Migreurop produisent des cartes, des chiffres et des analyses depuis des années qui étayent cette perspective. Frontex est responsable du contrôle et de l’interception des migrants depuis 2004, et cela n’a pas empêché 3 300 personnes de mourir près de Lampedusa depuis 2002, sans que l’augmentation des budgets de Frontex n’y change rien. Ils concluent encore cette fois que la surveillance n’a servi à rien à Lampedusa. Ni les nombreuses navettes de la Guardia Costiera et de la Guardia di Finanza à proximité, ni le navire non loin, qui dépendait peut-être de Frontex, ne sont venus à l’aide du bateau à 1 km des côtes. Pourtant quelques jours plus tard, le 7 octobre 2013, le lancement du très coûteux système informatique qui permet aux gardes-frontières et à Frontex de partager instantanément les données disponibles aux frontières, la plate-forme Eurosur, a été voté.

Frontex ou les récits contradictoires

Pourquoi le Conseil européen n’a-t-il pas pris une mesure d’urgence et appliqué les règles de sauvetage en mer, pourquoi n’a-t-il pas discuté la création en urgence de couloirs protégés pour les migrants en détresse ? Pourquoi ne pas même prendre en considération les changements nécessaires des politiques de migration ? Le constat que je fais est désabusé. Les réponses, en forme de paradoxes, tiennent, à mon sens, à la prolifération de scénarios simplistes et contradictoires qui rendent illisible la réalité de la surveillance aux frontières et indéchiffrable la politique migratoire des pays européens.

Une aiguille dans une botte de foin : la fiction publiée sur le site Frontex [7] d’un sauvetage en mer, présenté comme typique, met en scène le lieutenant Cannarile et la figure lamentable d’un migrant aux pieds nus, pleurant et gémissant, nommé Samuel. Le lieutenant Cannarile est effectivement un membre des gardes frontières italiens, mais le récit est un cliché de bout en bout. Il permet pourtant de donner une explication évasive et imagée de l’échec répété des missions de sauvetage : chercher une embarcation perdue en mer, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. Frontex ne nie même pas que 90% des opérations de sauvetage débutent par un appel et que rares sont donc les cas où un bateau est repéré sans avoir accès à un contact à bord, mais la fiction recourt à une argumentation aussi fantaisiste que contradictoire : Frontex a besoin de plus de moyens, puisque la mer Méditerranée — la courbure de la terre et les nuages — rend les repérages par satellite longs, compliqués ou inutiles. Frontex théâtralise par cette historiette sentencieuse son impuissance. Ne reste que l’endurance du Lieutenant Cannarile qui poursuit sa mission impossible.

Nous les tenons à l’œil de la caméra : la surveillance, c’est bien l’œil sur l’autre, ici et ailleurs. Le 7 mai 2013, l’Union européenne a rendu public un dispositif — au nom évocateur de Closeye [8], qui teste de nouvelles technologies de pointe pour assurer la surveillance entre l’Europe et des pays tiers comme le Maroc et la Mauritanie, qui sont aussi des pays de transit pour les migrants en route vers l’Espagne ou l’Italie. Comme l’a souligné le lieutenant-colonel espagnol José Manuel Santiago, ce réseau de caméras de surveillance et l’utilisation des drones Fulmar doit donner « l’alerte rapidement sur ce qui se passe sans attendre qu’arrivent sur les côtes espagnoles ni les flux de migrants ni les mafias ». Sous couvert d’amélioration technologique, c’est un changement de paradigme, puisque la surveillance permet de repousser le contrôle des migrants au-delà des frontières, ce que les politiques européennes désignent comme l’externalisation de la frontière. C’est une politique qui rejoint celle du refoulement des migrants interceptés sur un bateau vers les pays de transit, des accords bilatéraux avec ces pays pour qu’ils acceptent les retours de migrants ou même contribuent à les retenir avant qu’ils ne tentent de partir pour l’Europe. C’est aussi une politique qui cherche à dédouaner l’Europe de sa politique d’asile. Il est décourageant de constater que l’Europe s’installe irrémédiablement dans un récit des migrations qui tient du soupçon et de la guerre, plutôt que de l’épopée.

Dans ce troisième scénario, dit « du talon d’Achille », même les considérations humanitaires justifient encore un renforcement des moyens de surveillance. « Venue de Somalie pour réaliser son rêve de participer aux Jeux olympiques de Londres, une athlète olympique s’est noyée dans la mer Méditerranée en avril 2012 » écrit Morten Kjaerum, directeur de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux (FRA), en avant-propos d’un rapport de 2013 sur le respect du droit des personnes lors des opérations de surveillance aux frontières. « Les migrants, qui décident de traverser la mer sur des embarcations impropres à la navigation, sont comme des révélateurs des infractions aux droits des personnes. C’est là le talon d’Achille de l’Europe » conclut le directeur de la FRA. La cuirasser donc, mais contre quoi ? Son inefficacité, sa législation, l’infraction à ses propres lois ou son cynisme ? Le rapport de la FRA insiste sur le respect — ou le non-respect — des droits des personnes : le droit à la vie et le principe de non refoulement qui interdit de renvoyer des réfugiés, des victimes de persécutions, à leurs bourreaux. Le rapport rappelle enfin l’impératif moral de sauver les naufragés, lequel est nié par la criminalisation des capitaines de navire qui rentrent au port avec des clandestins à leur bord. Il conclut qu’il est nécessaire de renforcer le dispositif Eurosur [9] et la formation proposée par Frontex sur les droits des personnes et la dignité des migrants interceptés. En définitive, la lecture humanitaire du drame, lorsqu’elle s’interdit de prendre en compte ses causes politiques, peut se réduire à proposer la sempiternelle solution : plus de moyens pour Frontex. J’y vois l’ultime contradiction de l’histoire de l’Agence.

Le travail des parlementaires européens a contribué à rendre le rôle de Frontex encore plus flou. À la création de Frontex en 2004, son directeur exécutif, le colonel finlandais Ilkka Laitinen, rappelait que le sauvetage en mer était du ressort des États, pas de Frontex ou de l’Europe. Frontex était supposé « intégrer la gestion des frontières… et donner des moyens d’intervention rapide dans les États membres confrontés à des situations urgentes et exceptionnelles, résultant d’un afflux massif d’immigrants clandestins [10] » Il y un an, le 22 octobre 2012, devant le Parlement européen, le même Laitinen a mentionné 247 cas de sauvetages et a annoncé la création d’un poste d’officier de Frontex pour les droits humains. Mais Hélène Flautre, députée européenne du groupe des Verts-ALE et présidente de la sous-commission Droits de l’homme du Parlement européen, rappelle qu’il a fallu batailler pour obliger l’Agence à assumer sa responsabilité à protéger les droits des migrants. Avec le système Eurosur, les efforts des parlementaires ont abouti. La commission LIBE du Parlement a planché pendant presqu’un an pour imposer des amendements contraignants, jusqu’à ce que la protection des migrants, envisagée par le Conseil comme une simple conséquence d’Eurosur, soit élevée au rang d’objectif : la protection des migrants est ainsi devenue le troisième objectif du dispositif après la réduction de l’immigration clandestine et la lutte contre la criminalité. Paradoxalement, cette nouvelle responsabilité de Frontex et de son système d’information Eurosur justifie formellement les appels à renforcer les moyens de Frontex lors des drames.

La surveillance aux frontières est devenue une activité profitable.

Voir et sauver, surveiller et sauver, s’agit-il d’une contradiction, d’une réalité ou d’un effet de langage ? Après le vote du 10 octobre 2013 sur la mise en œuvre d’Eurosur, il n’a pas fallu plus d’un mois pour que le système devienne opérationnel : il ne restait plus qu’à écrire le communiqué de presse. En effet, le développement du pilote est financé depuis 2008 par la Commission, et son fonctionnement dépend de nombreux autres projets, dont une grande partie est financée dans le cadre du 7e programme de recherche et de développement technologique de l’UE : Perseus et Closeye. La migration devient une question de sécurité. Une politique migratoire commune à l’échelle de l’Europe se met lentement en place, en lien étroit avec la politique de surveillance. Or la sécurité est un business qui rapporte. Claire Rodier démontre dans Xenophobie Business comment la surveillance aux frontières est devenue une activité profitable. C’est aussi le terrain de prédilection pour tester de nouvelles technologies, entre engins de guerre et technologie de surveillance, dont l’exemple le plus spectaculaire est sans doute le drone. L’agence Frontex figure tour à tour, à elle seule, la politique migratoire de l’Europe et la surveillance aux frontières. Elle est parfois incarnée par le simple garde-frontière italien ou espagnol, et parfois par l’Europe entière, parfois identifiée à une poignée de fonctionnaires rébarbatifs et impuissants, parfois à tout un arsenal déployé aux frontières extérieures. Elle est celle par qui les drones arrivent en Europe, et la victime sacrificielle que les politiques livrent aux média au lendemain d’un drame. Le budget de Frontex est passé de 6,5 millions d’euros en 2005 à 86 en 2012, et Eurosur engage un budget de 224 millions sur cinq ans qui sera bientôt sous l’entière responsabilité de Frontex. Le 10 octobre 2013, quelques jours après la catastrophe, la commissaire européenne aux affaires intérieures, Cécilia Malmström, s’est félicitée du vote d’Eurosur et a mentionné dans son mémo les terribles images de la dernière tragédie survenue à Lampedusa. Elle évoque les 280 cercueils qu’elle a vus la veille sur l’île, qui resteront à jamais gravés dans sa mémoire. Elle termine en louant les nouvelles « possibilités de prévenir la criminalité transfrontière, comme le trafic de drogue ou la traite des êtres humains, mais aussi de repérer les petites embarcations de migrants en détresse et de leur porter secours. » Cette phrase est remarquable : « criminalité », « trafic de drogue » et « traite des êtres humains » d’une part, « secours » d’autre part. Joli jeu que cette liste aride aux connotations policières contrastant avec l’évocation des petites embarcations. Glissant d’un terme à l’autre, Frontex s’habille et se pare, mi bras armé, mi défenseur de l’opprimé.

Frontex perpétue une mise en scène des migrations en Méditerranée, dramatisant toutes les facettes imaginaires d’une frontière, image ou mirage au sud de l’Europe. De fait, il est logique que Frontex incarnant la politique migratoire de l’Europe produise un imaginaire de ses frontières. Quelle politique migratoire pourrait faire abstraction des imaginaires de soi et de l’autre ? L’aberration réside moins dans ces déplacements de sens que dans la posture affichée des gouvernants, qui prétendent s’en tenir à une position pragmatique, alors que le sujet engage évidemment le symbolique. Avec Frontex, on touche à la fois à une politique migratoire unifiée, à la question de la souveraineté des États et à la conception que l’Europe se fait d’elle-même. Aux frontières, les trois se rejoignent, moins comme déplacement ou cristallisation, que comme identification.

« L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente. »

Au parlement Européen, le débat est limité et les opposants à Frontex n’ont pu avancer ailleurs que sur le terrain humanitaire. Les Verts-ALE, derrière Ska Keller et Hélène Flautre, ont commandité un rapport explicite sur les coûts et les limites du système de contrôle des visas entrées-sorties et sur Eurosur, mais c’est en dehors du parlement qu’elles militent finalement contre l’agence. Aux côtés de Migreurop, ces deux parlementaires participent à la campagne « Frontexit », dont le mot d’ordre est « L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente. » La campagne, commencée à Bruxelles en 2013, a pour horizon l’abrogation de la mission Frontex, et l’arrêt de ces investissements dans le contrôle des frontières, dénoncé comme nocif et contre-productif. Une utopie ? Il est tentant de gueuler : « Mais enfin, les immigrés clandestins sont pour la plupart entrés en Europe avec un visa, puis sont restés au-delà de la durée de validité de leur permis de séjour. Alors que représentent ces quelques milliers de personnes qui tentent de passer la Méditerranée dans des conditions épouvantables ? Un effet médiatique ? » Ewa Moncure, de Frontex, met en avant la souveraineté étatique de ses commanditaires pour parer la critique : « Le respect des droits de l’homme est pour nous fondamental. Nous avons sauvé 16 000 vies en Méditerranée ces deux dernières années. Nos agents sont formés et sensibilisés au respect des droits. Nous ne faisons qu’assister les États, la mission de Frontex est d’ordre technique. » Pour Madeline Garlick, conseillère principale au bureau pour l’Europe du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), « l’agence Frontex n’est pas un État et ne peut donc être tenue pour responsable, en droit, de tout manquement aux droits fondamentaux. » Mais pour Olivier Clochard, président de Migreurop, « Frontex se défausse de ses responsabilités, elle participe à des actions étatiques qui ne respectent pas les droits fondamentaux. Elle est donc responsable au même titre que les États ! »

Le rôle de Frontex est opaque aux frontières. En juin 2013, François Crépeau, professeur de droit international public à Montréal, a présenté ses conclusions aux journalistes, en tant que rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants. Il s’agit d’un rapport sur l’opération Poséidon menée en Grèce par Frontex pour contrôler les routes d’accès par les îles. Le juriste conclut non seulement aux infractions aux droits de l’homme de Frontex, mais aussi au manque de transparence de sa mission et l’accuse d’outrepasser déjà son mandat sans en rendre compte ni au parlement, ni à la commission. Le parlement est-il en mesure de discuter et d’amender la mission Frontex ? F. Crépeau rappelle qu’« il y a 30 ans, personne ne songeait à lier la migration à la sécurité. Ce discours toxique est une invention électorale entretenue par les politiques, au niveau des États. L’Union européenne (UE) peut faire progresser considérablement sa politique migratoire. Depuis le traité de Lisbonne de 2007, le parlement qui est moins dépendant des discours électoraux, la commission et la cour de justice peuvent jouer un rôle. Il y aura des avancées et des reculs et les deux très souvent en même temps ! »

« Il y a entre 1,9 et 3,8 millions de migrants irréguliers et exploités. Si les ONG se battent pour en représenter assez dans les tribunaux nationaux et auprès de la cour européenne de justice, cela aura un effet sur les politiques migratoires. Les tribunaux peuvent faire pression sur les États : “Vous ne pouvez continuer à soutenir des politiques d’exploitation, vous devez faire changer vos politiques migratoires !” »

Silence radio aux frontières : quelques jours après que le drame de Lampedusa ait ému, le 11 octobre 2013, d’autres ont en vain appelé à l’aide. Ce récit est déchirant. Il n’y a pas d’image. Il y a du son. Imaginez un homme sur un bateau où meurent des enfants, pendu à son gros téléphone satellitaire blanc. Son témoignage a été repris in extenso par le journaliste italien Fabrizio Gatti [11], qui ne choisit pas de dramatiser pour ses lecteurs mais de documenter les faits comme l’aurait fait un enquêteur, initiant ainsi une reconstitution à charge. Mohanad Jammo, un homme de 40 ans, directeur du Service des soins intensifs et d’anesthésie-réanimation à l’hôpital public de Ibn Roshd et du Service d’anesthésie et de transplantation rénale à l’hôpital franco-syrien Claude Bernard à Alep, raconte : « J’ai obtenu le numéro italien vers onze heure ce matin là. Une femme a répondu : « Donnez-moi votre position exacte. » Je lui ai donné nos coordonnées géographiques et j’ai dit : “S’il vous plaît, nous sommes en pleine mer sur un bateau, nous sommes tous syriens, beaucoup sont médecins, nos vies sont en danger, le bateau coule.” Je transcris ici les mots exacts : “Nous allons vers la mort, il y a plus de cent enfants à bord. S’il vous plaît, s’il vous plaît, aidez-nous, s’il vous plaît.” Une heure et demie d’attente. Je rappelle à midi trente. La même femme a répondu : “OK, OK, OK” et a raccroché. Puis rien. Il était une heure. J’ai rappelé. La femme m’a mis sur attente et un homme a fini par me reprendre qui me dit : “Écoutez. Vous êtes sous la juridiction de Malte. Il vous faut contacter l’armée maltaise.” Je l’ai imploré : “S’il vous plaît, nous sommes sur le point de mourir”. Il a répondu “S’il vous plaît, appelez vous-mêmes les autorités maltaises. Je vais vous donner leur numéro…” Sur la carte, nous avions vu que nous étions à 230 km de Malte et 100 ou 110 km de Lampedusa. » La conversation a lieu entre le médecin et les services italiens. Il a fallu deux heures avant de parler aux Maltais. 268 des réfugiés syriens sur le bateau sont morts entre temps, parmi eux, beaucoup d’enfants.

L’enjeu serait donc d’entendre sinon de voir la frontière. On a dit que ce drame n’avait pas été relayé dans la presse parce que trop loin des côtes : il n’y avait eu ni images ni cercueils alignés sur les quais de Lampedusa. Mais l’article du journaliste a une portée considérable. Il initie un processus qui doit mener aux tribunaux. Outre Mohanad Jammo, deux autres témoins sont en effet cités dans cet article, qui souhaitent obtenir l’ouverture d’une enquête par le système judiciaire italien. Est-ce devant les tribunaux que la critique du rôle de Frontex et de la surveillance peut aboutir ?

Le dernier scénario contradictoire illustre le rôle fondamental des tribunaux pour les quelques cas qui y aboutissent. Au réseau coûteux d’images et d’information mis en place par Frontex répond le réseau oral de Mussie Zerai, prêtre érythréen auquel la journaliste Carine Fouteau a donné le beau nom d’« ange gardien » des migrants [12]. « Son téléphone sonne. C’est Ghirma, l’un des neuf survivants d’une odyssée mortelle en mars 2011. L’embarcation, un canot pneumatique, quitte les côtes libyennes le 27 avec 72 personnes à bord, des hommes, des femmes et des enfants fuyant la guerre et les traitements réservés aux Africains subsahariens. Dans le rapport d’enquête que le Conseil de l’Europe a consacré à ce drame, le nom de Mussie Zerai apparaît dès les premières lignes. C’est lui que les naufragés contactent en premier, c’est lui qui lance l’alerte initiale auprès des gardes-frontières italiens. » Mussie Zerai, fondateur d’une association d’aide aux migrants, souligne encore : « Cette affaire n’est que la partie émergée de l’iceberg. On ne compte plus les tragédies similaires du fait du non-respect des lois internationales. En 2011, les forces de l’OTAN avaient un mandat précis : protéger les civils. Elles n’ont pourtant pas secouru les personnes en détresse à bord de ce bateau. » Deux survivants de ce zodiac, que la presse anglaise et la BBC ont qualifié « left-to-die boat », ont porté plainte contre X, le 18 juin 2013 à Paris, pour non-assistance à personne en danger. Dans cette affaire, l’armée française est sérieusement mise en cause. La justice française a rendu un non-lieu le 6 décembre. Les plaignants ont immédiatement fait appel de cette décision. Déjà la Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée sur le mépris et l’indifférence réservés par l’Italie aux migrants qui tentent de gagner l’Europe par la mer. Dans son arrêt Hirsi Jamaa contre Italie, rendu le 23 février 2012, elle a pour la première fois appliqué la règle de non refoulement d’étrangers interceptés en mer à un bateau arrêté en dehors des eaux territoriales. C’est le respect de cet arrêt, et donc du principe de non refoulement, par les autorités frontalières et Frontex en particulier, qui est en jeu dans chaque cas porté devant les tribunaux. C’est donc aussi une remise en cause du changement de paradigme qu’est l’externalisation des frontières de l’Europe vers la rive sud de la Méditerranée.

Un film Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir

Mon film prendra pour objet la mise en scène de cette frontière ; il faut que ce film pose une question de mise en scène : comment le drame peut-il nous affecter ? Ce drame, le drame de chaque embarcation perdue en mer Méditerranée où meurent des migrants qui tentent d’atteindre les côtes européennes, fonctionne comme une scène originelle. Dans la scène telle que je me l’imagine à ce stade de l’écriture, la mer est presque dénuée d’affect : elle est abstraite, filmée à la verticale. Une personne y apparait comme sa projection sur la mer : un point. Les voyageurs n’ont plus guère d’humanité. Même en utilisant une technologie sophistiquée, même à haute résolution, en image et en couleur, cette représentation ne semble pas porter en elle le moindre effet, la moindre mise en scène, la moindre esthétique : la mer est simplement scrutée de haut par les drones de Frontex. La mer telle qu’elle est saisie par les drones est muette ; au son, pourtant, le film construit dans cette scène un ailleurs : la conversation d’un homme utilisant un gros téléphone satellitaire pour répondre à un migrant en détresse. Cette scène fonde l’interrogation principale du film. Alors que les drones scannent l’immensité, un migrant, connecté, puisqu’il a un téléphone, est abandonné à son sort, une nuit qu’on entendait la mer sans la voir. Le film se déploie comme la déconstruction rêveuse de cette scène contradictoire où la technologie la plus sophistiquée semble mettre à distance la souffrance de personnes qui décrivent concrètement la situation dans laquelle elles sont et émettent une demande simple et pourtant inaudible : aidez-nous, sauvez-nous, accueillez-nous.

L’œil du drone tient d’une esthétique : sentir comment cette image filmée par les drones à des fins de surveillance produit en vérité des affects. Elle a une puissance de fascination, mais aussi une beauté abstraite et porte en elle une dimension dramatique inexplorée. Pourtant c’est en creux qu’elle devient la plus troublante, dans la mesure où elle retire quelque chose de l’ordre de la représentation humaine, en transformant en point, en tache, ceux qu’elle est censée faire voir, surveiller ou sauver. Une image peut-elle sauver ?

La mise en scène du drame devient un symptôme : situer cette scène comme l’expression de deux volontés contradictoires, l’une qui sauve et l’autre qui exclut dans le même geste et en deux temps. En braquant sur ces « hommes-points » les caméras de surveillance, ne désigne-t-on pas déjà ces personnes comme dangereuses, potentiellement menaçantes ? Dans le même mouvement mais en un second temps, ces images ont une portée opérationnelle puisqu’elles suscitent une décision ou un geste. Deux temps : celui de la surveillance avec ces longs moments d’attente, ces temps vides, ces temps « morts » entre deux images de quelque chose qui ne soit pas la mer, et puis le second temps, celui de la décision, de l’action qui pourrait aussi être inaction. Celui-là est rapide : on y lit l’image pour l’interpréter et pour décider — qui sont ces gens, que font-ils et de quoi ont-ils besoin ? Que sommes-nous prêts à faire pour eux ? Pourquoi ? La tension symptomatique présente dans la scène est au cœur de la représentation de soi de l’Europe lorsqu’elle se définit par ses frontières au travers de sa politique migratoire. Dès lors, le film doit s’intéresser au contexte social, politique et technique qui sous-tend cette mise en scène particulière du drame.

Les frontières sont des lieux habités. Créer des images pour mettre en crise la mise en scène du drame. Au centre, des hommes et des femmes s’intéressent activement aux décisions prises dans le cadre des politiques migratoires en relation avec le drame : ce sont des fonctionnaires européens, des gardes-côtes, des hommes et femmes politiques ou des militants, et bien sûr les migrants eux-mêmes. Ils choisissent la caméra pour faire voir et entendre. C’est en se focalisant sur le destin d’un seul bateau perdu au large de Gibraltar ou de Lampedusa, le « cas x », que le film explore les ressorts affectifs de la représentation du drame. Il fonctionne dès lors comme une double enquête : d’une part, établir les faits, nommer les responsables, produire les preuves et d’autre part, chercher un survivant pour témoigner devant les tribunaux. Le film montre la réalité de la surveillance aux frontières et fait entendre celle du parcours d’un survivant. Au fur et à mesure que les deux enquêtes progressent, elles se rejoignent avec un objectif commun : mettre en question la politique migratoire de l’Europe pour se donner les moyens d’en finir avec ces morts. Mettre en crise un modèle de migration qui profite aux industries de l’armement d’une part : le drone est à la fois une image toxique et un engin qui rapporte. Faire entendre la voix des survivants, comme sujets engagés d’autre part. Le film ouvre un interstice, espace strié de la Méditerranée sous l’œil des drones, corps pensants habitant les lieux de frontière, peuples des frontières ; le film marque un temps de parole mis en scène par ceux qui la prennent, où entre fascination et rencontre, la migration, les migrants et les personnages font des vagues. Ces vagues dont la description par Léonard de Vinci dans ses carnets donne envie de faire une métaphore du mouvement des idées, des images, des corps, et le mouvement même du film : « La vague est percussion réfléchie et sera plus ou moins grande selon que la percussion est plus ou moins forte. Une vague ne se rencontre jamais seule, mais mélangée avec d’autant plus d’autres que le lieu où elle se produit présente plus d’inégalité. […] D’innombrables vagues recouvrent la plus grande, qui se meuvent en sens différent ; leur profondeur varie selon que les engendre une puissance plus ou moins grande. […] Toutes les impressions causées par la percussion des choses sur l’eau, peuvent se pénétrer sans se détruire. Une vague ne pénètre jamais l’autre ; elles se bornent à reculer après le choc [13]. » Sans parler de choc, cette année sera critique pour la surveillance et la politique migratoire pour au moins trois raisons : Eurosur est en place et ouvre de nouvelles possibilités aux États et à Frontex, le drame de Lampedusa a fait événement en octobre 2013, et les élections européennes se tiennent au printemps. Il y a donc urgence.

La campagne Frontexit se poursuit. Le Gisti, Forensic Oceanography et WatchtheMed travaillent à ouvrir devant les tribunaux et la Cour européenne des droits de l’Homme d’autres cas comme celui du bateau érythréen « left-to-die ». Ils souhaiteraient donner une traduction judiciaire au cas du bateau syrien, dont les morts sont passés inaperçus à Lampedusa en octobre dernier. En juin 2014, le conseil de l’Europe se réunira pour discuter de la direction de la politique migratoire. Frontex verra-t-il son budget croître ? Des alternatives — couloirs de protection en Méditerranée ou discussions sur les accords de Dublin — pourront-elles être envisagées ? La stratégie d’externalisation au-delà des frontières de la politique migratoire se perpétuera-t-elle ?

Le film Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir répond à une sorte d’urgence : voir la frontière telle qu’elle s’imagine, rendre visible ceux qui y vivent, faire assez de vagues pour créer un temps — fût-il un temps documentaire et cinématographique — où les questions suscitées par la politique migratoire de l’Europe prennent corps.

Quels sont ces bruits sourds ? 

Ecoutez vers l’onde 

Cette voix profonde 

Qui pleure toujours 

Et qui toujours gronde, 

Quoiqu’un son plus clair 

Parfois l’interrompe…
—
Le vent de la mer 

Souffle dans sa trompe.
Extrait de Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir, Victor Hugo, in Les Voix intérieures.


L’agence Frontex a été créée le 26 octobre 2004 par le Conseil de l’Union européenne. Basée à Varsovie depuis 2005, elle « promeut, coordonne et développe la gestion des frontières européennes » avec l’ambition de les sécuriser et d’empêcher toute entrée illégale. Elle mène des opérations aux bords terrestres, maritimes et aériens de l’Europe, organise les retours des clandestins, assure la formation des gardes-frontières, collecte les informations pour produire des rapports d’analyse de risques qui vont décider du lieu de déploiement des opérations à venir.

Pour protéger les 42 000 km de côtes, 9 000 km de frontières terrestres et 300 aéroports internationaux de l’UE, Frontex dispose en 2007, grâce à la participation de 21 États membres, de 21 avions, 27 hélicoptères, 116 navires, et d’unités de radars mobiles, entre autres technologies. Dans cette course à l’équipement, l’achat de drones, ultime réussite technologique en matière de surveillance, semble logique. Depuis 2008, cette technologie est assortie d’un système informatique ultra performant, Eurosur. Opérationnel depuis fin 2013 et prévoyant un budget d’au moins 224 millions d’euros de 2014 à 2020, ce « système des systèmes », supervisé par Frontex représente un pas en avant permettant la mise en commun des données. C’est précisément dans ce cadre que les images des futurs drones seraient accessibles.

Post-scriptum

Depuis l’écriture de cet article, et alors que la conception du film s’affine, Frontex a annoncé l’opération Triton de surveillance en mer Méditerranée entre Lampedusa et la Libye, en octobre 2014 avec le déploiement de deux bâtiments de patrouille, deux navires côtiers de patrouille, deux navettes, deux avions et un hélicoptère, représentant un budget de 2,9 millions d’euros par mois. L’opération a pu être annoncée comme faisant suite à l’opération Mare Nostrum, organisée par l’armée italienne, officiellement, pour sauver des vies après les naufrages de octobre 2013. Frontex pourtant répète que sa mission est avant tout, le contrôle des frontières, et accessoirement, les sauvetages en mer.

De Mare Nostrum, on ne sait pas encore le destin. L’opération a en tout cas justifié l’expérimentation de drones en Méditerranée : le Prédateur d’abord, le Camcopter S100 ensuite. Clairement, l’observation aux abords des côtes libyennes faisait partie des objectifs de cette mission. (http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=13442)

D’ailleurs, si Mare Nostrum a officiellement secouru de nombreuses embarcations, dans le même temps, on a vu le nombre de morts en mer Méditerranée augmenter. L’IOM estime le nombre de morts à plus de 3000 en 2014, contre 700 en 2013 et réévalue le nombre de disparus depuis 20 ans à plus de 40,000, soit 8 par jour. Pour mémoire, 3 millions de Syriens ont fui leur pays depuis 2011.

Voir : Amnesty International : http://www.amnesty.org/en/news/death-toll-mediterranean-rises-while-europe-looks-other-way-2014-09-30

Le rapport de l’Office International des Migrations : http://www.iom.int/files/live/sites/iom/files/pbn/docs/Fatal-Journeys-Tracking-Lives-Lost-during-Migration-2014.pdf

Notes

[1La condition cosmopolite. L’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire, La Découverte,2013.

[2Federica Sossi, « Une tragédie en trois actes », Vacarme 37, 2007.

[3Claire Rodier, « Frontex, la petite muette », Vacarme 55, 2011.

[4Wendy Brown, Murs : Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, Les Prairies ordinaires, 2009.

[5Pacte européen sur l’immigration et l’asile, octobre 2008.

[6La Croix, 4 octobre 2013.

[7Datée du 2 octobre 2013, c’est-à-dire la veille du naufrage du 3 octobre à Lampedusa.

[8Premier budget : 12 millions d’euros financés dans le cadre du 7ème programme-cadre de recherche et développement de la Commission européenne, pour un projet qui réunit le ministère de l’Administration interne portugaise, l’Agence spatiale italienne, le Centre satellitaire de l’Union européenne, la société publique espagnole d’Ingénierie des systèmes pour la défense de l’Espagne (ISDEFE) et le ministère de la Défense italien, sous la supervision du ministère de l’Intérieur espagnol.

[9Eurosur, dit « le système des systèmes », met en réseau à l’échelle de l’Europe les données et les informations recueillies aux frontières.

[10Règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004.

[11Dans le journal italien L’Espresso, daté du 11 octobre 2013.

[12« Mussie Zerai, l’ange gardien de ceux qui tentent de traverser la Méditerranée », Médiapart, 12 Juin 2012.

[13Les Carnets de Léonard de Vinci, « Des vagues », Gallimard 1942, Collection tel 2004, p.8-9.