à l’italienne

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Au creux de l’abattement, la gauche française s’est tournée vers l’Italie. Vieux réflexe : « l’anomalie italienne » a toujours servi, en France, de modèle de crise, et notre situation électorale n’a pas fait exception. Vue de l’extrême-gauche, l’Italie comme désir : entre les deux scrutins, Olivier Besancenot assumait explicitement l’espoir d’un troisième tour social « à l’italienne », inspiré de la manifestation (monstre) du 23 mars et de la grève générale (réussie) du 16 avril contre les menaces d’abolition des protections salariales. Vue de la gauche sociale-démocrate, l’Italie comme repoussoir : quoique plus timidement, François Hollande dénonçait, de son côté, une « droite en cours de berlusconisation. »

Nous avons ressenti le besoin d’aller y voir de plus près. D’abord en indignés. Indépendamment de la pertinence de ces parallèles, ils sentaient trop la stratégie, et pas la plus glorieuse : du côté de la LCR, une politique du pire à peine masquée (peut-on décemment désirer l’Italie de Berlusconi ?), du côté du PS, une hypocrisie fantastique (a-t-on le droit d’agiter l’épouvantail berlusconien sans s’opposer réellement à la droite française sur les terrains où elle lui ressemble le plus ?). Et puis en ignorants. C’est de ne rien connaître à l’Italie, au fond, qui nous expose à sa puissance métaphorique. D’où les trois textes qui suivent, écrits par trois Italiens. Francesco Giorgini, journaliste à Paris, décrit la situation italienne telle qu’elle s’organise, pour lui, depuis la distance et la familiarité ; Rosana Rossanda, figure historique du communisme critique, co-fondatrice du Manifesto, répond à nos questions sur la recomposition de la gauche italienne ; et Paolo Testa, syndicaliste, décrit le front de classes très massif qui s’est reconstitué autour du « Statut des travailleurs ». Où l’on vérifie que l’Italie vaut le détour, c’est vrai, à condition de passer de la métaphore à la comparaison, de l’idéologie au détail.

Redouter la berlusconisation des droites françaises ? Soit, pourvu qu’on identifie exactement, en même temps que les écarts, les terrains du rapprochement, c’est-à-dire les fronts où il faudra l’empêcher : maintien de l’ordre érigé en politique sociale, précarisation systématique du travail, contrôle et usage décomplexés des moyens d’information, etc. Se préparer à un troisième tour social ? Bien, pourvu qu’on se demande s’il existe, en France, des forces susceptibles de l’emmener (or ATTAC n’est pas le mouvement « no global », la CGT n’est pas la CGIL, et qui sont nos « girotondi » ?) ; si l’on n’oublie pas que le mouvement du 23 mars n’a encore rien gagné (c’est au contraire Berlusconi qui a réussi, pour l’heure, à diviser le front syndical) ; si l’on mesure la dureté probable du conflit que l’on prend pour modèle (un face-à-face gouvernement /grévistes, sans intervention, pour l’instant, de la gauche parlementaire) - bref, si l’on s’y prépare comme à une pénible nécessité, pas comme à une joyeuse résurrection.