la « scène » du crack

Lieu de vente, de consommation, d’affrontement

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La géographie du lieu, agrégat de petits passages où les squats sont aisés, a conduit à Stalingrad des usagers de drogues qui en ont fait un espace de trafic et de consommation. En 1993 une partie des habitants réagissent contre cette “occupation” du quartier. Depuis, la question de la gestion de la toxicomanie est au cœur des affrontements et des débats politiques qui mobilisent associations et pouvoirs publics.

une « cuisine » simple

Dès 1991, apparaît une nouvelle drogue à Paris, ou plutôt une nouvelle méthode pour consommer de la cocaïne : le crack. Sa « cuisine » est rapide et aisée : en chauffant une solution de bicarbonate et de cocaïne, on obtient des petits cristaux que l’on allume au bout d’une pipe, en verre de préférence. L’avantage, dit-on, pour le consommateur, serait de fumer un concentré de produit, où le pourcentage de « coupe » a diminué après la transformation ; mais la puissance de l’effet tient avant tout à son mode d’inhalation. Le nom « crack » est l’onomatopée du petit bruit craquant, du grésil-lement qui a lieu quand on l’allume. La plupart des épiciers de nuit du quartier se sont mis à vendre des doseurs à pastis, pipes d’un verre assez résistant, idéales pour le fumeur de crack qui se déplace d’une rue à l’autre...

le crack relance le « biz »...

Bien souvent, les dealers ne consomment pas ce qu’ils vendent. Certains ne consomment jamais, d’autres consomment après le « travail ». La raison en est simple : les gens qui fument du crack ont généralement une consommation si effrénée qu’ils ne peuvent pas « faire du business ». De fait, les intermédiaires sont presque toujours des consommateurs fauchés qui « travaillent » pour les vendeurs en gros ou demi-gros. Les gros dealers, qui approvisionnent les revendeurs, consomment eux aussi rarement dans ces rues.

Le début des années 1990 marque un tournant pour le marché des drogues dans la capitale : l’arrivée du crack pallie une cocaïne chère et souvent de mauvaise qualité, alors que le marché de l’héroïne vivote sur une population vieillissante, après le boom connu pendant la décennie précédente. Deux catégories d’usagers connaissent donc un engouement pour le crack, qui apparaît en 1991, d’abord à Stalingrad. Beaucoup d’héroïnomanes se tournent vers ce nouveau produit qui leur procure un effet puissant rappelant le « flash » des premiers shoots. Les jeunes « défoncés » y voient de leur côté une alternative possible à l’héroïne : ils ont vu leurs aînés mourir d’OD (overdose), dans l’hécatombe qui a frappé les injecteurs, infectés par le VIH à plus de 80% au début des années 1980 (avant 1987, date de la mise en vente libre des seringues). Bien souvent, ils ne tiennent pas non plus à employer le mot « crack » mais lui préfèrent le terme « caillou », ou parfois « free base », comme pour mettre à distance les images terrifiantes véhiculées par des médias relatant avec emphase la « véritable épidémie » de crack apparue aux USA au milieu des années 1980 [1] : une « drogue qui vous accroche immédiatement ; dès la première fois, c’est à vie... ». L’image est restée tenace pour beaucoup, qui expliquent aujourd’hui que ce qu’ils fument « n’est pas le crack des États-Unis, ça n’a rien à voir ».

« À la Rotonde », une consommation effrénée

Stalingrad devient vite le centre du crack à Paris. La nuit, la place de la Rotonde, en tête du bassin du canal de l’Ourcq, voit circuler plusieurs centaines d’amateurs de « caillou ». Chaque soir les briquets brillent depuis le boulevard de la Villette : il faut allumer le « caillou » sur une petite grille pour en inhaler la fumée. Sensation immédiate : bouffée de chaleur, tachycardie, excitation et « des images qui défilent à cent à l’heure ». Mais après une dizaine de minutes (beaucoup moins quand le consommateur fume depuis longtemps), l’effet chute et laisse place à une seule pensée, celle de rallumer le doseur et de reprendre une « taffe ».

Le discours commun sur le crack dit donc vrai quand il affirme que ses consommateurs continuent à acheter et à fumer tant qu’ils ont de l’argent et qu’ils ne sont pas épuisés. Mais rien ne dit qu’ils reviendront le lendemain. Certains viennent tous les soirs, d’autres seulement le samedi, d’autres une fois par mois. Après un long sommeil, on peut reprendre une vie « normale », malgré la fatigue et la déprime des deux ou trois jours suivants. Seuls les plus marginalisés restent sur place. On dit aussi que ce produit est particulièrement violent, mais le cliché est imprécis : le crack produisant une forte excitation, son effet peut aussi bien être euphorique, si l’environnement est agréable, que franchement violent, si le fumeur est stressé ou se sent agressé... Or, qui fume dans la rue un produit illicite se sent en danger, entre les rondes de police et les arnaques sur la qualité et la quantité des produits. Des bagarres éclatent. Les intervenants en toxicomanie s’ac-cordent à dire que la « scène » de Stalingrad est bien plus violente que celles de la Goutte d’Or ou de Marx Dormoy. C’est cette violence qui a suscité les réactions des riverains.

des mobilisations d’habitants réclamant la répression

En 1993, commerçants et habitants se mobilisent auprès des autorités municipales pour réclamer une présence accrue des forces de l’ordre. La mairie du 19ème semble découvrir peu à peu le problème : « l’insécurité » s’accroît dans le quartier, sentiment autant causé par le spectacle de la « scène » que par la petite délinquance qui en découle : petits larcins, prostitution, liés au coût de la consommation. Les équipes municipales des arrondissements limitrophes et de la mairie centrale, alors aux mains de la droite, font pression sur le ministère de l’Intérieur pour qu’il augmente la présence policière. Charles Pasqua, partisan de la méthode forte, fait stationner des CRS dans les quartiers « chauds », généralise les contrôles d’identité et les interventions musclées des Brigades Anti-Criminalité (BAC). Cette présence accroît la tension dans le quartier : certains sont rassurés, mais d’autres vivent dans la crainte et se cachent. Des commerçants, pour certains à l’origine des mobilisations, quittent le quartier ; le marché immobilier s’effondre ; les classes moyennes s’en vont. Les usagers évitent de se rassembler, changent plus fréquemment d’endroit : la « scène » s’élargit aux rues adjacentes au secteur de la Rotonde.

En 1994 une nouvelle manifestation au métro Stalingrad interpelle les autorités municipales, réclamant des forces de police une politique ferme « contre la drogue ». La sociologue Anne Coppel [2], qui travaille à la prise en charge des usagers de drogues dans un autre secteur, prend la parole pour expliquer que la réponse ne peut être seulement répres-sive, puisqu’il s’agit d’abord d’un problème sanitaire et social. Elle est huée et priée d’aller aider les toxicomanes plus loin. Dans la foule, Roger Madec, dirigeant de l’opposition socialiste à la mairie du 19ème, retiendra cette intervention publique.

La mairie de Paris finira par trouver une ultime « parade » à la concentration des consommateurs habitués des arches de la Rotonde en y installant des forains. Ce sont eux qui vont désormais empêcher les toxicomanes d’y stationner pour y faire tourner manèges, cirque et baraques - employant à l’occasion des méthodes musclées pour prendre véritablement possession du lieu...

éparpillement et répression des usagers

Cette décision a l’effet d’un coup de pied dans une fourmilière : les lieux de consommation se dispersent et se reforment un peu plus loin. Les CRS ou les BAC qui parcourent les rues forcent les usagers à se déplacer sans trêve... Les intervenants en toxicomanie rapportent que certains marchent jusqu’à cinquante kilomètres par nuit, les pieds parfois en sang, insensibles à la douleur et à la fatigue quand ils sont sous l’effet du produit. Et comme ailleurs, la répression trouve rapidement ses limites. Seules les BAC opèrent sur plusieurs arrondissements, les Brigades de nuit n’agissent que sur un arrondissement, explique le commissaire Maucourant [3], responsable du 3ème secteur de la capitale (10ème, 18ème et 19ème), chargé de coordonner tant bien que mal les équipes de policiers qui traquent notamment les scènes de consommation ; or les usagers passent constamment de l’un à l’autre. Les interpellations sont nombreuses, dans le 19ème plus que partout ailleurs à Paris, mais elles donnent rarement lieu au déclenchement de procédures : en 2001, près de 85% des huit cents « dealers » interpellés dans le 19ème n’étaient au fond que des « usagers-revendeurs », difficiles à poursuivre à ce titre, concède ici aussi le commissaire Maucourant. Les saisies, de leur côté, bien qu’en nombre important, représentent au total des quantités très faibles. La répression vise de fait essentiellement les usagers de drogues en grande précarité, obligés de « vendre pour leur conso ». Et le commissaire de conclure que le problème de la drogue est un « vaste problème » et son marché « un champ infini » : ses services tentent bien de « diluer le phénomène pour le rendre supportable pour les riverains, mais... c’est un peu le tonneau des Danaïdes ».

2003. une expérience lancée par la mairie du 19ème

Les campagnes électorales sont des périodes de forte présence policière dans les quartiers où la « sécurité » représente un thème central du débat public, mêlé à des enjeux politiques importants. Ce fut le cas pendant l’année 2000 et le premier semestre 2001, en particulier à la Goutte d’Or et dans le reste du 18ème : le ministre de l’Intérieur était alors Daniel Vaillant, ancien maire de l’arrondissement et député de la circonscription qui s’étend de la Goutte d’Or à la moitié ouest du 19ème arrondissement ; Christophe Caresche, son adjoint, était chargé de la sécurité à la mairie du 18ème (il occupe aujourd’hui cette même fonction à la mairie de Paris), et Bertrand Delanoë et Lionel Jospin furent eux aussi élus de cet arrondis-sement ; à droite, Roxane Decorte, derrière Philippe Séguin, se présentait aux mêmes municipales. La compétition était donc âpre, et les cars de CRS en station permanente à la Goutte d’Or.

Les usagers de drogues retournèrent donc à Stalingrad, provoquant une nouvelle mobilisation des riverains, avec la création du Collectif Anti-Crack (CAC), dont l’une des actions-phares prit pour nom la « tournée des pères de famille de Stalingrad ». Fortement médiatisée, celle-ci consistait à aller au-devant des usagers de drogues pour « leur demander l’abstinence » (sic). Dans les faits, elle tentait plutôt de « pousser le mal un peu plus loin ». La tension étant à son comble, le CAC exige et obtient assez vite une intervention musclée de la police. Roger Madec, maire du 19ème arrondissement depuis 1995, réélu en 2001, que nous avons rencontré, reconnaît qu’au départ « la forte couverture médiatique dont a bénéficié le Collectif Anti-Crack a permis d’obtenir une présence accrue de forces de police, de jour comme de nuit, qui a porté ses fruits » : les usagers de drogues ont été contraints d’aller fumer plus loin... Mais, ajoute-t-il, l’action, menée sur près d’une année, a aussi contribué « à dégrader encore un peu plus l’image du quartier. Les gens se sont mis à en parler comme de Chicago, sans même y avoir mis un pied »... Le CAC a refusé toute solidarité et toute compréhension envers le problème des toxicomanies de rue ; plus grave encore, ses arguments - simplistes - mettent en cause une politique de « réduction des risques » (voir encadré page 119) difficilement mise en place depuis une dizaine d’années. Au printemps 2002, la violence de son discours conduit l’association de lutte contre le sida Act Up-Paris à réagir ; prenant la défense des usagers qui fréquentent le quartier, et soutenant la réduction des risques, elle contribue à la création d’un autre collectif, « Stalingrad Quartier Libre ». Les op-positions politiques se sont exacerbées tout au long de l’année, dans un quartier peu habitué aux mobilisations citoyennes. Le CAC proclamera son auto-dissolution quelques mois plus tard sans pour autant véritablement baisser la garde [4].

« ouvrir une concertation avec les habitants »

Cherchant à calmer les esprits, « conscient du fait que la seule répression policière ne peut résoudre sur le long terme un tel problème », Roger Madec se tourne alors vers la méthode dite du « jury citoyen ». Initialement vantée par les Verts, celle-ci consiste à réunir un nombre restreint d’habitants tirés au sort pour les inviter à réfléchir, puis à proposer des solutions à un problème délicat. Les recommandations émanant de ce dispositif de démocratie locale pourront être mises en œuvre si le conseil municipal les approuve. L’expérience, rebaptisée à Stalingrad « panel citoyen », échoue à s’associer les mairies des 10ème et 18ème arrondissements : le 18ème concentre déjà l’essentiel des structures d’accueil d’usagers de drogues de la capitale, et le maire du 10ème a subi quelques années auparavant la fronde de certains de ses administrés lors de l’ouverture d’une « boutique » rue Beaurepaire, destinée elle aussi aux toxicomanes. Roger Madec se lance donc seul. Plutôt favorable aux principes de la réduction des risques, il confie à l’une de ses figures, Anne Coppel, le pilotage de cette initiative (voir encadré page 119), tout en estimant, sans doute à juste titre, que « l’ouverture de structures ne peut se faire qu’avec une concertation approfondie avec les habitants du quartier concerné ».

Arrivé à mi-parcours, le « panel citoyen », composé de quatorze personnes, s’est réuni à quatre reprises pour étudier les différents aspects du problème, et auditionner des experts. Le commissaire Maucourant et un brigadier ont décrit les méthodes de répression du trafic et de l’usage sur leur secteur, ainsi que les investigations menées par la police de proximité. Des associations de réduction des risques ont présenté leur travail et tenté d’expliquer la situation des usagers de drogues qui fréquentent leurs structures. La dimension du soin a elle aussi été abordée. Alors que la plupart des membres du « panel citoyen » ne connaissaient de cette population que les pratiques « déviantes », une marginalisation et une précarité extrêmes déclenchant la peur et l’ignorance, ces sentiments commencent à s’estomper. Tous apprennent à appréhender une réalité sociale dans sa globalité. Lors des premières soirées thématiques, ayant entendu le témoignage de travailleurs sociaux, même les plus farouches partisans d’une répression tous azimuts et d’une politique de soin obligatoire pour les toxicomanes en errance ont fini par admettre que la prison n’était pas une solution efficace, et que d’autres devaient être imaginées.

Sans préjuger des futures conclusions de ce Comité Citoyen, on peut espérer que cette expérience permette aux différentes sensibilités de s’exprimer, que les désaccords s’y confrontent, et que la légitimité des programmes de réduction des risques apparaisse : celle d’outils dotés de leur efficacité propre, situés en amont des programmes de soins plutôt que s’y opposant, susceptibles de venir s’intégrer dans une chaîne thérapeutique. Outre une démarche de démocratie participative locale, s’élabore donc une forme d’éducation populaire, sur un sujet sensible où les préjugés sont tenaces. Et si les oppositions aux politiques de réduction des risques s’amenuisent, la mairie du 19ème ne pourrait-elle proposer un dispositif audacieux ? Puisque les habitants se plaignent d’être confrontés au « spectacle » d’une consommation de drogues exposée à leurs regards, pourquoi ne pas envisager l’ouverture d’un lieu d’accueil « bas seuil » [5], où les usagers pourraient se soustraire à la rue et être accueillis pour traiter leurs problèmes de logement, de santé, accéder à dif-férentes prestations sociales ? Ne peut-on imaginer un hébergement d’urgence, ou l’ouverture d’un lieu de consommation ? Les exemples de la Suisse ou des Pays-Bas montrent que les habitants des grosses métropoles de ces pays ont fini par accepter pragmatiquement ce type de structures - simplement pour préserver parfois la tranquillité de leur environnement immédiat. Des espaces qui semblent choquer aujourd’hui en France préservent pourtant les lieux publics...

chacun mène sa barque...

Si cette expérience locale conduit les habitants du quartier à débattre, on peut s’interroger en revanche sur ses débouchés concrets. Aujourd’hui les différents acteurs ou décideurs semblent chacun s’observer et attendre que le voisin s’engage le premier. Tout d’abord, une véritable coordination des actions fait défaut dans le nord-est parisien. Véronique Dubarry, conseillère de Paris et élue (Verte) du 10ème arrondissement déléguée à la Sécurité et à la Prévention, regrette qu’il « n’y ait pas de travail en commun sur la toxicomanie, entre arrondis-sements ». Le 18ème dispose déjà d’un bon nombre de structures et s’est doté depuis quelques années d’une Coordination Toxicomanie 18, qui lui permet de couvrir son territoire et d’harmoniser ses actions. Elle accomplit un travail très important, sur la « scène » de la Goutte d’Or notamment, et dispose d’une équipe de rue pour aller à la rencontre des usagers. Mais son action s’arrête à la frontière du 19ème, aborde à peine la rue d’Aubervilliers et ne couvre donc que la moitié de la « scène » de Stalingrad ! On peut s’étonner qu’entre maires socialistes, aucune coopération ne se mette en place, mais « chacun mène sa barque comme il l’entend », nous a déclaré Roger Madec. Le 10ème arrondissement comprend lui aussi des structures d’accueil d’usagers de drogues. Pourtant bien moins nombreuses qu’ailleurs, Tony Dreyfus le maire s’en tient à la prudence. Il se souvient en effet d’un conseil municipal en 1998, en plein cœur du conflit autour du centre Beaurepaire, où les élus durent être protégés par les CRS. Et préfère donc, probablement, faire défection à la « scène » de Stalingrad.

Les maires d’arrondissement ont par ailleurs des pouvoirs assez limités. Toute politique publique en matière de drogues relève en effet des compétences de l’État : quand bien même la mairie du 19ème prendrait en compte les recommandations de son Comité Citoyen, elle dépendrait du bon vouloir du ministère de la Santé, sans l’agrément duquel aucune structure ne peut ouvrir. Or on chuchote dans les couloirs de la mairie de Paris, comme dans ceux de la mairie du 19ème, que l’État n’a aucune envie de financer des structures à Paris. D’abord parce que la capitale en a déjà plus que tout autre département (mais concentre également plus de problèmes urbains, pourrait-on rétorquer, au nombre desquels la toxicomanie de rue). Ensuite pour des raisons politiques, le gouvernement Raffarin ne voulant pas faire de cadeau à l’équipe dirigée par Bertrand Delanoë...

Enfin, bien que le dispositif d’accueil des usagers de drogues soit aujourd’hui menacé par la réduction des budgets de l’État, la Ville de Paris ne semble pas vouloir accroître son effort. Si chaque maire « préfère travailler sur son propre territoire », nous a expliqué Mireille Riou, conseillère d’Alain Lhostis, le maire adjoint à la Santé de l’Hôtel de Ville, « la Ville ne souhaite pas imposer depuis la mairie centrale des solutions qui doivent être à l’écoute des habitants ». La seule réalisation prévue dans la capitale est l’ouverture prochaine dans le 2ème arrondissement, à l’attention des usagers qui stationnent dans le quartier des Halles, d’un centre articulant le soin à l’accueil « bas seuil », sous l’égide de SOS Drogue International - une grosse association, déjà gestionnaire de deux des structures les plus actives dans le 18ème arrondissement, la « boutique » et le « sleep-in ». Encore ne s’agit-il pas vraiment d’une nouvelle structure, plutôt du déménagement d’un programme anciennement installé dans le 11ème arrondissement. Mireille Riou est claire : non seulement tout « dépend de la volonté des maires de s’engager ou non sur cette question », mais « la Ville de Paris ne souhaite pas non plus se substituer à l’initiative de l’État ». « Si l’État s’engage, alors la Ville suivra ».

Chaque acteur potentiel semble bel et bien attendre de son voisin qu’il lance une initiative, aucun ne paraissant prêt à déclencher une action pourtant nécessaire. On « se renvoie la balle ». Et l’on peut penser que, par delà les déclarations des élus de gauche assurant de leur approche « non policière » de ce problème sanitaire, c’est bien le ministère de l’Intérieur qui, pour l’instant, travaille au quotidien, et investit des hommes et des moyens...

Notes

[1Voir à ce propos En quête de respect, le crack à New York, de Philippe Bourgois, Seuil, Liber, 2001, et l’interview de l’auteur dans le présent dossier.

[2À l’époque l’une des dirigeantes de Limiter la casse, association qui fut à l’origine de l’adoption d’une politique de « réduction des risques » en France, cf. encadré p. 119.

[3Les citations du Commissaire Maucourant sont extraites des propos qu’il a tenus devant le « panel citoyen » lors d’une séance consacrée au thème du trafic (cf. infra dans le texte).

[4Ses membres continuent d’intervenir dans le débat public et sur le terrain.

[5L’expression désigne un bas niveau d’exigence à l’égard des usagers, par opposition aux impératifs d’abstinence exigés dans beaucoup de structures au début des années 1980. Elle qualifie les structures qui accueillent des consommateurs « actifs » sans leur demander au préalable de cesser de consommer, quel que soit leur cheminement ou leur situation au moment où ils se présentent.