la cabine de plage

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Au bout du quai, elle était là prête à nous accueillir pour les vacances. Ensuite c’était les quelques kilomètres en 2 CV avec en haut de la côte la première vision de la mer, basse ou haute, c’était important pour le premier bain ou les premières coques à ramasser. Nos vacances chez Mamie étaient ponctuées de ces allers et retours sur la plage, mais pas seulement, il y avait toutes ses activités qu’elle n’interrompait pas à notre arrivée, mais dans lesquelles elle nous faisait de la place, pour faire avec elle, être avec elle, ou nous en parler.

Mamie et les bibliothèques, formelles ou informelles, lire, faire des fiches, échanger sur les livres, lire des articles sur les livres, écouter des émissions sur les livres à la radio, à la télé, faire partager ses goûts, aller porter des livres, aller prêter des livres, tenir des permanences dans des bibliothèques. Ouvrir des bibliothèques pour les vacances, ou bien ouvrir plus longtemps les bibliothèques pendant les vacances, peut-être aller apporter des livres là où les gens sont, comme une évidence.

Il y en avait plusieurs de ces lieux magiques, l’un surtout, une cabine de bain transformée en bibliothèque, un détail : elle était rehaussée d’un socle, il y avait un escalier, peut-être était-elle mobile et la rentrait-on mi-septembre à la rentrée des classes ou bien c’était pour marquer sa différence, c’était une cabine, mais c’était surtout une bibliothèque, le petit escalier permettait d’éviter de la confondre avec les autres, pleine de transats et de bouées en plastique. Éviter trop de sable, pour la garder propre.

Il ne pouvait y avoir qu’une personne à la fois dans la bibliothèque, et certains ne rentraient pas, ils demandaient de choisir pour eux, ça faisait partie de leur plaisir de vacances, « vous me mettrez un bon policier bien épais ». Arrivait alors un objet recouvert de papier kraft avec un titre au feutre, et le nom de son auteur, ensuite les modalités de prêt et mon grand plaisir noter la date de retour ou bien la contrôler s’il y avait un retour, un livre objet d’échange.

Une cabine de plage qui contribuait à cet échange, à ces échanges et des horaires écrits sur la porte, on les voyait en arrivant et en repartant mais après non, la porte restait toujours grande ouverte. Ceux qui restaient à l’extérieur, étaient souvent ceux qui arrivaient en maillot de bain et en tongues, ils ne voulaient pas franchir le seuil, mais ils voulaient quand même emprunter des livres, ce lieu permettait cela. « J’ai beaucoup aimé celui-ci », « Ah si vous avez aimé celui-ci je vous conseille celui-là », « Merci beaucoup madame », peut-être au milieu de tout ça je jouais un peu à la marchande.

Sur la digue de Carolles, ma grand-mère assise dans sa cabine en bois, transformée en bibliothèque trois mois par an, l’après-midi. Les livres serrés, recouverts de papier kraft, le sable qui rentre. Les gens qui viennent emprunter les livres en maillot de bain. La mer ne m’intéresse plus. C’était moi qui ouvrais et qui refermais.