Vacarme 11 / arsenal

Western, un atelier d’écriture. Bois d’Arcy, 21-31 décembre 1999, extraits

Mohamed Rouabhi a travaillé pendant 15 jours au quartier mineur de Bois d’Arcy avec 8 jeunes de 15 à 17 ans sur un atelier d’écriture, le western, c’est-à-dire en développant des thèmes comme la trahison, la peur, les femmes, l’argent, la loi etc. Extraits.

RIAD (16 ans)

Quand on tue un homme, premièrement, tu as un remords, ensuite, tu peux aller au commissariat, te rendre.

En ce qui concerne ta conscience, tu n’y crois pas, tu te dis comment cela a pu arriver tu te dis c’est pas possible alors tu perds carrément les pédales.

Si c’est quelqu’un de très proche, tu te dis pourquoi ai-je fait cela, que c’est un cauchemar, qu’est-ce qu’il m’a fait pour que j’en arrive là.

Tout a commencé hier soir quand un type m’a demandé dix francs. Je lui ai répondu que je les avais pas. Il me dit que je mens. Je lui dis que non. Il me menace.

Pendant qu’il me parle, je me rappelle avoir dans la poche une arme de 6ème catégorie et au moment où je suis en train de penser à ça, il m’agresse en me mettant un coup de poing. J’essaye d’esquiver, je rate.

Je sors mon arme de 6 ème catégorie, je le plante au niveau de l’épaule et à son tour il essaye d’esquiver mais il rate. Il saigne de partout, j’en reçois sur moi.

Je pars en courant en lui disant et même en criant :

Tu m’as cherché donc tu m’as trouvé.

Avant de m’enfuir, j’ai bien vu qu’il saignait et qu’il souffrait et j’ai pensé qu’il y avait des gens qui l’avaient vu et qui avaient appelé les pompiers pour l’hospitaliser.

*

Qu’est-ce que la trahison ?

Se faire trahir, c’est se faire balance par un ami ou par un inconnu.

J’ai trahi ma mère, parce que je suis venu en prison en octobre et j’avais dit à ma mère que ça serait la première et la dernière fois et maintenant je suis ici encore une fois de plus. Alors j’ai trahi ma mère, j’ai trahi ma parole et en même temps moi-même parce qu’à cette heure-ci je devrais être dehors et être bien.

La trahison, c’est quelque chose de très délicat, c’est-à-dire, se faire trahir par une personne, déjà si c’est quelque chose de grave, la personne paiera.

C’est ce que je pense. Si ça te ramène en prison, c’est qu’on t’a balance.

*

Ce qui me fait le plus peur, quand je serais extrait, c’est d’être jugé et de prendre une peine qui va me faire péter les plombs et de ne pas m’en sortir par rapport à la société.

Avoir peur, c’est aussi d’être en cellule par exemple, de me sentir seul.

J’ai aussi peur d’être dehors tout le soir et qu’il y ait quelqu’un qui vienne m’embrouiller et que ça parte très loin.

*

La justice, c’est quelque chose par rapport à la prison et encore beaucoup de choses, c’est-à-dire les dommages et intérêts pour les victimes.

La justice, c’est aussi quelque chose, quand on fait une bêtise, on doit obligatoirement la payer un jour ou l’autre, la preuve je suis ici.

La justice c’est quelque chose que tu dois payer, c’est soit de l’argent soit de la prison. La prison c’est un endroit où te réinsères dans la société, pour que quand tu sors, tu sois rétabli dans la société.

La chance, je me souviens que la justice m’avait donné plusieurs chances avant, parce que j’étais encore à l’école ou en formation.

Mais des fois, je pense que la justice exagère, parce que des fois, elle a tort.

*

Pourquoi la vengeance ?

Si on doit se venger, c’est pour quelque chose de grave, se venger sur quelqu’un, si on t’a balance et si t’as fait de la prison, c’est de savoir si tu te vengeras ou pas.

*

Je suis fait comme un rat. Je suis un fugitif et je sais que ma fin est proche.

Alors je ferai les cinq prières de l’Islam,

je ferai mes adieux à mes amis,

je dirai adieu à ma famille,

à ma femme si j’en ai une.

*

HAKIM (16 ans)

On voit un homme dans la rue, nous on est cinq.

L’un de nous commence à aller le voir et commence à le frapper.

Trois autres le rejoignent et s’y mettent aussi.

Une fois qu’il est KO on le monte chez lui et on le met sur le canapé.

On retourne toutes les pièces de la maison, on ne trouve rien. Alors on va le voir pour qu’il nous dise tout. Il ne veut rien dire.