Vacarme 11 / animaux

le zoo, lieu d’élevage d’animaux en voie de disparition

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Il s’est avéré qu’un éléphant, corrigé plusieurs fois pour sa lenteur d’esprit à retenir ce qu’on lui enseignait, fut trouvé pendant la nuit répétant sa leçon.

Les zoos sont des geôles, les zoos sont tristes, les animaux y traînent une existence nourrie d’ennui, avec les regards d’humains comme seul horizon. Tels sont les propos qu’on entend souvent chez les détenteurs des zoos. En fait, les zoos ont considérablement évolué et aujourd’hui on peut dire qu’il y a zoo et zoo. La réalité est bien plus complexe qu’une réaction anthropomorphique face à la souffrance (réelle ou imaginée) de l’animal enfermé. Il ne suffit pas d’isoler un symptôme — la cage — en décidant que c’est là que le mal réside, pour oublier le reste du corps, tout entier touché par la maladie.

La terre « sauvage » est gangrenée par les activités humaines qui détruisent son écosystème et mettent en danger les espèces vivantes de la faune et de la flore.

Aujourd’hui, des constats tristement banals annoncent des chiffres si effrayants qu’ils en restent parfois abstraits. Jamais, sur l’idée de la nature, la frontière entre hier et aujourd’hui n’a été aussi tangible. Nos grands-parents ont vécu dans un monde qui n’aura sans doute plus rien à voir avec celui que nous connaîtrons à leur âge.

Voici quelques chiffres : au cours de ces cinq dernières années, plus de 65 millions d’hectares de forêt primaire, immense réservoir de vie sauvage, ont disparu. Et la demande en bois ne cesse de croître.

25 % de toutes les espèces animales pourraient être rayées du monde d’ici 2025. Sans parler des espèces inconnues, non encore répertoriées !

Actuellement, la plupart des espèces vivantes (entre 1,5 et 1,8 millions dont 360 000 plantes, 990 000 invertébrés, 45 000 vertébrés) sont en voie d’appauvrissement ou de disparition, à une vitesse de mille à dix mille fois supérieure à celle des grandes périodes géologiques d’extinction (1).

La cause de ce désastre planétaire ? L’expansion démographique, l’agriculture intensive, l’industrialisation, l’urbanisation... La biodiversité est essentielle à la survie de l’homme.

Depuis quelques dizaines d’années, des responsables de parcs zoologiques, prenant conscience de l’ampleur du problème, ont entrepris un vaste chantier de préservation des espèces menacées.

Pour de nombreuses espèces animales, ce travail effectué par les zoos représente la seule issue à l’extinction pure et simple.

Certains diront que ce n’est qu’une goutte d’eau (sur les 172 espèces immédiatement menacées, 3 % seraient concernées par les programmes de sauvegarde en parcs zoologiques). Au moins, cette goutte d’eau existe.

Environ 400 zoos de 54 pays participent désormais activement à des programmes d’élevage. Il s’agit de multiplier les naissances afin d’avoir un « réservoir » d’animaux suffisant pour assurer leur avenir. Ces animaux sont répertoriés dans des studbooks, véritables livres généalogiques qui permettent de préserver le patrimoine génétique de l’espèce (90 % de la diversité génétique initiale).

Nés en captivité, ils pourraient être réintroduits dans la nature ultérieurement si leur milieu le permettait.

Certaines réintroductions sont déjà un succès comme celle du condor de Californie, totalement disparu à l’état sauvage. Dans d’autres cas, les réintroductions enrichissent une population devenue dangereusement mince. Le zoo de Mulhouse, notamment, a participé à la réintroduction d’addax au Maroc (ainsi que le zoo de Paris), de vautours moine aux Baléares, de hiboux grand-duc et des chats sauvages en Allemagne.

Même si ces tentatives sont délicates, coûteuses et connaissent des succès divers (10 % seulement des 150 réintroductions récentes se sont soldées par un franc succès), on peut présager qu’elles se multiplieront à l’avenir avec de meilleures chances de réussite grâce à l’expérience acquise.

S’il existe un idéal en matière de préservation, c’est bien sûr celui de la protection de l’habitat naturel, véritable communauté d’espèces végétales et animales.

Dans ce cadre également, des zoos interviennent judicieusement. Un exemple : en 1985, la situation du cerf du Prince Alfred aux Philippines est presque désespérée. Si rien n’est entrepris, cet animal est voué à l’extinction. Le zoo de Mulhouse signe un accord de coopération avec le Département de l’Environnement philippin dès 1987. Trois actions d’urgence sont convenues : sensibiliser les populations locales à la disparition de leur cerf, étudier la possibilité de la création d’une réserve de 60 000 ha, établir rapidement un troupeau d’élevage à partir d’animaux de compagnie récupérés chez les particuliers. Les animaux sont importés à Mulhouse pour l’établissement d’un troupeau européen. Le financement de l’opération est assuré par les zoos de Mulhouse, de San Diego, de Berlin, de Melbourne. Trois autres groupes d’élevage sont établis sur les îles de Negros et de Panay. Tous ces cerfs restent la propriété du gouvernement Philippin.

Aujourd’hui, le cerf du Prince Albert est sauf et son avenir assuré.

Autre exemple, le WWF (World Wild Fund) travaille in situ avec le Muséum de Paris pour préserver les lémuriens de Madagascar.

(1) Source : Le Monde, supplément Questions du XXIe siècle : « La diversité biologique menacée ou comment sauvegarder 1,5 million d’espèces. »

(2) Source : Jean-Luc Berthier, ménagerie du Jardin des Plantes

Cinq jeunes condors, élevés par le zoo de Los Angeles, sont lâchés dans la nature.

Durant les six premiers mois de leur vie au zoo, les cinq oisillons n’ont jamais vu ni entendu leur soigneur. À leur insu, ils sont pourtant entourés de soins vigilants, chacun ayant à son service deux biologistes qui vont suivre l’évolution de l’oiseau, même après le lâcher. De cette façon, l’animal reste vierge de tout contact avec l’homme et aucun effet de dépendance ne se crée. Le jour du lâcher, effectué en zone sauvage, à des centaines de kilomètres de toute activité humaine, les ordres se donnent en chuchotant. Une fois les cages de transport ouvertes, les cinq jeunes oiseaux prennent un à un leur envol dans le ciel californien. Il s’agit de leur premier vol. Ils constituent désormais l’espoir d’une nouvelle population autonome, capable de survivre dans un environnement naturel, là où leurs frères sauvages avaient totalement disparu.

Préservation : des naissances sous haute surveillance (2).

1970 : Première conférence tenue à Jersey : on jette les bases de ce qui deviendra les programmes d’élevage dans les zoos d’espèces menacées.

1973 : Création d’ISIS (International Information System) : cette base de données informatique recense les animaux des zoos, leur origine, leur généalogie.

Grâce à ces informations, des studbooks (livres généalogiques) sont créés et permettent des programmes d’élevage coordonnés. Aujourd’hui, plus de 1,3 millions d’animaux sont entrés dans le programme d’ISIS.

1979 : Création du CBSG (Captive Breeding Specialist Group qui deviendra en 1992 le Conservation Breeding specialist Group) : plus de 700 spécialistes (professionnels de zoos, zoologistes et écologistes de terrain, biologistes de la Conservation) font l’interface entre la conservation sur le terrain (in situ) et la conservation en captivité.

1980 : Organisation par l’AZA (association des zoos nord-américains) de programmes d’élevage nord-américain.

1982 : Le Royaume-Uni lance ses propres programmes.

1985 : La Communauté Européenne crée ses programmes, les EEP (Europaïsche Erhaltungzucht Programm).

Fin 1980 : Création des TAG (Taxon Advisory Group) qui déterminent les espèces prioritaires et permettent d’établir un plan de collection européen.

En 1990 : 130 espèces sont concernées par les studbooks européens, dont le bison d’Europe, le cheval de PrzewalskI, le gorille, l’okapi...

1992 : L’ECAZA (1988) se transforme en EAZA (European association of zoos and aquaria) et regroupe l’ensemble du continent européen.

1993 : Parution d’un document essentiel, La Stratégie Mondiale des Zoos pour la Conservation. Cette publication définit le rôle des zoos dans la conservation globale et de l’aide qu’ils peuvent apporter grâce aux programmes d’élevage ex situ d’espèces menacées.

1999 : 150 espèces sont concernées par les programmes européens d’élevage.

En mars 1999, le Parlement européen a adopté une série de mesures inspirées par le Code d’Éthique des Zoos, rédigé par l’EAZA.

Ces directives interdisent la capture, la détention, le commerce d’un grand nombre d’espèces (en dehors des programmes spécifiques de préservation). Elles exigent que tous les jardins zoologiques des États membres jouent convenablement leur rôle qui doit être impérativement de trois ordres : conservation des espèces, éducation du public, recherche scientifique. Pour cela, elles prévoient une base commune à l’octroi de licences soumises désormais à des exigences clairement énoncées : participation des jardins zoologiques à des programmes coordonnés de préservation, promotion de l’éducation du public pour la conservation de la diversité biologique, amélioration des conditions de détention des animaux avec enrichissement des enclos, soins vétérinaires, tenue à jour des registres...