quatrième rencontre

Tamar Gozanski, députée du Hadash

Mme Gozansky est la coqueluche d’innombrables Israéliens... et à peu près personne ne vote pour le Hadash : 80 000 électeurs en 1999, dont deux tiers d’arabes et un tiers de juifs. Des amis qui votent Likoud couvrent de louanges son honnêteté et ses actions humanitaires, avant d’ajouter : « bien entendu, elle est complètement folle ». Voilà le problème : pourtant avisé, lucide et modéré, son discours n’a pas prise sur l’écrasante majorité des Israéliens. La rencontre a tourné autour de la question de l’état des principales organisations de gauche face à cette nouvelle Intifada, et plus généralement depuis Oslo.

« Prenons les choses dans l’ordre. Premièrement, l’Intifada est d’abord une réponse de la population palestinienne à la politique de Barak et des travaillistes qui le soutiennent, pas simplement à la situation d’occupation. Et la politique de Barak n’a été que la suite, plus brutale encore, de l’esprit d’Oslo. Si nous avions soutenu ces accords en 1993, c’est parce qu’ils reconnaissaient l’OLP : il devenait au moins possible de commencer à se parler. Mais il fallait aller au plus vite, plus loin, et briser les tabous israéliens de Jérusalem et des réfugiés. C’était la seule condition pour avoir un langage
commun. Après, tout était négociable : les frontières exactes, le nombre de réfugiés qui auraient droit au retour, le détail du partage de Jérusalem. Barak, lui, a fermé toute discussion : c’était à prendre ou à laisser, et toutes les vraies questions étaient tues. Non pas la paix en général, mais quelle paix ? avec quelle monnaie pour le futur État palestinien ? quel système fiscal ? quelles relations d’import-export entre les deux États ? Etc. Le problème est né de n’avoir pas voulu discuter clairement de la définition concrète de l’État palestinien.

Deuxièmement, quant au Meretz et à son leader Yossi Sarid, censément plus à gauche, il faut rappeler plusieurs choses. D’abord que dans son programme, on parle de deux États, mais pas de diviser Jérusalem, ni d’accorder le moindre droit aux réfugiés, et on accepte les colonies juives en Cisjordanie. Ensuite, que depuis l’échec de Camp David II, il a été entièrement loyal à Barak, considérant que c’était la faute aux seuls Palestiniens, et s’opposant à toute manifestation pacifiste depuis le 28 septembre. Ce qui était très grave : il brisait le principe même d’une négociation, qui veut qu’il n’y ait jamais de pure responsabilité unilatérale, sans quoi il n’y a plus de raison de négocier. Bref, le Meretz n’est que le suppléant du parti travailliste, et c’est une vieille histoire. Ce fut déjà le cas lors du massacre de Canna, au Liban, avant la défaite de Perez.

Troisièmement, quant à La Paix maintenant, c’est une mouvance aux sensibilités
multiples, dans laquelle on trouve des activistes et des militants remarquables, et dont le programme est beaucoup plus proche du nôtre. Mais pas toujours très clair. En outre, la plupart de ses leaders appartiennent au Meretz, et depuis le début du conflit ils se sont rendus aux vues de Sarid. Ce qui fait qu’ils n’ont pas voulu participer publiquement aux manifestations que nous avons organisées depuis septembre, notamment après le massacre de 14 arabes israéliens par la police de Barak et Ben Ami. À cause de cela, fin octobre, à la plus importante de nos manifestations, nous n’étions pas plus de 6000.

Quatrièmement enfin, quant au Hadash, notre programme est celui d’une base commune de discussion avec les Palestiniens. Partir de la ligne verte de 1967, y compris pour Jérusalem, considérer toutes les colonies depuis 1967 comme illégales, reconnaître officiellement la responsabilité d’Israël dans le problème des réfugiés, et se servir de la résolution 181 comme point de départ des négociations. Évidemment, nous avons toujours été dans l’opposition à la Knesset. Notre objectif à moyen terme va consister à soutenir la constitution d’un troisième pôle à gauche du Meretz et des travaillistes. Ce pays n’a pas même l’idée de justice sociale. Nous n’avons pas eu de parti socialiste, ni même social-démocrate, comme vous en Europe. Quoi qu’ils soient devenus, il en est demeuré quelque chose. Ici, tout est encore à construire. »