Vacarme 07 / attentions

prendre soin - une pratique analytique : le BAPU

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L‘histoire apparemment est simple, mais de cette simplicité que prend parfois la mécanique sociale dans la froide efficacité de son déroulement programmé, sous les auspices d’un pouvoir politique obsédé de gestion ordonnée et de maîtrise identitaire. Elle. Venue il y a quelques années de son Algérie natale pour conclure des études brillantes et dans le projet d’un retour au pays afin d’y exercer une fonction d’enseignement. Depuis, la situation politique a rendu le retour impossible, beaucoup trop dangereux pour sa vie, étant donnée sa nouvelle liberté de pensée. Mais le piège vient de se refermer. Car une fois les études achevées, il lui faudra de toutes façons partir, le séjour en France après les études n’étant pas autorisé. Impossible de rester, mais impossible de partir non plus. Seule l’angoisse demeure. Une angoisse térébrante, dévastatrice, qui lui interdit de mener ses études à leur terme, lui évitant certes, et provisoirement, de se confronter à l’impossible, mais tout en mettant gravement en échec ses idéaux de réussite universitaire dans leur fonction identificatoire.

Être psychanalyste aujourd’hui, et tout particulièrement dans des lieux comme le BAPU, c’est précisément être confronté à de telles situations, dont celle-ci demeure prototypique, qui viennent interroger ce qui s’exprime si bien dans cette belle expression : prendre soin.

Il y faudrait entendre, bien sûr, tout un souci de l’autre présent dans l’accueil d’une souffrance singulière privée de ses mots, en détresse d’une langue qui n’a nulle place pour dire l’indicible douleur, le désastre enfoui dans les plis secrets d’une histoire personnelle, et que l’Histoire collective vient raviver cruellement.

Mais il y a un autre sens attaché à cette inquiétude pour l’autre que représente le soin : c’est celui de responsabilité. Car la pratique de la psychanalyse est celle d’une responsabilité, qu’il s’agit d’entendre comme la forme que prend, pour l’analyste, cet acte dans lequel il s’engage en engageant celui ou celle qui s’adresse à lui. Or avoir soin de l’autre, c’est déjà répondre de cet engagement en tant qu’il implique également la psychanalyse elle-même comme instituée dans le champ socio-politique et porteuse des tensions historiques qui la traversent. Question qui devient incontournable quand la souffrance adressée à l’analyste désigne précisément les contradictions ou plutôt les violences désubjectivantes issues de ce même champ socio-politique.

Être analyste aujourd’hui, c’est justement prendre soin de la souffrance à partir de cet écart qui questionne directement la psychanalyse dans son intitulé même, condition préalable à tout accueil d’une parole jusque là confisquée en toute légalité. Interrogation d’autant plus vive qu’elle se trouve portée à partir d’un lieu, le BAPU, où se redoublent privé et public dans la demande et dans l’offre du soin.

Post-scriptum

BAPU : Bureau d’Aide Psychologique Universitaire. 30, rue Pascal 75005 PARIS

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Publiée dans Vacarme 07, , page 97.