Vacarme 08

printemps 1999

Vacarme 08

À nos lectrices et lecteurs

Ce numéro, Vacarme 08 (printemps 1999), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.

Éditorial

pôle sud

par

Lorsqu’en 1912, l’expédition Scott atteignit le Pôle Sud, le drapeau d’Amundsen les avait précédés, fiché tout droit sur le point magnétique comme l’axe d’une mappemonde. Visible, j’imagine, au dernier moment, dans des hurlements de neige, alors qu’une moufle impatiente a commencé, dans l’un des traîneaux de l’arrière, à défaire le paquet oblong contenant leur drapeau, le drapeau Scott désormais inutile — pas de drapeau pour les seconds, pas de médaille d’argent dans la conquête des (...) Lire 

Entretien

Yann Moulier-Boutang

Chantier

liberté de circuler

avant propos

par

Quelque chose émerge, en France et en Europe, comme un mouvement pour la « liberté de circulation ». La manifestation du 27 mars, organisée sous ce mot d’ordre, en témoigne : plus réussie que les maigres cortèges pour la seule régularisation des sans-papiers, elle rassemblait à leurs côtés des malades du sida réclamant un accès sans entraves aux traitements ou des précaires réclamant la gratuité des transports. Ainsi démultipliée, ramenée à des existences et à des besoins concrets, (...) Lire 

les sociétés du contrôle

par

« Gratuité des transports publics » : les précaires, eux aussi, réclament la possibilité de circuler librement. Ce lien revendiqué avec le mouvement des sans-papiers est loin d’être purement métaphorique. D’une part, on fabrique des « contrevenants » comme on fabrique les « clandestins », par rehaussement infini des barrières : le prix exorbitant des billets constitue un obstacle aux déplacements des pauvres ; contraints à la fraude, ils deviennent la cible privilégiée des contrôles... qui (...) Lire 

Schengen ou le désordre des causes

par

Des douaniers inquiets qui font grève contre leur disparition annoncée, des camionneurs en colère qui refusent le contrôle systématique des douanes, et des policiers ambitieux qui inventent le « transfrontière » : tout ceci a pris, un beau jour, le visage improbable de « l’espace Schengen ». De ce désordre des acteurs et de leurs causes, un nouveau régime des frontières est né. Les frontières se sont évanouies, et en même temps multipliées. Elles assurent aujourd’hui non plus la séparation (...) Lire 

« siamo tutti clandestini »

par

Les 26 et 27 mars derniers, à l’appel des Centres sociaux adhérant à la Charte de Milan, de l’association Ya Basta ! et du Movimento delle tutte bianche-gli invisibili, 3500 Italiens accompagnés de 150 sans-papiers albanais, kosovars, maghrébins, ukrainiens et moldaves, ont tenté de rejoindre Paris pour participer à la manifestation européenne pour la libre circulation et la régularisation des sans-papiers. Pour les en empêcher, le gouvernement français n’a pas hésité à fermer ses (...) Lire 

Actualités

pour l’égalité des sexualités

par

Proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale relative au pacte civil de solidarité
Auditions publiques du 27 janvier 1999 : Sénat, salle Médicis (10h - 10h45)
J’interviens aujourd’hui en faveur du PaCS. Comme beaucoup, j’en vois pourtant les incohérences et les insuffisances. D’abord insatisfaisant, le projet est devenu, à force de négociations et d’altérations, insaisissable. Dans ce débat, la ligne de partage n’est donc plus à proprement parler entre ceux qui se déclarent (...) Lire 

CMU : chronique d’une austérité annoncée

par

Le système de soins est aujourd’hui fondé sur l’inégalité. La médecine à plusieurs vitesses est une réalité depuis des années, avec ses filières d’accès séparées et inégales pour les pauvres et pour les riches, pour ceux qui ont des papiers et ceux qui n’en ont pas. Une Couverture Maladie Universelle (CMU) - dans le cadre de la réforme tant annoncée de la protection sociale, de Juppé à Aubry - réduirait-t-elle les inégalités dans l’accès aux soins ? Que signifie ce projet pour la santé des (...) Lire 

vers un réseau européen pour le revenu

par

AC ! (Agir ensemble contre le chômage !) regroupe environ cent quatre-vingts collectifs. Composé de salariés en poste, au chômage ou en formation, ce réseau de collectifs définit ses orientations lors d’assises nationales (deux ou trois fois par an).
Paris, le 1er décembre 1998
Cher(e)s ami(e)s,
C’est en octobre 1995, lors des Assises nationales d’AC !, que la revendication d’un revenu garanti pour tous, avec ou sans emploi, a été adoptée. L’hypothèse d’un retour au plein emploi, (...) Lire 

Le référendum de notre allié stratégique

par

Le « guide éternel » de la Syrie, le généralissime Hafez al-Assad, vient d’être réélu par 99,987 % des suffrages pour un cinquième mandat présidentiel. Les autorités françaises n’ont pas jugé bon de commenter cette réélection de l’« allié stratégique » de la République. Il faut dire que les journalistes ne leur ont rien demandé...
Mais qu’est-ce qui justifie encore le terme de scrutin lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat briguant sa propre succession à une présidence acquise par putsch, (...) Lire 

Proche-orient : le national ou la barbarie

par

Ma prison est le lieu... et derrière moi un temps qui a honte du mensonge de la géographie...
La scène se passe à l’Élysée, le 16 juillet 1998, et illustre bien le cynisme avec lequel on traite le fait national au Proche-Orient. Jacques Chirac, après un long entretien en tête-à-tête avec Hafez al-Assad, proclame l’« amitié retrouvée » entre la France et la Syrie. Et de sceller cette amitié en offrant à son hôte syrien « une terre cuite vieille de sept à huit siècles et provenant de la (...) Lire 

Processus

chroniques

magie corse

par

pour Avital
24 octobre à coup d’asphodèles ou de tibias humains, du 31 juillet au 1er août, les mazzeri des alentours se livrent bataille, en rêve. Des plantes, restent des squelettes bruns et secs, plus le visage solarisé du mort futur.
27 octobre des dizaines de km quasi improvisés : blanche ou noire — comme les toits de quelques sépultures — n’y a-t-il de magie que dans les livres ?
29 octobre par crainte des esprits et pour mourir réconciliés, certains bandits — pourtant, non (...) Lire 

l’outil

par

J’ai vu Priape au sortir des arsenaux où il travaille, esseulé comme on l’est après tant d’heures passées dans le bruit, la lueur des soudures. Tous les quatre pas il heurtait le mur de son épaule droite renfrognée, trouvant ainsi le moyen de rebondir malgré ses jambes gourdes. Comme je m’écartais pour lui céder le passage, il me dévisagea avec le reste d’acuité que l’épuisement lui concédait. Racine soulevant le cuir huileux du tablier, sa verge était apparente. Pour cette raison, j’ai (...) Lire 

le point sur le championnat

par

1 — Bordeaux. 52 points. Bleu marine à scapulaire blanc. Ce marine profond qui évoque autant le sombre bleuté qui nuance les vins tanniques de la région que le proche océan. Le centre d’entraînement du château du Haillan élabore un cru nerveux, stable, très charpenté, à l’image de son avant-centre Lilian Laslande. — Non, pas le château. L’entraîneur Élie Baup pratique avec aplomb une langue du bois dont on fait les meilleurs fûts.
2 — Marseille. 51 points. Blanc à parements bleu ciel, (...) Lire 

au point de tige

par

Semaine de vacances nocturnes, les pâles lueurs de l’aube et un soir, une nuit, sous un ciel du Greco, marche à pied. Son du galop des petites filles sur l’ellipse en terre battue, au stade où nous en étions. Encore marcher au présent : creusant cette lumière de nuit approcher la nature des cônes et des bâtonnets qui structurent le fond de la vision. La description du paradis et au retour aussi, face aux pléiades soulignées par le mouvement des nuages, s’entrelaçait lentement à (...) Lire 

la ville

par

La ville ouvre l’espace d’une liberté qui cependant ne se mesure pas en termes d’autonomie ni d’indépendance. Elle est un monde d’émancipation, mais il n’est pas réglé sur le modèle accompli d’une citoyenneté ni d’une civilité. L’urbanité est plus subtile et plus délicate, plus difficile et plus opaque. En ce sens, l’ethos de la ville n’est pas un ethos politique. Il est plus ou moins que cela, il est d’une autre espèce, plus policée et moins policière, plus affranchie et moins souveraine. (...) Lire 

un menu pour savoir bien en finir

par

Pour inaugurer l’année, vous aviez donné une splendide fête car tout allait pour le mieux et qu’il faut jouir sans différer de ces moments-là, sachant bien qu’on ne peut trop compter qu’ils durent toujours. Bien vous en prit, car depuis lors la belle histoire d’amour qui, entre autres, nourrissait votre bonne humeur, a tourné à la manière d’une mayonnaise sournoise qui monte et monte encore, bien fermement, et attend l’ultime goutte d’huile que vous lui ajoutez afin d’atteindre sa (...) Lire 

la girafe du Roi

par

Connaissez-vous l’histoire de la première girafe qui posa le pied sur le sol français ? En 1826, le vice-roi d’Égypte, Méhèmet Ali, décida de faire présent au Roi de France, Charles X, d’un gracieux girafon femelle... L’arrivée d’un quadrupède aussi mal connu suscita un tel émoi que le pays tout entier vécut à l’heur des péripéties de la belle étrangère pendant près d’un an.
Tout débuta en 1825, lorsque Berbardino Drovetti, zélé consul de France au Caire, reçut une circulaire du (...) Lire 

porcelaine et volcan

par

cela m’a menée sur une balançoire (je vous permets d’en rire)
puis il dormait et je ne savais pas si je devais bouger
-- le temps passait, et même moi, sans m’endormir, je m’envolai
(il me pousse un cœur que je planterai dans un pot de fleurs, avec toutes les précautions) (dehors, il y a une guerre intestine, une querelle entre le valet de carreau et la dame de trèfle)
on dit parfois que les rêves composent une seconde vie que nous pouvons rejoindre chaque soir sur un petit radeau (...) Lire 

L’art de la radiographie

par

La technique de la radiographie et les images symboliques qui y sont liées ont à plusieurs reprises intéressé les artistes de ce siècle.
Dans le domaine médical, la diffusion de la radiographie fut extrêmement rapide. Elle débuta en décembre 1895, lorsque le docteur Röntgen montra à ses collègues allemands une image de la main de sa femme, dont les os étaient visibles, et où sa bague apparaissait comme une forme noire (1). Cette image, porteuse d’une rare aura, ne peut pas ne pas avoir (...) Lire 

le sillon de Talbert ou un brouillard infernal

par

— Il n’y avait pas un jour où elle n’y allait pas. Même les jours de tempête ? Oui, même ceux-là, même quand les vagues risquaient de l’emporter. Souvent, elle arrivait vers seize heures trente, après les cours. Elle le parcourait de bout en bout. À marée haute comme à marée basse. Trois kilomètres de galets entre ciel et mer. Elle marchait toujours du même pas décidé, comme si elle avait rendez-vous de l’autre côté.
Le géologue ajusta son appareil et prit une photo. Devant nous, le (...) Lire 

Minorités

exils en Palestine

avant-propos

Le « réel » palestinien n’est pas dans ces textes. À travers ce dossier constitué autour d’Elia Suleiman et de Mohamed Rouabhi, il affleure sans doute, mais au détour d’autres interrogations : comment et d’où filmer / écrire la Palestine ?
Palestinien de Galilée, de nationalité israélienne, ayant longtemps vécu à New York avant de revenir s’installer à Jérusalem-Est, Elia Suleiman est l’auteur de trois films, dont Chronique d’une disparition.
Mohamed Rouabhi s’apprête à animer un (...) Lire 

Entretien avec Elia Suleiman

Cette rencontre avec Elia Suleiman aurait pu aussi bien trouver sa place dans les Chantiers de Vacarme sur la liberté de circulation : il se compare lui-même à un bédouin et revendique son expérience du nomadisme, « sauf que moi, personne ne m’assigne à résidence ». Figer l’homme, comme figer l’image, c’est « se débarrasser du problème ». Éloge de la non-installation comme esthétique.
Vacarme : Projet esthétique et projet politique se tissent très étroitement dans votre film, en donnant (...) Lire 

matérialisations / Elia Suleiman, « Rêve arabe »

par

Rêve arabe, diffusé en mai dernier à la télévision, poursuit la recherche d’Elia Suleiman sur l’inscription à l’écran d’une identité à ressaisir - corps et armes.
« Palestine : le fichier ne peut être ouvert » : c’est le début de Rêve arabe, réalisé par Elia Suleiman en 1998, après Chronique d’une disparition, et diffusé sur Arte en mai dernier. Le fichier ne peut être ouvert, répond l’ordinateur, sans faire de phrases. Et pour cause. La Palestine n’existe plus. Si elle n’existe plus, (...) Lire 

écrire, avant Ramallah

par

Il y a un an, à la suite d’une rencontre entre le maire de la commune d’Épinay-sur-Seine et le maire de Ramallah, ville autonome de la Palestine, une amitié naissait entre deux communautés.
À la demande de Nadine Varoutsikos, directrice de la Maison du Théâtre et de la Danse d’Épinay-sur-Seine, Mohamed Rouabhi, auteur dramatique (Les acharnés, 1994 ; Les Nouveaux bâtisseurs, 1997), fut associé au vaste projet de collaboration artistique qui mènerait dans un premier temps jusqu’à (...) Lire 

Vacarme 08

Vacarme 08 / printemps 1999

Rédaction en chef la revue Vacarme

Parution le 10 mai 1999 Édition Vacarme

Pages 80 ISBN 0

Diffusion en librairies Difpop

Diffusion numérique Cairn