Vacarme 19

printemps 2002

Vacarme 19

À nos lectrices et lecteurs

Ce numéro, Vacarme 19 (printemps 2002), est désormais archivé et tous ses articles sont accessibles dans leur intégralité. Vacarme aime la gratuité, mais une revue existe grâce à ces abonné·es.

Éditorial

Sing, sing

par

David Greenglass a menti.
La nouvelle fut annoncée sur France-Info à 9h08 et, bien que la chaine ait fait de la répétition son identité sonore, je n’eus pas l’occasion de l’entendre de nouveau jusqu’au moment, 9h34, où, las de faire semblant d’apprendre que d’autres faisaient semblant de n’être pas encore candidats aux élections (vous vous souvenez ? c’était cette époque-là), je décidai en me penchant un peu de changer de station : me disant que peut-être, si l’autoradio voulait vraiment (…) Lire 

Pierre Bourdieu / post scriptum

par

Bourdieu aimait reprendre à son compte la formule de Foucault, qui voulait qu’on aborde ses travaux comme on ouvre une « boîte à outils ». Et, comme Foucault - bien qu’il le fît plus tard et selon des modalités différentes -, il s’employa à faire « déborder » la notion d’œuvre en aventurant dans l’espace public une voix, une autorité et une légitimité. Depuis trois ans, chaque numéro de Vacarme s’ouvre sur un feuilleton où nous posons la question des usages profanes d’une œuvre savante, de (…) Lire 

Entretien

Isabelle Stengers

Une philosophe des sciences se met au service des savoirs mineurs, de l’hypnose aux usages des drogues, de l’écologie radicale à la nouvelle sorcellerie américaine : contre l’arrogance des savants, une politique de l’hérésie.

Chantier

sida : plein Sud

Les pays du Sud sont en train d’inventer leur lutte contre le sida : une mobilisation politique autonome, une distribution réussie d’antiviraux. On y perd le Nord. Tant mieux.

sida : plein sud

par

À l’origine de ce dossier, il y a évidemment Act Up : l’histoire de Vacarme a partie liée avec cette lutte contre le sida, son pli politique aussi. Mais à l’origine de ce dossier, il y a également la joie dans laquelle nous a mis une autre irruption, celle de TAC (Treatment Action Campaign), il y a trois ans, en Afrique du Sud (cf. Apartheid sanitaire, par Philippe Rivière). Il y avait un activisme au Sud qui n’avait pas attendu les leçons du Nord pour se mobiliser, qui prenait de court (…) Lire 

un pilote en Haïti

par

L’administration de multithérapies antivirales serait « incompatible avec les infrastructures sanitaires déficientes des pays pauvres ». C’est le bon sens et les institutions internationales qui le disent. Paul Farmer et Arachu astro prouvent le contraire par l’exemple.
Paul Farmer est professeur d’Anthropologie médicale au département de Médecine sociale de l’École de Médecine de l’université de Harvard, titulaire de la chaire internationale du Collège de France 2001/2002 et directeur (…) Lire 

l’énigme Mbeki

par

L’attitude du président sud-africain face au sida est sans doute l’énigme la plus criminelle des temps présents. Comment cet homme, qui a lutté toute sa vie pour libérer son peuple du joug de l’apartheid, peut-il assister, impassible, à son extermination par le VIH ? Cette question, pour l’instant, reste sans réponse. Une piste réside - peut-être - dans ce discours édifiant prononcé le 12 octobre 2001 à l’université de Fort Hare, où Thabo Mbeki fut étudiant. Extraits, pour tenter de (…) Lire 

l’appel de Ouagadougou

Nous, personnes vivant avec le VIH, acteurs et associations de la lutte contre le sida, réunis à la XIIe CISMA (Conférence Internationale sur le Sida et les Maladies sexuellement transmissibles en Afrique) du 9 au 13 décembre 2001 à Ouagadougou (Burkina Faso), exigeons solennellement l’accès aux traitements antirétroviraux pour les malades des pays en développement.
C’est pourquoi nous demandons au Fonds mondial d’inscrire l’achat de traitements antirétroviraux ainsi que le financement de (…) Lire 

Nord/Sud : pour en finir avec la légitimité

par

En cherchant à « exporter » leur combat au sud, les militants du nord sont-ils les messieurs Jourdain du colonialisme ? La critique revigore quand elle émane d’un pouvoir menacé, fut-il africain : simple tentative de délégitimation. Reste un sentiment d’illégitimité. Peut-on faire là-bas ce qu’on refuse ici : parler pour les autres ? Pour en sortir sans fuir en avant, proposition d’éthique politique.
Les activistes du Nord peuvent-ils intervenir au Sud ? Lorsqu’on se souvient qu’ici, les (…) Lire 

Africains, sauvageons du sida

par

Que recouvre la mention « d’origine sub-saharienne » dans les enquêtes et les plans français de lutte contre le sida ? Quels préjugés nourrissent les discours sur « l’inaptitude culturelle à la prévention » ? Analyse de la construction d’un péril.
Les craintes d’une reprise de l’épidémie de VIH/sida en France s’accompagnent d’une série d’interpellations adressées, sur un mode plus ou moins accusatoire, aux politiques de santé conduites par les pouvoirs publics. Certains faits, notamment (…) Lire 

faire parler l’épidémiologie

par

Jamais l’épidémiologie n’a été si sollicitée qu’aujourd’hui. Auxiliaire et garante de la santé publique, science d’état censée orienter la décision politique, elle élabore et recueille des données dont l’importance stratégique n’échappe à aucun des acteurs de la lutte contre le sida. Il n’en est que plus nécessaire de lui demander des comptes.
Personne n’aurait l’audace de demander à l’épidémiologie de se taire : à quel titre pourrait-on réclamer la mise au silence d’un savoir (…) Lire 

Arsenal

de la misère sexuelle en milieu étudiant

par

Le 24 janvier, un collectif de dix étudiants, doctorants et élèves de grandes écoles, a lancé une pétition contre le harcèlement sexuel à l’université. Le texte a recueilli plus de 1100 signatures, et suscité la polémique. Une discussion sur la catégorie même de « harcèlement sexuel » est peut-être souhaitable : mais le geste, la question qu’il pose et le courage dont il témoigne ne peuvent être ignorés. Quelques remarques, en guise de pierre d’attente.
1) Certains textes engagent (…) Lire 

pourquoi l’Egypte cible les homosexuels

par

Cet article a été diffusé le 23 juillet 2001 par le Middle East Research and Information Project (MERIP), institut indépendant basé à Washington. Deux jours plus tard, l’auteur était renvoyé de l’organisation égyptienne des Droits de l’homme : pour Hisham Kassem, président de l’OEDH, prendre la défense des accusés du Queen Boat, « cause perdue à laquelle il valait mieux renoncer », serait interprété comme « l’introduction de l’homosexualité en égypte », ce qui « tuerait le concept de droits (…) Lire 

transparence du Halal, transgression du Haram

par

Le licite et l’illicite structurent la société égyptienne, dessinant l’espace d’une visibilité convenable et indiquant les voies du paradis ou de l’enfer. Dans l’ombre et les marges, la vie avance selon ses propres lois.
Deux concepts fondamentaux, d’une valeur intrinsèquement religieuse, régissent ce que l’on s’accorde généralement à appeler « vie privée », « intimité », « vie sociale », « mœurs » en Égypte. Le Halal est ce qui est légitime, permis, accepté etc., tandis que le Haram est (…) Lire 

l’ère de Sally

par

La nouvelle visibilité d’une minorité homosexuelle vient mettre à mal toutes les normes d’une société égyptienne en proie à des forces contradictoires, pour le bénéfice aujourd’hui d’un Etat censeur. Combat perdu d’avance ou chance (future) d’interroger un islam balançant entre ses idées reçues et une tentation radicale ?
En janvier 1988, Sayyid ’Abd Allâh, un étudiant en médecine à l’université religieuse d’Al Azhar au Caire, âgé de vingt-cinq ans, se fit opérer afin de changer de sexe. (…) Lire 

Processus

l’état populaire du spectateur pantelant

par

Dans le n° 17 de Vacarme, Bertrand Ogilvie questionnait l’expression « culture populaire », et proposait une définition en forme d’hypothèse : « est suceptible d’être nommée "populaire" toute œuvre qui exhibe systématiquement ses conditions de possibilité et de processualité. » Il poursuit ici l’enquête.
« Johnny A., âgé de quatre ans, d’Alexandrie (Égypte), vit dans deux pays imaginaires, Tana-Gaz et Tana-Pé, où tout est magnifique. Tana-Gaz est au-dessus de Tana-Pé, et est meilleur que (…) Lire 

chroniques

sur la figure d’un jaloux absorbé

par

Lorvatte est au nombre de mes amis ; en tout cas, je le porte depuis longtemps dans mon souvenir. Certains prétendent que je m’oblige à le fréquenter ! La preuve que c’est là une idée fausse ? Je rencontre toujours Lorvatte en tête-à-tête dans la semaine qui suit chaque réception à laquelle j’ai voulu, au nom de notre amitié, qu’il se joigne, alors que peu m’importe de faire se côtoyer n’importe qui aux mondanités que j’organise ; je n’ai aucunement le souci d’apparier mes invités en (…) Lire 

Rock and Roll all Night

par

À Salt Lake City, les Russes ont failli se fâcher. L’effrayant monsieur Poutine a grondé les Américains. Sur un mode très néocommuniste — trop d’argent autour de ces jeux. Déclarant en somme qu’il comprend mieux le taux d’hémoglobine de ses fondeuses que le nationalisme américain. Le taux d’hémoglobine. Tu dis moi toutes les choses tu aimes.
Les Américains se sont aussi fâchés parce qu’une juge française a, selon les critères patinesques, odieusement surnoté le couple russe. Évincée (…) Lire 

ne perdons pas courage, c’est beau aussi ce qu’on n’a pas

par

Il n’est pas sportif, mais il est souple parce qu’il est myope (chaque semaine, dans le bain sans ses lunettes, il coupe les ongles de ses pieds en se contorsionnant). Les bras autour des genoux, il roule vers la cuisine en heurtant les meubles. Sa tête crépite de cracs minuscules, ceux des coquilles d’escargot que ses semelles ont écrasées sur les routes humides de la nuit. Ses rêves se font à pied, pas dans une voiture où l’on n’entend rien de ce qui se passe sous les pneus. Il a à peine (…) Lire 

la surface de l’eau

par

pour ceux à qui j’en ai parlé ce qu’en ont dit certains les a fait entrer tout droit dans la réalité
les petits enfants, et la tête a failli cogner contre le sol
qui voit la mer et les corps de tambour il arrête
j’attends le cadre de l’image ne bouge pas : sur le balcon la nuit le corps des jeunes filles souffle comme des algues sous l’eau
on me présente les enfants la mer est habitée comme un miroir la grande peur précédente,
sinon ce serait lui qui viendrait dans les rêves. Lire 

le gerris / ai-je assez de courtoisie ?

par

À la surface de l’étang un être d’eau glisse sans s’enfoncer. Ce n’est pas le notonecte qui fait la planche et remonte comme liège, l’air prisonnier de sa toison - une certaine façon de remettre son manteau. Celui-ci a des pattes longues qui le soulèvent à faible hauteur : assez pour qu’un reflet se profile, appliqué en tout point à son ombre vivante. - Comme tu lui ressembles. L’eau et l’air se meuvent séparément, l’une réfléchit l’autre. Seul le ciel se penche. Comme tu lui ressembles. (…) Lire 

la main courante

par

Prise de service neuf heures ronde Achille et Caïn dix heures retour onze heures ronde Achille et Caïn douze heures retour douze heures quarante ronde Achille et Caïn treize heures vingt retour quatorze heures trente ronde Achille et Caïn quinze heures trente parti fin de service. 9 mai 1967 Dressé observations au Jeune Fierson Thierry, 7 rue des Minimes (prise de ballon cinq fois). Insulte constamment gardes et jardiniers, a des gestes obscènes envers les Jeunes filles, projection de (…) Lire 

Huguette est-elle derrière la porte ?

par

huguette est-elle derrière cette porte ?
elle sort avec toi je sortais elle s’est tirée je me suis tiré
elle sort tu sors et s’ils continuent tu sors
chacun de son côté
toi avec tes enfants tu as un manteau tu sors
tu laisses passer
ça lui arrive de sortir lui qui vient d’arriver elle laisse son gars derrière cette porte
elle sort avec ses copines part en courant si tu dois te préparer je préfère
il fait la gueule elle sort elle est toujours sortie elle veut sortir
ils (…) Lire 

quatre ans

par

Martin ne lisait pas la presse locale. Mais il fumait.
C’est donc au café-tabac de son quartier qu’il fut informé de la macabre découverte. Madame Bellet avait été retrouvée chez elle. Ou du moins ce qui restait d’elle. Car depuis quatre ans, personne ne s’était aperçu de son décès. - On est peu de chose, hein ? Quatre ans à pourrir au bas de son escalier. Pauvre femme... lança un homme accoudé au comptoir. - Et les voisins, demanda le barman, ils n’ont rien vu les voisins ? C’était (…) Lire 

Un lieu

sur les quais : marins en quarantaine

sur les quais : marins en quarantaine

par

L’abandon de navires par des armateurs endettés — ou prétendus tels — est devenu une pratique courante depuis vingt ans. De Rotterdam à Gibraltar, de Sète à Istanbul, les ports européens abritent ces « bateaux orphelins » sur leurs quais. En France, on a dénombré 29 bâtiments « oubliés » entre 1997 et 2000. L’extension des pavillons de complaisance, sous lesquels naviguent aujourd’hui 20% de la flotte mondiale et plus de 50% des gros tonnages, a permis la généralisation de ces pratiques (…) Lire 

marins abandonnés

par

Violation des droits fondamentaux, négation de la liberté syndicale, refus de soin, les océans mais aussi nos ports sont devenus un laboratoire de l’ultra-libéralisme le plus exacerbé. Sommet visible de cette économie « grise », voire carrément mafieuse : les navires abandonnés avec à leur bord des marins qui le seront à leur tour.
Aucun recensement officiel des navires abandonnés n’a jamais été effectué, aucune étude n’a encore été menée sur ce phénomène qui touche les ports de chaque (…) Lire 

complaisances

par

Un an après le naufrage de l’Érika, au sud du Golfe de Gascogne, un navire nommé Kristal s’est brisé en deux dans des creux de dix mètres. Le bateau naviguait depuis 27 ans, c’était un ancien pétrolier reconverti. À son bord travaillaient trente-quatre marins, dont vingt-deux pakistanais, six croates, trois espagnols, deux yougoslaves et un roumain. Lors du naufrage, vingt-trois seulement ont pu être sauvés. Avec un propriétaire supposé à Lugano, la Rina comme société de classification et un (…) Lire 

Vacarme 19

Vacarme 19 / printemps 2002

Rédaction en chef la revue Vacarme

Parution le 25 mars 2002 Édition Vacarme

Pages 112 ISBN 9782915547900

Diffusion en librairies Difpop

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