cargo collectif d’agitation pour un revenu garanti optimal

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Le Collectif d’Agitation pour un Revenu Garanti Optimal (CARGO) est né autour du mouvement étudiant contre le CIP (Contrat d’Insertion Professionnelle) en 1994. Ce sous-SMIC pour jeunes a cristallisé une opposition transversale : étudiants des filières classiques et étudiants des filières techniques, rarement mobilisés par les questions d’ordre politique, se sont battus ensemble contre cette discrimination. Une dizaine d’étudiants, fidèles du séminaire de Toni Negri à Paris VIII, s’est inspirée des réflexions sur le travail immatériel et les nouvelles conditions de production du philosophe italien, couplée à une réflexion sur le CIP et sur la question du revenu pour créer CARGO. Très vite, le collectif rejoint AC !, alors plus préoccupé par la rhétorique classique du plein-emploi et de la réduction du temps de travail. Sous l’influence des membres de CARGO, la réflexion d’AC ! s’infléchira jusqu’à inclure dans ses revendications cette question du revenu. CARGO va très loin, très vite : leur perspective n’est pas du tout réformatrice, selon Laurent, un des fondateurs du mouvement, très impliqué sur le front de l’injustice sociale caractérisée qui se manifeste aujourd’hui aussi bien dans le cas des sans-papiers, des RMIstes, des étudiants de moins de vingt-cinq ans qui ne bénéficient pas du RMI, des EDF, des 46% de chômeurs non indemnisés, etc., toute forme de précarité entretenue par une société libérale qui dispose à peu de frais d’une main d’oeuvre corvéable à merci, vivant dans la peur de ce chômage-répulsion, acceptant alors des conditions de travail effrayantes. Il argumente : 80% des contrats sont des CDD, 17 % des RMIstes parisiens se déclarent artistes, les 400 milliards de francs du chômage sont redistribués aux organismes de formation ou aux organisations patronales. C’est cette complexité du monde et cette imbrication des problèmes qui rend la proposition séduisante : le monde a changé, le travail n’est plus immédiatement productif, le temps de travail n’est plus une façon de mesurer la richesse d’un pays ou d’un travailleur, la vision travailliste des syndicats est dépassée et l’usine n’est plus le lieu unique du conflit social. La précarité n’est plus l’apanage unique d’une classe sociale, mais elle justifie les pressions du capitalisme sur le marché du travail. A tout cela, une réponse révolutionnaire : le revenu optimal garanti - au moins le SMIC, pour tous à partir de seize ans - en contrepartie du travail social, intellectuel, associatif, créatif, fourni par la population en son entier. Pas l’impôt négatif, pas l’Allocation universelle, un revenu pour que chacun ait les moyens de sa liberté, financé par une juste redistribution des richesses pour que, dans la quatrième puissance économique mondiale, on ne meurt ni de faim, ni de froid, ni ne vive dans la peur de l’exclusion. Derrière cette idée, une force, le désir d’un renversement épistémologique : ce n’est plus le capital qui détermine la capacité de production de la population, c’est la population qui « constate » qu’elle produit de la richesse, y compris inquantifiable. Et qui refuse en bloc l’esclavage du travail salarié, l’acceptation cynique du monde tel qu’il est, tout en ayant pleinement conscience de la charge utopique de cette idée. La révolution, quoi.