Vacarme 04/05 / actualités

C’était au Moyen-Âge - disons : en 700 avant Chevènement. On pensait alors,conformément aux enseignements d’Aristote et de Ptolémée, que le soleil ainsi que les planètes parcouraient une trajectoire circulaire autour de la Terre. Le modèle, intellectuellement satisfaisant, ne posait qu’un problème : il ne concordait pas, mais alors pas du tout, avec les mouvements observables dans le ciel. Les mouvements des astres y présentaient d’exaspérantes aberrations, avançant, reculant, s’éclipsant les uns des autres. C’étaient, certes, des cas particuliers. Mais, à force d’éclipses, ça faisait beaucoup : à supposer que la Terre fût au centre, il fallait admettre qu’autour d’elle, soleil et planètes s’exerçaient au tango.

Que fit-on ? On l’admit. Un obscur inventeur, dont de plus érudits sauraient vous dire le nom, entreprit de corriger le modèle de la manière suivante : les astres, écrit-il, tournent bien autour de la Terre. Mais ils décrivent, en tournant, de petits cercles, une orbite autour de leur première orbite - il appelait cela, je crois, des épicycles. C’est pourquoi, depuis le sol, ils semblent se croiser, avancer, etc., alors qu’ils n’accomplissent qu’une sorte de spirale circulaire. Vous suivez ? Les astres, non. Alors, comme ça ne marchait toujours pas, on corrigea la correction : on ajouta cercle sur cercle, épicycle cycle sur épicycle, jusqu’à ce que la carte , du monde ressemble à une sorte de marguerite irradiée, où les pétales eux-mêmes auraient leurs propres pétales. On n’y voyait plus rien, mais on sauvait les principes, et Aristote, et Ptolémée. Tout aurait été parfait, si l’on avait pu un peu oublier les planètes (qui, il faut bien le dire, ne manifestent pas tous les jours pour exiger la refonte de leur statut). Un jour, Galilée, puis Kepler y mirent bon ordre - niais c’est une autre histoire.

De quoi ; voulais-je vous entretenir ? Ah oui : on parle beaucoup, ces temps-ci, d’une loi sur l’immigration. À en lire l’avant-projet, il semble que celle-ci consiste en une série assez complexe d’amendements, destinée, plutôt qu’à remettre une bonne fois à plat les ordonnances de 1945, à corriger les effets pervers engendrés par les lois Debré. Ces dernières, rappelons-le, visaient à corriger les effets pervers engendrés par les lois Pasqua. Lesquelles s’engrenaient, en en renforçant l’optique répressive, les lois Joxe. La perspective est, chaque fois, la même : la politique de la France est fondée sur de solides principes, et de claires distinctions - immigration régulière ou irrégulière, intégration et fermeture des frontières, etc. C’est cela, d’abord, qu’il faut défendre, quitte à adjoindre à la généralité de la loi quelques dispositifs visant à en adapter l’adaptation aux cas particuliers. Aux nombreux cas particuliers. Car le réel est ainsi fait : il résiste, avec une contrariante constance, à danser comme il le faudrait le tango des principes et de leurs corrections.