Féminisme : appelation d’origine

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Le mot « féminisme » est abusivement attribué depuis la fin du XIXe siècle à Fourier et le dictionnaire Robert de la langue française perpétue encore cette erreur. On comprend bien pourquoi : outre que Fourier est un auteur enclin aux néologismes, il assiste en 1830 à l’apparition du premier mouvement féministe et joue bien évidemment un rôle d’éclaireur dans l’histoire de l’égalité des sexes et de la liberté des femmes. Le curieux de la chose est que la création de ce néologisme est daté de l’année de sa mort. Or ce mot n’est pas dans ses textes, même si la chose s’y trouve. En revanche, l’apparition de l’adjectif « féministe » est remarqué chez un auteur connu pour son attitude passionnelle à l’égard des revendications des femmes de son temps, Alexandre Dumas-fils. Il publie en 1872 L’homme-femme, pamphlet à propos d’une affaire de moeurs, débat sur l’adultère et l’interdiction du divorce. Derrière Fourier le socialiste et féministe, se trouve donc Dumas-fils, républicain et antiféministe. Il n’est pas anodin que le mot vienne de ce côté-ci de la vie politique du XIXe siècle. Mais plus surprenant encore : le mot « féminisme » préexiste à l’adjectif politique, il appartient au vocabulaire médical, ce qu’attestent d’ailleurs encore certains dictionnaires médicaux du XXe siècle. En effet, en 1871 parait une thèse de médecine intitulée Du féminisme et de l’infantilisme chez les tuberculeux dont l’auteur est l’étudiant Ferdinand-Valère Faneau de la Cour, élève du professeur Jean lorain, en fait le véritable auteur du mot nouveau.

Geneviève Fraisse, in Muse de la raison