bataille dérangée

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Comment mesurer l’efficacité d’un mouvement qui désire le monde et non le pouvoir ? Que cherche une mobilisation qui ne veut ni renverser le pouvoir, ni seulement le faire plier sur tel ou tel objectif ? L’altermondialisme, mouvement global non révolutionnaire, oblige à repenser le mode de calcul des gains politiques. Mais le contournement des règles de l’affrontement et le détour par des modalités parodiques de confrontation constituent-ils alors une ruse habile, une vaine fiction, ou le produit des transformations de la culture de la contestation ?

Il est toujours trop tôt pour rentrer chez soi, et il est « toujours trop tôt pour mesurer les effets d’une mobili­sation », affirme Rebecca Solnit dans son ouvrage Hope in the Dark, Untold histories, wild possibilities. Se proposant alors de compter quelques-unes des victoires des mouvements, « puisque les défaites sont suffisamment documentées », elle égrène une histoire « remplie de petits gestes » que l’on croirait des bouteilles à la mer, et qu’elle voit comme des battements d’ailes de papillon susceptibles, à terme, au loin, de faire trembler les fondations les plus solides. Cette ouverture maxi­male du champ des possibles permet de ne pas s’embarrasser du laborieux et délicat calcul de l’efficacité d’une mobilisation collective, opération de mesure qui accumule en effet les défauts : déficit d’instruments fiables, flou de l’objet d’études et intérêt heuristique douteux. À quoi ça sert ? La question, en plus de paraître mauvaise, semble suspecte. Formulée le plus souvent par des lèvres critiques, véhiculant un cadre de pensée utilitariste, supposant la préexistence d’un plan clé en main, elle constituerait surtout une charge démobilisatrice, a fortiori quand elle est posée à un mouvement dont le projet politique n’est pas circonscrit et la scène de contestation globale. Et pourtant, elle taraude ceux qui s’engagent, leurs cibles et ceux qui les observent.

Or, la conjonction du deuil de l’horizon révolutionnaire, d’un désenchantement vis-à-vis de la seule politique des urnes et de l’ajout, aux règles constituées de l’espace politique national et étatique, des effets de la mondialisation, a favorisé le dévelop­pement de modalités d’action qui modifient la mesure linéaire des résultats d’un engagement collectif. Plus particulièrement au sein du mouvement altermondialiste, s’est en effet développée une représentation des luttes politiques qui esquive la bataille frontale et se nourrit du motif foucaldien de la « bataille perpétuelle », selon lequel le pouvoir n’est pas une substance à prendre ou à faire plier, puisque existent seulement des relations de pouvoir que toute révolte vise à redéfinir. Mais la mesure de l’efficacité d’une mobilisation globale non révolu­tionnaire est moins aisée que celle des rares mouvements qui se donnent encore comme objectif le renversement du pouvoir, ou que celle des mobilisations dont les objectifs définis et finis (retrait d’un projet de loi, amélioration de la cantine d’un établissement pénitentiaire, accès à tel ou tel aspect du droit à la santé ou au logement... ) permettent d’estimer assez facilement le succès ou l’échec, en dépit de la gamme des compromis possibles.

La proclamation, dans le même instant, du refus, ou de l’insuffisance, des règles politiques en vigueur et du refus de les changer par l’affrontement direct, réouvre ainsi la défi­nition des effets d’une mobilisation. Si l’activisme n’est plus pensé seulement comme une boîte à outils pour changer les choses, mais comme un lieu où vivre selon ses désirs, parvenir à incarner ce à quoi on aspire serait, par exemple, déjà une vic­toire. En alliant contournement de l’espace politique prédéfini, ambition globale et désir de multiplier les foyers de résistance et de résidence d’une « autre politique », l’altermondialisme tend à redéfinir les fins et les moyens des mobilisations. En voulant redéfinir les règles mêmes du gain politique, ces modalités d’action font paradoxalement réapparaître la question des buts : évacuation possible de l’exigence de résultats directs, déplacement des lignes de calcul ou impossible contournement ?

Are we everywhere ?

Dans les grands magasins londoniens, un activiste surnommé The Vacuum Cleaner invite les clients à se joindre aux prières pleines de dévotion qu’il adresse, à haute voix et à genoux, à un jean taille basse ou une cafetière à percussion. Les spacehi­jackers anglais, convaincus que les utilisateurs de 4x4 pensent être en safari lorsqu’ils parcourent les rues de la City, se maquillent en lions et rugissent au passage des voitures. Et, plus encore depuis l’effroi de Gênes et le déplacement des sommets hors des villes, différents groupes réunis en ateliers et labora­toires assument un décentrement géographique et politique des actions, préférant inventer des Zones d’Autonomie Tempo­raires que continuer à prendre d’assaut la Zone Rouge, ou alors seulement en y catapultant des militants en peluche.

Ces actions qui parodient le face à face forment le pendant d’un discours d’évitement de la confrontation directe avec le pouvoir qui s’est banalisé dans l’univers activiste, notamment depuis l’insurrection zapatiste de 1994, dont le propos exprimait quelque chose de difficile à entendre de la part d’insurgés : « Nous ne voulons pas votre pouvoir ». Inspiré par Marcos, John Holloway, en titrant son ouvrage Change the world without taking power, a trouvé la formule d’une pensée qui n’était pas inédite, mais dont la circulation accrue dans le monde militant (d’Arundhati Roy à Miguel Benasayag) est révélatrice d’une redéfinition des lieux de la mobilisation et de la configuration des batailles, et donc de ce qui est gagnable.

Le succès d’un ouvrage comme Empire de Toni Negri et Michaël Hardt (dont les conférences attirent les foules lors des forums sociaux) s’alimente à un même retournement du deuil de l’horizon révolutionnaire en fête de l’instant, à un même dédain vis-à-vis des urnes et des partis pour une valorisation de la créativité. Tout en franchissant une étape supplémentaire, puisqu’il postule que le rapport de forces global est en faveur des Multitudes, alors que l’évitement proclamé du face à face vise aussi à métamorphoser une faiblesse en atout. Il rejoint ainsi la devise du réseau modestement auto-désigné comme intergalactique : « We are everywhere ».

La banalisation de telles pratiques et de tels discours est sans doute le corollaire d’une révolution silencieuse qui parcourt les mobilisations collectives : la diffusion d’une culture et d’une logique d’autonomie radicale, accompagnée d’une sensibilité libertaire marquée, c’est-à-dire un changement de paradigme majeur pour des mouvements à l’imaginaire collectif nourri de marxisme et de rapports d’affrontement. Le revival négriste dans l’altermondialisme est en la matière un indice, puisqu’il y a une proximité théorique forte entre les Multitudes mondiales d’aujourd’hui et l’autonomie ouvrière italienne d’hier, pour laquelle l’action est créatrice de droits immédiats et la submersion du monde social imminente [1]. La CNT n’a certes pas infiltré depuis la rue des Vignoles les organisations de la gauche française. Le drapeau noir n’a pas remplacé l’éten­dard rouge, vert, rose ou argent. Mais une culture de l’auto­nomie informe de plus en plus les mobilisations, dans leurs tactiques comme dans leur organisation.

Le « groupe d’affinités », valorisé comme moyen de remplacer la rigueur de l’adhésion par une confiance commune dans la définition d’un collectif, est ainsi apparu à la fin du XIXe siècle parmi les anarchistes espagnols. Destinés à coordonner les groupes affinitaires en assurant un rayonnement entre le groupe et son représentant en lieu et place d’une délégation permanente, les « spokescouncils », ou « conseils de rayons », ont été inventés dans les mouvements libertaires anti-nucléaires américains des années 70.

Cette méfiance vis-à-vis de la délégation et cette valorisation de la décision au consensus par rapport au vote atteignent des rivages militants improbables. En janvier dernier, à Porto Alegre, le Forum Social Mondial, pourtant né de l’initiative de personnes pétries de marxisme ou de christianisme social relativement peu suspectes d’attirance pour l’univers libertaire, a bouleversé son organisation en profondeur : décentralisation de l’initiative des conférences, absence d’invitation des figures charismatiques « représentatives » du mouvement, priorité donnée à l’autogestion, réinstallation géographique des périphéries au centre des activités, notamment le camp de jeunes... Et la fascination pour les utopies pirates serait la conception paroxystique de cette culture de l’autonomie. Ces thématiques ne sont pas neuves, puisqu’il y a plus de 30 ans les militants de Lotta Continua, peu avant leur dissolution, lançaient déjà le mot d’ordre « Reprenons la Ville », préfigu­ration des Zones d’Autonomie Temporaires, matérialisées dans le mouvement des centres sociaux italiens. Et lorsque les maos de VLR ! (Vive la Révolution !) se sabordent, la raison avancée est aussi de « se changer soi-même avant de changer le monde ». Toutefois, la banalisation de cette culture au sein des mouvements globaux non révolutionnaires modifie les grilles de lecture de l’efficacité des mobilisations.

Contournement du pouvoir et empowerment

Postuler que le but des mobilisations n’est plus seulement d’affronter des forces étatiques, ni une entreprise ou une organisation internationale, permet en effet d’ouvrir le champ de mesure des effets des mobilisations, principalement à travers la réduction des échelles de lutte et les conséquences du retour sur soi.

L’attention portée aux relations de pouvoir diffuses a été précieuse parce qu’elle déplace le curseur sur la dimension interne d’une mobilisation. Au moment même où Lotta Continua appelle à« Reprendre la Ville », des féministes italiennes inventent un autre mot d’ordre : « Reprenons la Nuit ». Formation à l’autodéfense, développement de la confiance en soi, rondes féminines : pour éviter que la nuit ne soit le seul territoire des hommes, il s’agit moins de créer un service d’ordre protecteur que de vaincre une impuissance déterminée par la crainte et une habitude de domination. Apparition d’une thématique qui ressemble fort à ce qu’on nommera par la suite « empowerment », et qui informe dès lors nombre de mouvements. L’efficacité d’une mobilisation se juge aussi à l’aune de sa capacité à éteindre en son sein les foyers de domination patriarcale, sexiste, raciste ou économique, et à offrir à chacun les moyens, le désir et l’espoir d’accroître ses possibilités d’existence. Dans l’hypothèse d’un horizon de transformation identifié, même lointain, et de lieux de pouvoir circonscrits, les fins peuvent toujours justifier les moyens. Mais ici, les moyens deviennent fins, et le degré de cohérence entre les attitudes et les revendications importe. Un principe de précaution salutaire dans un monde militant qui a montré sa capacité à répliquer les effets de dominations qu’il dénonçait. C’est ce que la sociologie des mobilisations américaine a nommé les « Politics of préfiguration », fondées sur l’idée que si l’activisme est déjà démocratique, pacifique et créatif, alors dans un petit coin du monde ces choses désirées ont déjà triomphé. Francesca Polleta étudie ainsi, dans son ouvrage intitulé Democracy is an endless meeting, les réussites et les échecs de mouvements (depuis les Students for Democratic Society jusqu’au Direct Action Network) guidés par le souci de ne pas verticaliser les décisions au nom de l’efficacité de l’action. Une étude qui remet en cause l’idée que l’institution­nalisation de la délégation de pouvoir des militants à un petit groupe est inévitable pour qu’un mouvement réussisse (phéno­mène identifié dès 1913 par Roberto Michels dans son Essai sur les tendances oligarchiques dans les partis politiques). La réduction des échelles de lutte, pour éviter le découragement d’une bataille de transformation générale sans cesse différée, a aussi des effets sur la mesure de l’efficacité des mobilisa­tions : évitement des confrontations violentes en situation asymétrique, dépassement de l’alternative stérile entre réforme et révolution avec la possibilité d’une autonomie radicale, reconnaissance de la dimension esthétique et hédo­niste d’une lutte, économie de forces souvent limitées, mise en avant (du fait de la méfiance vis-à-vis des porte-parole) de ceux qui vivent directement les injustices : malades, migrants, sans-papiers...

Mais, si la prise en compte de ces évolutions permet d’élargir les objectifs des mobilisations (d’autant que les comportements internes peuvent avoir des effets exogènes en catalysant les adhésions et la sympathie de l’opinion publique), elle met en crise, dans le même temps, ce qu’on peut attendre de la réalisation de ces objectifs. De telles logiques de mobilisation peuvent en effet créer un tiraillement entre le trop local et le trop global, entre la beauté du geste et l’infini du slogan (« un autre monde est possible »). La proposition de résultats très intimes à l’intérieur d’une problématique très générale peut catalyser une insatisfaction qui fait douter de l’efficacité de la redéfinition des possibles par l’évitement des rapports d’affrontement. L’abandon d’une rhétorique du tout ou rien (dont l’appel à la grève générale est une des figures historiques) comme tactique de négociation, au profit d’une attitude qui revendique à la fois le presque tout et les petits riens, n’est pas évident à tenir. S’il peut être jouissif d’articuler petites perturbations (réduire les recettes d’un Mac Donald’s en l’investissant un samedi à midi) et grandes revendications (lutte contre la précarité), le recentrement sur des univers à proximité, une fois identifiée l’étendue des problèmes, engendre aussi des frustrations et des inquiétudes sur les capacités de mobilisation.

Retour stratégique

Cette petite révolution culturelle, qui a facilité la diffusion de modes d’évaluation et de modalités d’organisation transformées, contient en effet des limites propres en termes d’efficacité. Ces formes de mobilisation collective évacuent facilement la douloureuse question de savoir à qui elles s’adressent par leurs actions et leurs discours, au risque de ne s’adresser qu’à elles-mêmes ou à lai figure somme toute confortable du militant triste, engoncé et répétitif, et de ne pas rassembler au-delà d’une sphère restreinte. Le « coup » qu’est l’abandon de la logique du pouvoir pour l’admiration des possibles risque de payer ses vertus libératrices d’un écart accru entre le petit cercle des mobilisations et le grand tout dans lequel il agit. Même si des organisations de type partis ou syndicats peuvent également être uniformes, les affinités élec­tives des « ami-litant(e)s » sont socialement très déterminées et homogènes. Et les mouvements altermondialistes consti­tuent ainsi une forme de protestation qui sied surtout aux classes moyennes cultivées des pays riches. Alors qu’Holloway ou Hardt étaient les stars du dernier FSM de Porto Alegre, les théories du contournement du pouvoir ne rencontraient que des sièges vides l’an dernier à Bombay, et passaient loin des intouchables ou des travailleur-se-s du sexe indien-ne-s. La culture de l’autonomie favorise la juxtaposition de petites actions qui valorisent un être-ensemble moins fondé sur un intérêt collectif ou une situation commune que sur une envie partagée.

Une logique qui peut vite entraîner un phénomène de sépara­tion, un îlot pirate qui en oublie le monde. La parade à cette tentation déconnexionniste de la culture autonome serait la valorisation du réseau, la mise en lien des communautés et des espaces. Mais, même si des revendications partagées peuvent certes se greffer sur des concentrations de forces, le réseau voit son efficacité bordée par l’ampleur réduite des projets communs. La nécessité de maintenir le consensus entre les auto-organisations qui le composent, et la méfiance extrême devant les risques d’institutionnalisation, font en effet du réseau une structure auto-limitée à quelques vastes campagnes (sur la réduction de la fracture Nord-Sud, par exemple) ou à une liste de petites actions, puisqu’il est quasiment impossible d’y développer des stratégies à trois ou quatre coups.

Or le besoin de stratégie et le souci des victoires n’ont pas été évacués des mouvements globaux non révolutionnaires en même temps que l’abandon de la confrontation directe. La présence saturée de la métaphore militaire dans la manière dont se nomment les militants (rebelles, résistants, activistes, Journal d’une combattante de Naomi Klein, armée des clowns...) traduit une représentation de soi n’ayant pas déposé les armes, même si elles sont désormais remplies d’eau colorée. On s’est alors tourné vers les notions d’« approche indirecte », de stratégies « du faible au fort » ou « d’hybridation des techniques », développées par des théoriciens militaires comme Sun Tzu (d’ailleurs également convoqué dans les manuels de stratégie commerciale), auteur d’un Art de la Guerre soutenant que livrer 100 combats pour remporter 100 victoires était bien, mais que paralyser l’ennemi sans livrer bataille était encore mieux. La mesure de l’efficacité d’une mobilisation se ferait alors sous l’angle des possibilités ouvertes, pour un petit acteur, d’en mouiller un plus gros, qui à son tour peut en interpeller un autre, ou pour des troupes réduites de faire des dégâts sans épuiser toutes les énergies disponibles. On peut alors admirer l’efficacité des ONG alliées avec des pays aussi faibles que l’Angola ou le Cambodge, qui ont réussi, contre les États-Unis et la Russie, à faire inscrire l’interdiction des mines antipersonnel sur l’agenda international.

Mais on peut aussi braquer le regard sur certaines mobilisations qui, au sein de ce mouvement global non révolutionnaire, ont à la fois refusé le modèle napoléonien de la bataille et connu 1e tentation quasi-monastique d’une élite vivant avec des règles différentes de la société qui l’entoure, mais qui sont parvenue à faire « retour au monde », enrichies de cette expérience. Certains centres sociaux milanais (prototypes a priori de 1e logique d’autonomie poussée jusqu’à la séparation), ont ainsi conservé des fonctionnements autogérés horizontaux, tout en cherchant à se réinscrire dans leur quartier (sous forme d’un soutien scolaire et technique aux travailleurs immigrés) ou dans la ville (avec l’organisation d’un massif Mayday des précaires susceptible de renouveler une pratique syndicale de plus en plus menacée de désuétude). Ces mobilisations offrent un moyen précieux de sortir de l’alternative dominante dans l’imaginaire collectif activiste en termes de stratégies : la bataille décisive à la Clausewitz ou la représentation de soi en petite fourmi (lors d’une Université d’ATTAC à la Ciotat en 1999, il fut proposé de lancer une campagne pour que chacun retire en même temps un maximum d’argent dans tous les distributeurs afin de « menacer » la liquidité des banques). particulièrement présente dans le mouvement alter. Ni « manger le crocodile à la petite cuillère »(Miroslaw Dzielski), ni « instructions pour une prise d’armes » (Auguste Blanqui) ; les leçons non séparatistes de la culture de l’autonomie mènent peut-être à un abordage fécond.

En effet, le ré-enchantement d’une politique à portée de soi suppose peut-être un détour par les logiques de l’autonomie, pour réactualiser les moyens et les fins d’une mobilisation étendue. À partir d’une identité fortement constituée, de techniques d’actions et de modes d’organisation spécifiques enrichis de l’apprentissage de ses forces et limites (refusant une définition collective sur le mode du « nous sommes toutes précaires »), les Precarias a la Deriva madrilènes ont ainsi développé l’idée d’une dérive qui soit un retour sur les mers communes à partir de la culture des possibles produites dans certaines îles pirates. Cette faculté de combiner culture de l’autonomie et désir de l’autre ne permet certes pas d’inscrire un chiffre précis au calcul de l’efficacité des mouvements articulant tactique locale et discours global, mais elle réduit l’hésitation paralysante entre consentir, protester ou fuir vis-à-vis de processus politiques qu’on ne maîtrise pas. En complexifiant la notion d’action politique. de tels types de mobilisation invitent ainsi à repenser la tripartition classique de l’espace public proposée par Albert O. Hirschman (Exit, Voice, Loyalty) en laissant entrevoir des formes de synthèses inédites, notamment entre la protestation (Voice) et la fuite (Exit). Ce qui est déjà une victoire.

Notes

[1L’opéraisme négriste obéissait, lui, encore à un schéma classique de transformation globale induit par l’action d’un groupe particulier, les ouvriers, mais, par rapport au léninisme, se détournait du rôle moteur du parti communiste sur ce groupe social.