Vacarme 89 / Cahier

on ne la fera pas taire : soutien inconditionnel à Odile Maurin

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Odile Maurin est une militante toulousaine, figure des « gilets jaunes » et présidente de l’association Handi-Social, une association d’entraide et de défense des droits des personnes en situation de handicap ou de maladies invalidantes. Elle a été condamnée le 6 décembre à deux mois de prison avec sursis et à un an d’interdiction de manifester pour des faits de « violences » contre des policiers. Vacarme apporte son soutien à cette activiste des Gilets jaunes et de la lutte contre le validisme.

Odile Maurin, fondatrice et présidente de l’association toulousaine Handi-Social, est depuis plusieurs années le fer de lance de luttes qui dénoncent les régressions politiques en matière de handicap, et le retard de la France à mettre en œuvre une politique réellement inclusive. Elle a rejoint le mouvement des Gilets jaunes, observant des points de convergence entre la critique du validisme, ce système de normes et de hiérarchies qui contribue à inférioriser les personnes en situation de handicap et participe de leur relégation sociale et politique, et la critique du capitalisme, exaltation de la concurrence et de l’individualisme. Elle est aujourd’hui frappée par une condamnation — dont elle a fait appel — à deux mois de prison avec sursis, à un an d’interdiction de manifester et à plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts pour des faits de « violences » contre des policiers. Cette condamnation n’est pas seulement outrancière, elle repose sur une totale distorsion des faits qui se sont déroulés le 30 mars 2019, lors de l’acte 20 des Gilets jaunes.

Dans cette parodie de justice, on a voulu faire croire qu’une femme se déplaçant dans un fauteuil roulant électrique aurait entravé l’action d’un véhicule de secours incendie, en réalité un canon à eau de la police, et infligé des blessures n’ayant pourtant entraîné aucune interruption temporaire de travail à deux policiers, dont l’un n’était pas présent lors de l’audience. Or ce jour-là, c’est la violence des forces de l’ordre qui s’est déchaînée contre Odile Maurin, qui a eu cinq fractures au pied et une trentaine d’hématomes, quand les policiers ont manipulé le joystick du fauteuil électrique, provoquant une déviation brutale de trajectoire, l’amenant à s’encastrer dans un camion de police. Odile Maurin avait des preuves de son innocence que le juge a refusé d’examiner. Cette inversion des responsabilités s’inscrit malheureusement dans la mécanique bien rôdée des violences policières, qui ne sont qu’exceptionnellement jugées et punies, mais valent en revanche à leurs victimes directes ou collatérales poursuites, jugements et condamnations.

Contre l’assignation à l’enfermement, sous prétexte de handicap, il faut ruser, comme toujours.

La condamnation d’Odile Maurin s’inscrit dans la répression massive du mouvement des Gilets jaunes mais elle franchit également un cap dans les méthodes des forces de l’ordre et de leurs relais dans le système judiciaire. Que cette répression ne souffrira pas d’exception, quand bien même le handicap d’Odile Maurin et les blessures graves qui lui ont été infligées ce jour-là, donnent un caractère obscène aux plaintes des policiers. Mais l’on voit aussi clairement ce que cette condamnation vise en réalité ; non pas une femme isolée, fragilisée par son handicap, mais quelqu’un qui par ses combats puissants et d’avant-garde sur les questions de handicap, est devenue une cible pour les instances chargées de la surveillance et de la discipline des corps indociles. Cette condamnation, aussi absurde fut-elle, a semble-t-il une visée claire : la remettre à sa place. Ce qui signifie, sur un plan symbolique, la réassigner à celle qu’elle n’aurait jamais dû quitter ; celle de toutes ces personnes dont la société a consciemment et méthodiquement, sous le prétexte de leur handicap, organisé l’enfermement et la ghettoïsation.

Passer outre l’interdiction de manifester lui fait désormais risquer un an de prison ferme. Contre cela il faut ruser, comme toujours, ainsi que nous l’écrit Odile Maurin : « Ce n’est pas la privation de liberté qui m’a fait peur, car ça malheureusement, je connais avec les années que j’ai passées enfermée chez moi pour me battre pour mes droits, non, c’est le risque vital en détention avec mes problèmes infectieux et cardiaques du fait d’un accès aux soins très compliqué. Alors je ruse, les camarades manifestent avec une photo de moi portée autour du cou, je prends la parole à distance par téléphone et avec l’aide de la sono qui tourne en manifestation, je manifeste hors de la voie publique ou seule. Je me mets quand même sur le bord de la rue au passage du cortège pour distribuer des tracts d’Archipel citoyen (une liste pour les municipales dont je suis candidate et pour laquelle je dois pouvoir mener campagne) en répétant que je ne manifeste pas et que je ne fais que tracter, ce qui fait rigoler tout le monde. Et l’autre jour, j’ai donné rendez-vous à un journaliste dans un café qui se situe sur le passage du cortège, ce qui m’a permis encore de dire bonjour aux copains. »

Vacarme s’associe par ce texte à Odile Maurin et à ses soutiens, non seulement pour répéter son innocence des faits qui lui sont reprochés, mais aussi pour demander justice des blessures qui lui ont été infligées par la police ce jour-là. Pour dénoncer les scènes de cruauté et d’humiliation encore jamais vues de policiers frappant et renversant des personnes en fauteuils roulants, ayant osé s’aventurer dans le mouvement et ainsi affirmer leur statut de citoyen·ne·s de plein droit. Un fauteuil roulant n’est pas une arme. La place d’une personne en situation de handicap est comme pour tou·te·s les autres citoyen·ne·s, dehors, dans la cité, à se mouvoir librement et à exercer son droit de manifester.