Vacarme 08 / chroniques

le point sur le championnat

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1 — Bordeaux. 52 points. Bleu marine à scapulaire blanc. Ce marine profond qui évoque autant le sombre bleuté qui nuance les vins tanniques de la région que le proche océan. Le centre d’entraînement du château du Haillan élabore un cru nerveux, stable, très charpenté, à l’image de son avant-centre Lilian Laslande. — Non, pas le château. L’entraîneur Élie Baup pratique avec aplomb une langue du bois dont on fait les meilleurs fûts.

2 — Marseille. 51 points. Blanc à parements bleu ciel, représentation abstraite d’un après-midi de printemps sur le vieux port. Un entraîneur Escarteffigue natif de la ville, une attaque caractérielle, un breton-Gourvennec-qui fait naufrage, une défense quartiers nord surplombée par l’immaculé Laurent Blanc. Aussi le seul stade non couvert d’une France qui s’idéalise un Sud sans hiver ni mistral.

3 — Lyon. 41 points. Maillot blanc à parement rouge et bleu. Comme si la capitale des Gaules disputait timidement son statut à Paris (maillot bleu à parement rouge et blanc). Entraînée par un Bernard Lacombe super terroir. L’énoncé de la composition de l’équipe sonne comme un reportage d’après-guerre : Coupet-Carteron-Laville-Fournier-Bréchet-Malbranque etc. Beau football de terroir portant le fardeau d’être l’ennemi héréditaire de la prolétaire A. S. Saint-Étienne.

4 — Monaco. 38 points. En rouge et blanc, l’équipe du prince. Forte d’un régime fiscal hautement favorable, elle possède un effectif royal. Point de vue et images du football avec Barthez et Linda Evangelista offshore sur fond de Méditerranée. Loges royales et tribunes vides.

5 — Nantes. 38 points. Tenue jaune canari et vert tendre comme métaphore de l’éternel printemps du foot. Dépositaires d’un jeu adolescent fait d’enthousiasme de désir et d’énergie collective. Grande tradition d’accueil de joueurs africains et d’Outre-Mer, brillante rédemption d’une ville qui fut un grand port de trafic d’esclaves.

6 — Rennes. 37 points. Maillot rouge et noir. Grande tradition bretonne du petit qui gagne contre les grands. A battu tous les favoris du championnat. L’entraîneur Paul Le Guen, de plus en plus grand frère de Dominique A, incarne à lui seul tout ce qui a fait de Rennes la ville du rock français.

7 — Montpellier. 33 points. Un club du Sud.

8 — Lens. 32 points. Champion en titre. L’esprit des corons. Daniel Leclerc, dit le druide, prône avec une répétitivité technoïde l’humilité et les valeurs du club. L’anti-Monaco. Un meneur de jeu tchèque, l’avant-centre souffre-douleur du championnat et un président qui fume des Gauloises. Tenue sang et or pour sueur et charbon.

9 — Auxerre. 31 points. Maillot blanc. Chablis sous le banc de touche. Poulets fermiers, ruralité, Guy Roux, stade « Abbé Deschamps », patronnage. Système en 4-3-3 inamovible, marquage strict.

10 — Bastia. 30 points. Maillot bleu à tête de Maure. Extraordinaire constance au palmarès des expulsions. Année après année, Bastia essuie les foudres de la répression arbitrale indépendamment de la proportion de corses dans son effectif (un seul cette année).

11 — P.S.G. qui sera toujours Paris. Aux deux tiers du championnat, il semble acquis qu’on devient footballeur français comme on devient juif new-
yorkais. Le fier milanais Marco Simone affirmait d’ailleurs après la défaite contre Sochaux : « On est vraiment des cons. »